Concevoir les nouvelles molecules des medicaments de demain
Une centaine de personnes travaillent dans ce laboratoire que dirige le Professeur Sylvain Rault et dont la vocation est d'essayer de concevoir de nouvelles molécules qui, à terme, pourraient déboucher sur la commercialisation de médicaments. D'où les nombreuses collaborations de ce laboratoire caennais avec l'industrie pharmaceutique, et plus particulièrement avec le Groupe Servier avec lequel le CERMN a créé un laboratoire mixte. La durée de vie des êtres humains ne cesse de croître, du moins dans les pays dits "riches". Mais que nous le voulions ou non, nous vieillissons tous, plus ou moins rapidement. Si la médecine parvient aujourd'hui à réparer momentanément certains dégâts causés par ce vieillissement, force est de reconnaître qu'elle ne peut quasiment rien faire quand celui-ci entraîne des désordres au niveau du cerveau. Aujourd'hui, le vieillissement cérébral est un des sujets de prédilection du CERMN. Son directeur, le Professeur Sylvain Rault, souhaiterait d'ailleurs que le laboratoire se positionne comme un pôle de compétence dans ce domaine. "Nous disposons en effet d'instruments spécifiques et d'un savoir-faire relativement unique en France", note-t-il. Ce qui intéresse plus particulièrement les chercheurs de ce laboratoire est de découvrir s'il existe des signes caractéristiques ou des précurseurs qui permettent de dépister ces désordres futurs. Il existe des marqueurs au niveau du cerveau sur lesquels les biologistes travaillent déjà. Mais existe-t-il également des marqueurs du comportement et quand pouvons-nous affirmer qu'une personne commence à vieillir et que sa relation au monde s'en trouve modifiée? "La perte ou la diminution des désirs constituent, me semble-t-il, d'incontestables prémices du vieillissement", constate Sylvain Rault. Deux molécules du CERMN en phase industrielle Les chercheurs savent aujourd'hui que parmi les neuromédiateurs du cerveau, la sérotonine joue un rôle majeur dans notre relation au monde. Cette petite molécule que Sylvain Rault présente comme "capable de produire de nombreuses notes sur une sorte de piano" peut en effet se fixer sur de multiples sites du corps humain pour produire des actions croisées extrêmement variées et complexes. Rappelons qu'elle a déjà permis de créer un célèbre anti-dépresseur, le Prozac. Le travail des chercheurs du CERMN vise par conséquent à comprendre comment fonctionne la sérotonine et à essayer de concevoir des médicaments qui pourraient permettre de prévenir le vieillissement cérébral. "Il est capital de s'occuper de ce troisième ou quatrième âge", déclare ce chercheur connu par ailleurs pour être un homme de convictions - élu depuis vingt-cinq ans dans sa commune - qui n'hésite pas à monter au créneau pour les défendre. Ces recherches sur le vieillissement cérébral sont menées essentiellement avec le Groupe Servier au sein d'un laboratoire mixte. D'ores et déjà, le CERMN a proposé des molécules qu'il faut à présent évaluer, ce qui n'est pas une tâche facile. Pour les cliniciens, il est en effet très difficile de tester l'efficacité de ce type de molécules destinées à retarder le vieillissement cérébral. Deux d'entre elles, développées par le CERMN, sont aujourd'hui en phase industrielle. Mais il faudra attendre encore cinq ans pour qu'elles soient peut-être commercialisées, tant les développements d'un médicament sont longs. "Il faut dix à quinze ans entre le moment où une molécule sort d'un laboratoire et se retrouve vendue en pharmacie comme médicament. Les meilleures molécules peuvent ne pas aller jusqu'au bout de la chaîne parce qu'elles sont toxiques et produisent des effets secondaires", précise le Directeur du CERMN. Parallèlement à ces travaux sur le vieillissement cérébral, les chercheurs de ce laboratoire caennais développent également des recherches en cancérologie, un domaine extrêmement vaste. Il s'agit notamment d'inhiber les kinases, ces enzymes qui participent au développement du cancer et à la mort cellulaire. Autre domaine très en pointe du laboratoire, la virologie et la recherche d'antiviraux. Pour mener à bien l'ensemble de ces travaux, les chercheurs utilisent aujourd'hui des méthodes très sophistiquées. "Au cours de ces dernières années, nous sommes passés d'une époque où les pharmacologues disposaient d'outils de criblage et d'essais peu performants ce qui les obligeaient à n'utiliser qu'un très petit nombre de molécules, à l'ère des systèmes in vitro sur lesquels nous pouvons travailler directement et cribler ou screener des milliers de molécules". Par conséquent, les chimistes doivent être capables désormais de produire beaucoup de molécules pour les essayer, d'où l'importance des nouveaux développements dans le domaine des technologies chimiques comme par exemple la chimie combinatoire. Il faut également souligner l'apport considérable de la modélisation moléculaire qui permet d'accéder en trois dimensions aux interactions moléculaires, ce qui représente un indispensable outil d'aide à la conception de nouvelles molécules. Le CERMN travaille beaucoup sur l'ensemble des méthodologies chimiques qui permettent la fabrication de molécules, en particulier dans le cadre de thèses. Un laboratoire universitaire qui essaime Le pharmacien qu'est Sylvain Rault a consacré sa carrière au ministère de l'Environnement. "J'ai négocié la protection de la couche d'ozone dans le cadre du protocole de Montréal", rappelle-t-il avec une pointe de satisfaction. Pas étonnant dans ces conditions que son laboratoire travaille depuis longtemps avec ce ministère, en particulier sur l'analyse des risques liés à l'emploi des produits chimiques. D'ailleurs, cela fait onze ans que le Directeur du CERMN occupe la présidence de la Commission d'évaluation de l'écotoxicité des substances chimiques au sein du ministère de l'Environnement. Aujourd'hui, Sylvain Rault est très préoccupé par le problème des abeilles dont on parle beaucoup dans les médias et pour cause. Faut-il ou non interdire l'utilisation de certains pesticides ? Co-président du Comité scientifique et technique qui s'occupe de ce problème, il a toujours été un fervent partisan du fameux principe de précaution qu'il considère comme "un principe de travail et non un principe de frilosité". "Si l'on ne peut pas démontrer un fait de manière absolument irréfutable, il faut s'arrêter", déclare-t-il. Infatigable, cet homme est également depuis peu vice-Directeur de la Chimiothèque nationale, une structure dont la mission est de répertorier tous les produits chimiques présents dans les laboratoires universitaires du CNRS. Preuve que Sylvain Rault n'est pas rancunier, lui qui demande depuis longtemps qu'on accorde au CERMN l'étiquette de laboratoire mixte du CNRS. "Nous travaillons bien paraît-il mais beaucoup trop dans la recherche appliquée", souligne-t-il sur un ton sarcastique avant d'ajouter : "Finalement, je préfère que le CERMN soit un laboratoire mixte avec l'industrie pharmaceutique. C'est en effet ma véritable vocation de pharmacien". S'il tient à rappeler que le laboratoire dispose d'équipements performants, en particulier grâce au soutien de la Région mais également du Groupe Servier dont la dotation annuelle est une des plus importantes qui soit versées par un industriel dans le domaine de la recherche en Normandie, il regrette de ne pouvoir embaucher plus de jeunes chercheurs. "Le travail ne manque pas. Si nous avions de quoi les rémunérer, nous pourrions aussitôt en embaucher trente à quarante". Plus généralement, il se désole des trop nombreux freins au développement de la recherche. En revanche, il peut s'enorgueillir de diriger un laboratoire universitaire qui essaime, une démarche encore trop rare pour ne pas le souligner. Ainsi après la création de Syntheval il y a quelques années, un autre chercheur du CERMN, Alexandre Bouillon, vient de créer son entreprise après avoir été lauréat du Concours national de création d'entreprises innovantes. CERMN - Tél. +33 (0)2.31.93.41.69. Fax. +33 (0)2.31.93.11.38.,http://www.cermn.unicaen.fr,Professeur Sylvain Rault - Directeur Source : ScienceTech Basse-Normandie,http://www.basse-normandie.net/lettre,Abonnement : subscribe.lettre.bn@adit.fr ,
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