Le corail imprimé en 3D plus performant que son équivalent naturel
La relation réciproquement avantageuse entre les algues et les coraux dure depuis des millions d’années et s’avère déterminante pour la santé des récifs coralliens, qui constituent un habitat pour approximativement un quart de l’ensemble de la vie marine. La concurrence pour l’espace et pour la lumière du soleil entre les différents organismes marins a poussé les coraux à adapter leur structure, afin de collecter et de diffuser la lumière de manière efficace et de permettre son utilisation par les microalgues résidentes. Grâce au financement de l’UE accordé au projet BioMIC-FUEL, des scientifiques de l’université de Cambridge ont reproduit avec succès ce microécosystème corallien, en produisant des microalgues jusqu’à 100 fois plus densément que ce que l’on trouve dans les coraux naturels. «Notre objectif était de nous inspirer des coraux pour développer des techniques plus productives de culture de microalgues. Contrairement aux technologies existantes qui utilisent un milieu de croissance liquide et une source lumineuse externe éclairant par le dessus, notre approche inspirée par la nature imite avec succès la façon dont les coraux capturent la lumière et la distribuent en interne aux microalgues», explique Daniel Wangpraseurt, biologiste marin à l’université de Cambridge.
L’impression 3D, un terrain fertile pour la croissance et la photosynthèse des algues
Les scientifiques ont mis au point une technologie de bio-impression 3D évoluée capable de reproduire en détail les structures du corail en imitant les conceptions et fonctions complexes de leurs tissus vivants. Leur méthode permet d’imprimer des structures avec une résolution de l’ordre du micromètre en seulement quelques minutes. «La plupart de ces cellules mourraient si nous utilisions des processus d’impression traditionnels à extrusion ou à jet d’encre, car ces méthodes demandent des heures de réalisation. Cela reviendrait à garder un poisson hors de l’eau; les cellules sur lesquelles nous travaillons ne survivent pas si elles sont maintenues trop longtemps en dehors de leur support de culture. Notre processus présente un rendement élevé et offre des vitesses d’impression vraiment rapides. Il est compatible avec les cellules d’algues, mais également avec les cellules humaines et animales», précise Daniel Wangpraseurt. Dans le but d’imiter les propriétés optiques du corail vivant, les scientifiques ont mis au point un tissu et un squelette coralliens artificiels à l’aide d’un mélange de différents biopolymères et hydrogels dopés avec des nanomatériaux à base de cellulose. Des algues ont également été intégrées au mélange. Leur approche innovante de la bio-impression n’a pas été un exercice facile. «Le fait de travailler avec des matériaux fins, qui ne sont généralement pas évidents à manipuler, s’est avéré complexe. Mais la vraie réussite de notre approche de bio-impression dépendait de l’étude de matériaux qui, bien qu’interagissant faiblement avec la lumière (pour obtenir des structures coralliennes à haute résolution), soient également capables de la diffuser au bénéfice des algues», explique Silvia Vignolini, du département de chimie de l’université de Cambridge.
Les coraux bioniques: une solution pour sauver les récifs ou améliorer leur nutrition
Les coraux bioniques hybrides vivants nouvellement créés sont capables de cultiver des densités élevées de cellules algales pouvant atteindre 109 gr/ml. Dès que son développement aura atteint un stade plus avancé, la technologie de bio-impression est également susceptible d’être mise à profit pour des bioréacteurs performants cultivant des algues hautement nutritives utilisables dans les technologies alimentaires. Par ailleurs, les coraux imprimés en 3D servent de système modèle pour étudier la conservation des récifs coralliens. En effet, l’augmentation des températures et de l’acidité des océans risque de bouleverser cette délicate symbiose et de provoquer une expulsion des algues par les coraux, qui deviennent alors blancs, un processus appelé «blanchissement du corail». «Pour l’heure, nous nous sommes concentrés sur l’amélioration de notre technologie pour des applications de pointe, jusqu’à atteindre un rendement élevé. À l’avenir, notre technique pourrait devenir évolutive afin de fabriquer des produits à très forte valeur ajoutée à une plus grande échelle», conclut Daniel Wangpraseurt. Les résultats du projet sont publiés dans la rubrique Communications du journal Nature. Les scientifiques ont également récemment créé une start-up nommée «mantaz», qui emploie des approches économiques de captage de la lumière inspirées du corail pour cultiver des bioproduits d’algues dans les pays en développement.
Mots‑clés
BioMIC-FUEL, microalgues, bio-impression, corail imprimé en 3D, symbiose, récif corallien, blanchissement du corail