Un nouveau détecteur à scintillation compatible avec les faisceaux de neutrons brillants
Un accélérateur linéaire de 600 mètres sera placé au cœur de l’ESS et enverra des protons sur une cible en tungstène, d’où seront par conséquent émis les neutrons. L’ESS utilisera les neutrons pour sonder la structure et les mouvements de divers matériaux au niveau atomique/moléculaire afin de pouvoir procéder à des analyses scientifiques. Sa construction requiert des avancées technologiques importantes à tous les niveaux de la conception des composants de l’instrument. Les détecteurs ne font pas exception à la règle. En effet, de telles nouvelles sources dépassent les capacités des détecteurs de neutrons actuels en terme de mesure de taux élevés de particules émises ou de détection des positions des particules dans l’espace avec une grande précision – ou les deux. Pour contourner ce problème, le faisceau de neutrons initialement très intense émis par une source de neutrons puissante doit souvent être atténué. «Les sources de neutrons de nouvelle génération, comme l’ESS, sont si puissantes qu’elles aveuglent la majorité des détecteurs modernes, un peu à l’instar du soleil quand une personne le regarde directement», note Sebastian Jaksch, coordinateur du projet SoNDe, financé par l’UE. Une autre caractéristique essentielle des détecteurs de neutrons à haute efficacité concerne leur capacité à distinguer clairement les neutrons des rayons gamma, ou même de tout autre type de rayonnement.
Le premier détecteur modulaire à semi-conducteur pour les flux de neutrons élevés
Le projet SoNDe a été le premier à concevoir un détecteur à scintillation qui évite d’avoir à atténuer le faisceau de neutrons. «Pour le détecteur, SoNDe a eu recours à une conception modulaire qui permet aux scientifiques de compter jusqu’à 250 000 neutrons par seconde à l’aide d’un seul module de 5x5 cm2. Ce détecteur est ainsi 20 fois plus performant que les détecteurs de neutrons de pointe actuels. Chaque module peut être utilisé indépendamment ou combiné avec d’autres détecteurs, quelle que soit la configuration requise», explique Sebastian Jaksch. Les neutrons atteignent d’abord le verre du scintillateur qui contient du Li-6, un isotope stable du lithium qui émet un faible flash lumineux en réponse. Environ 600 photons sont émis pour chaque neutron capturé. Sebastian Jaksch explique: «Avec SoNDe, nous disposons de la gamme dynamique permettant de distinguer s’il s’agit d’un ou de 250 000 neutrons émis par seconde. Le photomultiplicateur nous aide à détecter les signaux, qu’ils soient très faibles ou très forts, afin de mesurer correctement leur intensité.» L’équipe du projet a tiré profit du potentiel des tubes photomultiplicateurs à anodes multiples, dont le comportement s’apparente à celui de plusieurs détecteurs en un seul, où chaque pixel agit comme un photomultiplicateur. Son diamètre beaucoup plus petit lui permet de contenir davantage de capteurs en surface, ce qui améliore le taux de comptage et la résolution des détecteurs. Un autre grand avantage de cette nouvelle technologie de détecteurs de neutrons tient au fait que le scintillateur ne contient pas d’hélium 3, un gaz rare et coûteux.
Se tourner vers l’avenir
Les détecteurs de neutrons à haute efficacité sont essentiels dans de nombreux secteurs, notamment en science des matériaux, en médecine, en biologie et en astronomie. «Suivre le transport des molécules pharmaceutiques en utilisant les neutrons permet de développer de meilleurs moyens d’administrer les médicaments, dont d’importantes quantités peuvent être acheminées vers les points appropriés du corps. Les détecteurs peuvent également offrir aux archéologues un aperçu utile des artefacts anciens, auquel il ne serait pas possible d’accéder autrement sans les détruire ou les découper», indique Sebastian Jaksch. Une autre application concerne l’étude des batteries à haute performance en cours d’exploitation, comme celles dont sont équipés les véhicules électriques. Parallèlement à la recherche scientifique, ces technologies de détection ouvrent la voie à de nouvelles applications pratiques, pour lesquelles elles peuvent être adaptées. «Les voitures électriques auront besoin de détecteurs adaptés pour localiser les obstacles, mesurer la vitesse des autres véhicules et circuler sur la route en toute sécurité. Enfin, la technologie SoNDe pourrait également s’avérer utile en contribuant à détecter les turbulences lors des vols», conclut Sebastian Jaksch.
Mots‑clés
SoNDe, neutron, détecteur de neutrons, source européenne de spallation (ESS), détecteur à scintillation, lithium, photomultiplicateur à anodes multiples, voitures autonomes