Le scandium, ce matériau insaisissable, n’attend qu’à intégrer les sous-produits industriels
La rareté et la production limitée du scandium en font actuellement l’un des éléments les plus onéreux du marché. Ce métal de transition mou et argenté est utilisé depuis des décennies pour créer des piles à combustible à oxyde solide pour des applications d’éclairage de haute intensité, ainsi que des alliages Al-Sc utilisés dans les équipements sportifs haut de gamme et les applications d’impression en 3D. L’approvisionnement en scandium se limite toutefois aux importations en provenance d’Asie et de Russie.
Transformer les déchets industriels en trésors
Le projet SCALE, financé par l’UE, a jeté les bases d’une chaîne d’approvisionnement fermée pour le scandium en Europe. L’utilisation de sous-produits industriels, qui sont aujourd’hui le plus souvent mis au rebut et stockés, contribue à l’approche d’économie circulaire adoptée par l’UE. «Les résidus de bauxite issus de la production d’alumine et les déchets acides générés par la production de pigments de dioxyde de titane contiennent une quantité infime de scandium qui pourrait être exploitée à l’aide d’une technologie d’extraction viable», fait remarquer Efthymios Balomenos, conseiller principal à l’entreprise d’énergie et d’aluminium MYTILINEOS, en Grèce, et coordinateur du projet. Ces concentrés minéraux sont ensuite traités à l’aide de technologies de raffinage avancées pour produire des composés de scandium pur. Ces composés de scandium pur sont, à leur tour, utilisés comme matière première pour la production d’alliages-mères aluminium-scandium. SCALE a mis au point des technologies révolutionnaires permettant d’aplanir les obstacles qui entravent à la fois l’extraction et la production de métaux. En outre, il s’emploie à optimiser les technologies de raffinage en vue de réduire les coûts de traitement et d’éliminer le recours aux réactifs nocifs. Jusqu’à présent, des progrès notables ont été accomplis dans l’extraction du scandium à l’échelle pilote à partir de résidus de bauxite et de déchets acides issus de la production de TiO2. Les 10 tonnes de résidus de bauxite et les 2 m de déchets acides utilisés par les chercheurs ont permis d’obtenir des concentrés de scandium qui présentent une concentration en scandium allant jusqu’à 25 % en poids. Un nouveau schéma de raffinage du scandium a également été élaboré. Celui-ci permet la production efficace et flexible d’oxyde (Sc2O3) et de fluorure (ScF3) de scandium(III), en évitant l’utilisation de substances chimiques dangereuses couramment utilisées comme le gaz de fluorure d’hydrogène. De plus, les chercheurs ont réalisé un essai de production d’alliages-mères aluminium-scandium de haute performance dans une usine pilote. La réduction aluminothermique du ScF3 ou la coélectrolyse en sels fondus de l’aluminium et du Sc2O3 a permis d’éliminer le recours au calcium métallique, un réactif extrêmement onéreux et difficile à produire. Les travaux réalisés par SCALE se poursuivront dans le cadre de deux projets de suivi du consortium IET RawMaterials, qui devraient déboucher sur la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement pour le scandium en Europe. Le premier vise à mettre au point un procédé de raffinage du scandium qui génère des déchets acides comme matière première et du Sc2O3 comme produit. Le deuxième s’attachera à optimiser et à développer l’extraction du scandium à partir de résidus de bauxite.
Exploiter le potentiel des alliages aluminium-scandium
Les alliages aluminium-scandium représentent une nouvelle génération d’alliages de haute performance dotés de propriétés supérieures par rapport aux autres alliages d’aluminium. L’ajout de petites quantités de scandium améliore la résistance générale, la résistance à la corrosion, la taille des grains et la résistance à la recristallisation du métal. Plus important encore, lorsqu’il est ajouté à l’aluminium, cet élément apporte l’augmentation de la résistance à la traction par pourcentage atomique la plus élevée de tous les éléments d’alliage. «Les constructeurs aéronautiques, par exemple, pourraient l’utiliser pour construire des avions qui présentent une structure en aluminium plus légère et une consommation de carburant plus économique», fait remarquer Efthymios Balomenos. «L’usage du scandium dans les cadres de vélos a permis d’obtenir une réduction de 12 % du poids, une augmentation de 50 % de la limite d’élasticité et une amélioration de 25 % de la durée de vie en fatigue par rapport aux cadres de vélos en aluminium les plus vendus.»
Mots‑clés
SCALE, scandium, résidus de bauxite, déchets acides, Sc2O3, alliage-mère aluminium-scandium, ScF3, MYTILINEOS
