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Contenu archivé le 2023-03-02

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Un virologiste de renommée internationale préconise la vaccination altruiste pour prévenir la grippe aviaire

Le professeur Marc Van Ranst, un expert et conseiller en virologie mondialement reconnu, a présenté dans leurs grandes lignes les dernières recherches concernant deux maladies qui ont fait l'actualité récente - le chikungunya et la grippe aviaire. A l'occasion de la Journée mo...

Le professeur Marc Van Ranst, un expert et conseiller en virologie mondialement reconnu, a présenté dans leurs grandes lignes les dernières recherches concernant deux maladies qui ont fait l'actualité récente - le chikungunya et la grippe aviaire. A l'occasion de la Journée mondiale de la santé, il a également souligné l'importance d'accroître le financement de la recherche pour des maladies telles que la tuberculose, le VIH et la malaria, qui n'ont pas l'impact médiatique de la grippe aviaire et souffrent d'un besoin urgent d'action. Pour le professeur, l'éducation est une méthode simple et efficace de lutte contre la grippe aviaire et le chikungunya. Lors de la discussion, organisée par COST (programme de coopération européenne dans le domaine de la recherche scientifique et technique), il a affirmé que la grippe aviaire pourrait - en cas d'épidémie - être contrôlée efficacement en vaccinant les enfants, vecteurs clés de la propagation de l'influenza. Le professeur Van Ranst est basé à l'université catholique de Louvain, mais donne des cours partout en Europe. Il a présenté deux études de cas - la première sur les impacts de la récente épidémie de chikungunya en Réunion, la seconde sur la grippe aviaire -, de même que les dernières recherches sur la propagation du virus et la meilleure façon d'y réagir. Le virus du chikungunya se propage par les moustiques, en particulier les femelles. "Le chikungunya n'est pas un nouveau virus - c'est l'un des premiers à avoir été identifiés en Tanzanie en 1952 - mais un problème latent. Chacun dans la région a naturellement été en contact avec la maladie à un moment ou à un autre." Bien qu'induite par un virus différent, la maladie présente quasiment les mêmes symptômes que ceux de la fièvre dengue. Le virus déclenche une fièvre et provoque des douleurs articulaires - d'où son nom qui, en swahili, signifie "marcher courbé". Dans un quart des cas, le chikungunya occasionne des saignements des dents ou des gencives et un malade sur 2000 est susceptible de développer une meningoencéphalite dont l'issue peut, dans certains cas très rares, être fatale. Le professeur Van Ranst n'a pas manqué de faire remarquer que la maladie a simplement suivi un schéma épidémiologique normal, avec des cas isolés se propageant peu à peu à d'autres îles. "Les îles peuvent rester exemptes de toute maladie durant de très longues périodes. L'épidémie de chikungunya résulte d'un effet "ping-pong": certaines îles en infectent d'autres, de sorte que la maladie fait des allées et venues, mute et change", a-t-il déclaré. Cette mutation a rendu la souche particulièrement virulente, causant la mort de 75 personnes sur les plus de 200.000 cas enregistrés. Comme pour de nombreuses maladies transmises par le moustique, les eaux stagnantes - milieu de reproduction des moustiques - perpétuent le cycle de la vie. Les responsables politiques ont arrêté des mesures pour lutter contre l'épidémie. "Le gouvernement est en train de fumiger de vastes zones de la Réunion, là où poussent de nombreuses plantes endémiques. L'impact de ce programme de fumigation sur la maladie sera très probablement limité", a-t-il déclaré. Les mesures sont mises en oeuvre alors que le nombre de cas est en régression, selon un schéma épidémiologique normal. Pour en revenir à la grippe aviaire, le professeur a expliqué que le virus est "enveloppé", c'est-à-dire qu'il possède une enveloppe protéinique. Paradoxalement, cette "enveloppe" signifie que le virus est plus vulnérable en dehors d'un hôte vivant. Les deux protéines présentes à la surface du virus sont l'hémagglutinine (H) numéro 5 et la neuraminidase (N) numéro 1. L'hémagglutinine permet au virus de la grippe de pénétrer dans les cellules, tandis que la neuraminidase permet aux nouvelles particules virales de quitter les cellules infectées. La neuraminidase est la cible du médicament Tamiflu, bien que celui-ci soit essentiellement utilisé en prophylaxie post-infection et n'agisse que dans les 48 heures après l'infection. Une fois que les symptômes apparaissent, le Tamiflu perd son efficacité. "Le virus mute facilement - son RNA est segmenté en huit fragments, ce qui signifie qu'il peut se recombiner très facilement et permet aux souches de se combiner et de muter", a déclaré le professeur Van Ranst. "La souche actuelle H5N1, identifiée dès les années 1950, est la cinquième souche distincte découverte en Afrique du Sud. Depuis lors, elle réapparaît à peu près tous les dix ans." Sur 16 types différents de virus, seuls six sont des virus infectieux pour l'homme. Aucune recherche n'a été effectuée sur les autres espèces pour ce qui est de la grippe aviaire. Les oiseaux sont porteurs de tous les types, ce qui indique que le virus est d'origine aviaire. "Nous ne pourrons jamais éradiquer la grippe car il y aura toujours des oiseaux", a précisé le professeur Van Ranst. "Traditionnellement, le virus de l'influenza réapparaît selon un schéma d'alternance des saisons grippales, mais nous avons enregistré des basses saisons tant cette année que l'année dernière, de sorte que je prévois un retour en force de la grippe pour l'hiver prochain. Comment se propage la grippe? Par les enfants. Ils la transmettent partout. La grippe touche rarement les personnes âgées, en raison notamment du dessèchement de leurs muqueuses. Il y a un décalage très net d'un mois entre le moment où les enfants tombent malades de la grippe et celui de l'apparition des premiers cas grippaux chez les personnes âgées", a-t-il déclaré. Les vaccins sont efficaces mais ils reposent sur une vieille technologie - les �ufs. "Un �uf peut produire environ un vaccin. Cela fait beaucoup d'oeufs, et il est difficile dans ces conditions de produire encore plus de vaccins", a-t-il expliqué, en soulignant que la vaccination ne déclenche pas l'infection - il s'agit là d'un mythe. "Je recommande toujours de se faire vacciner en octobre ou en novembre [...]. Toutefois, étant donné que les personnes âgées ne conservent pas longtemps cette protection, elles devraient être vaccinées en dernier lieu, juste avant le début de l'épidémie. Néanmoins, la vraie solution est d'introduire la vaccination altruiste, c'est-à-dire que vous vaccinez les jeunes afin de protéger les personnes âgées." Actuellement, près de 65 pour cent des personnes âgées sont vaccinées et la plupart sont rarement touchées par la grippe, sauf si elles rendent visitent à leurs petits-enfants. Le virus mute de deux façons. Habituellement, la mutation est progressive d'année en année de sorte qu'une jeune personne en bonne santé devrait bénéficier, après avoir été grippée, d'une protection pour trois ou quatre ans - si ce n'est plus. Occasionnellement, le virus peut se transformer en un type complètement nouveau, comme ce fut le cas lors de la "grippe espagnole" de 1918: la souche H3N8 a muté en une souche H1N1 qui s'est propagée dans le monde entier en deux vagues sur deux ans. Il est difficile d'estimer le nombre des victimes, mais les évaluations varient entre 50 et 100 millions de morts. Les grands mouvements de troupes intervenus à la fin de la Première Guerre mondiale ont contribué à la propagation de la maladie. Les documents rassemblés par le professeur montrent que, aux Etats-Unis, à Philadelphia, 0,7 pour cent de la population est décédé en l'espace de dix semaines. A Boston, 5,7 pour cent des 20-30 ans sont morts. Ces chiffres correspondent à un taux de mortalité 178 fois supérieur au taux habituel. "Nous ne pouvons éviter cela. Mais nous devons tout mettre en oeuvre pour limiter les dégâts et éviter de nouvelles catastrophes majeures." Si une épidémie de cette ampleur devait à nouveau se produire, le nombre de morts serait aujourd'hui considérablement plus élevé en raison de l'augmentation de la population mondiale - qui est passée de 1,8 milliard à 6,4 milliards - et du fait que cette explosion démographique touche en particulier les pays en développement, où la vaccination est loin d'être la règle. "Il n'est pas nécessaire de faire paniquer les gens, mais pratiquer la politique de l'autruche n'est pas non plus une solution", a-t-il déclaré. Le professeur Van Ranst a présenté un tableau de différentes épidémies successives survenues selon un cycle quasi décennal et qui se sont révélées de moins en moins mortelles. Pour le professeur, la "grippe russe" de 1977 est très probablement due à un accident de laboratoire. Il fonde sa conviction sur l'étrange similarité du virus de la grippe russe avec un autre virus H1N1 des années 1950. Des différences génétiques aussi minimes sur cette période de 20 seraient hautement improbables pour un virus aussi actif, à moins qu'il ne s'agisse de la vieille souche, inchangée, et étudiée en laboratoire. Il n'y a pas eu de grandes épidémies de grippe depuis un certain temps; étant donné l'impossibilité de prévoir en la matière, la grippe aviaire est le candidat actuellement en lice. "Les poulets atteints de la grippe aviaire meurent rapidement, et présentent des symptômes similaires à ceux observés chez les humains durant l'épidémie de 1918 - saignements de la trachée, une sorte de fièvre hémorragique", a-t-il expliqué. "Des groupes entiers peuvent être rapidement décimés. Trop rapidement même pour que l'oiseau puisse pondre. Leurs systèmes immunitaires réagissent de façon excessive à la maladie. Une mortalité aussi élevée est un moyen efficace pour éradiquer l'épidémie." La grippe aviaire se propage aujourd'hui le long des voies de migration, et l'on sait qu'une partie des oiseaux migrateurs sont porteurs de la maladie. Une voie de migration couvre toute l'Europe, de sorte que le virus est probablement déjà présent partout en Europe, même si aucune épidémie ne s'est encore déclarée. "C'est l'ignorance qui fait que des personnes meurent de la grippe aviaire. Eduquer la population permettra d'éradiquer le problème. Dès lors que les gens savent qu'il ne faut pas approcher les oiseaux morts, alors le problème est résolu. A ce jour, 191 cas et 108 décès ont été recensés. Le nombre de décès est bien trop élevé que pour permettre la propagation de la maladie [les personnes meurent avant de transmettre le virus). Lorsque ce chiffre commencera à baisse, il faudra s'en inquiéter. "La combinaison des souches humaine et aviaire pourrait déclencher une pandémie. Pour certains, il faut procéder à une recombinaison avec la souche porcine. Si un tel cas de figure devait se présenter, il est fort probable que le virus s'adaptera à un hôte humain afin d'assurer sa propagation. Il ne faut pas s'inquiéter, mais nous devons nous préparer. La couverture résultant de la vaccination augmentera à 33 pour cent d'ici 2010. Mais ces vaccins ne couvriront que l'UE, et ne pourront prévenir une pandémie", a-t-il déclaré. Le professeur Van Ranst a clôturé son intervention par quelques statistiques qui font réfléchir. "Un certain recul s'impose. La rougeole fait 700.000 victimes chaque année. Les réactions au tsunami qui a frappé l'Asie ont été très fortes. Chaque semaine, la malaria dévaste autant qu'un tsunami - soit deux millions de personnes par an. La tuberculose fait 2,5 millions de morts, le VIH trois millions. C'est là que l'argent fait défaut. Simplement, nous ne nous soucions pas suffisamment des pays où un nombre significatif de personnes meurent de maladies telles que la malaria. C'est pourquoi nous n'avons pas de vaccin contre la malaria. La grippe aviaire et le SRAS font l'actualité en raison de leur caractère de "nouveautés". "Il faut protéger les populations. Pour cela, recourons à la vaccination altruiste - dont le bénéfice ira non pas à la personne vaccinée mais à quelqu'un d'autre. Dans les années 1960 et 1970, le Japon a appliqué cette méthode de vaccination avec des résultats impressionnants", a ajouté le professeur Van Ranst. La vaccination altruiste est la solution au problème de la grippe. Certains Etats américains appliquent déjà cette politique, pour des raisons différentes toutefois - pour protéger les enfants. Actuellement, la grippe n'est pas une priorité majeure, mais en cas de pandémie la vaccination altruiste sera la seule option raisonnable.

Pays

Belgique

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