Les éponges des grands fonds révèlent les secrets de l’évolution
Les éponges sont des animaux anciens et fascinants que l’on trouve sur les récifs et les fonds marins ainsi que dans les rivières et les lacs du monde entier. Elles font partie des groupes d’animaux les plus primitifs vivant aujourd’hui et sont probablement parmi les premiers à être apparus sur Terre. Elles peuvent constituer jusqu’à la moitié de la biomasse d’un récif et se présentent sous une grande variété de formes, de couleurs et de tailles. Plus de 9 000 espèces ont été identifiées à ce jour. «Les éponges sont une espèce d’une importance vitale dans les environnements marins», explique Ana Riesgo, coordinatrice du projet DeepSym et chercheuse principale au Musée d’histoire naturelle de Londres. «Elles jouent un rôle essentiel dans le maintien de la santé des océans.» L’une des fonctions clés des éponges est de transformer les nutriments en suspension dans l’eau en biomasse, et ce, grâce à leurs grandes capacités de filtration. C’est ainsi que ces animaux créent leur corps en forme d’éponge, dont la taille peut varier de quelques centimètres de diamètre à plus de deux mètres de haut. «Cela offre un abri à d’autres animaux pour vivre, échapper aux prédateurs et se reproduire, ce qui accroît la biodiversité», note Ana Riesgo.
Des relations symbiotiques
Le projet DeepSym, qui a été entrepris avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie, a été lancé pour étudier de plus près ces animaux souvent négligés. En particulier, le projet a cherché à mieux comprendre l’importance de la relation symbiotique entre les éponges et les communautés microbiennes présentes dans l’eau. «Les éponges dépendent des communautés microbiennes pour leur nutrition, leur santé et leur défense chimique», explique Cristina Diez, boursière Marie Skłodowska-Curie du Musée d’histoire naturelle de Londres. «Pour maintenir un ensemble très spécifique de microbes, les éponges filtrent et sélectionnent les symbiotes microbiens de l’eau de mer environnante, grâce à un système immunitaire précisément réglé.» Ce microbiome des éponges est connu pour être spécifique à chaque espèce. Cela signifie que tous les membres d’une espèce d’éponge particulière partagent un assemblage microbien similaire, indépendamment de leur situation géographique. En revanche, deux éponges d’espèces différentes qui coexistent dans la même zone présenteront un microbiome très différent.
Modes de vie en eaux profondes
Le projet DeepSym s’était donné pour objectif d’en apprendre plus sur les différentes caractéristiques du microbiome des éponges. Pour ce faire, Cristina Diez s’est concentrée sur la composition microbienne et sur la fonctionnalité métabolique des éponges des profondeurs. «Nous avons constaté que nos différentes éponges cibles abritaient un microbiome très similaire et fonctionnaient de manière très semblable», explique Cristina Diez. «Cette situation était vraiment inattendue, car si nous examinons les éponges d’eau peu profonde, même des espèces étroitement apparentées présentent des microbiomes très dissemblables.» Cristina Diez pense que dans le cas des éponges de haute mer, l’extrême similitude dans la composition et la fonction du microbiome est très probablement une réponse à une adaptation au mode de vie en eaux profondes. «Globalement, nos résultats mettent en évidence un besoin physiologique très spécifique», ajoute-t-elle. «Le fait de vivre dans un habitat extrême a conduit à l’évolution d’un microbiome cohérent et finement ajusté qui apporte divers avantages écologiques aux éponges.» Ce faisant, le projet DeepSym a mis en lumière la façon dont les microbiomes se transforment parallèlement à l’évolution des éponges hôtes. L’analyse de ces changements pourrait aider les scientifiques à identifier les altérations de l’environnement marin, ainsi que l’écosystème marin que les éponges contribuent à soutenir. Par ailleurs, le fait que les microbes des profondeurs remplissent des fonctions étonnamment similaires pour des espèces d’éponges présentant des microbiomes différents suggère que les symbiotes ont également appris à s’adapter aux environnements extrêmes des eaux profondes. «Ces résultats vont maintenant faire l’objet d’un suivi auprès d’un plus grand nombre d’espèces d’éponges et dans d’autres sites», conclut Cristina Diez.
Mots‑clés
DeepSym, éponges, microbiome, microbien, océan, marin, biodiversité, écosystème, symbiotes
