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Entretien
Contenu archivé le 2024-04-18

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Une nouvelle technologie d'observation des gaz volcaniques pour améliorer les modèles de prévision des éruptions

Les techniques de surveillance des volcans utilisées actuellement s'articulent essentiellement autour d'observations géophysiques. S'appuyant sur le consensus selon lequel les gaz volcaniques sont un autre facteur déterminant des éruptions volcaniques, et que l'on ne peut les ignorer, le projet BRIDGE a développé des technologies de surveillance des gaz qui, en combinaison avec la géophysique, devraient contribuer à améliorer les prévisions.

Financé dans le cadre d'une bourse du CER, le projet BRIDGE (Bridging the gap between Gas Emissions and geophysical observations at active volcanoes) a pour ambition «d'impulser un progrès scientifique et technique majeur en volcanologie.» Il s'est fondé sur l'observation selon laquelle, en dépit des récents progrès technologiques, la contribution de l'observation des gaz volcaniques à la surveillance des volcans est encore très limitée. Cela se traduit par une incapacité à réaliser en temps réel des observations à haut débit du flux et de la composition des gaz volcaniques. À ce jour, les géochimistes ont rencontré des difficultés techniques pour capter les flux et la chimie des gaz volcaniques à un taux élevé (1 Hz) et en utilisant des réseaux d'instruments permanents. De plus, la faible résolution temporelle des observations actuelles ne permet pas d'analyser les processus volcaniques rapides, comme ceux qui se produisent peu de temps avant les éruptions. La technologie de BRIDGE résout ces problèmes avec des instruments innovants permettant des observations à 1 Hz des flux de SO2 et de CO2 volcaniques. Les informations collectées à partir de ces instruments peuvent être combinées avec des données géophysiques pour combler les lacunes actuelles dans nos connaissances et produire une meilleure modélisation de diverses caractéristiques volcaniques, telles que les mécanismes déclenchant les éruptions volcaniques explosives. Comment expliquez-vous cet important retard au niveau des observations des gaz volcaniques? Le professeur Alessandro Aiuppa: Les gaz volcaniques sont un sujet d'étude relativement récent. Cela fait plus d'un siècle qu'on utilise des techniques géophysiques pour étudier les volcans, comme la sismicité qui est surveillée depuis la période comprise entre le milieu et la fin du XIXème siècle, mais les gaz volcaniques n'ont attiré la recherche scientifique qu'à partir des années 1930-50. Les observations des gaz volcaniques à l'aide d'instruments n'ont commencé que dans les années 1970 et n'ont été systématisées qu'à partir des années 2000. L'intérêt 'tardif' des scientifiques pour les gaz volcaniques explique cette lacune dans le domaine de la géophysique. Quelles en sont les conséquences sur la précision et l'efficacité des observations volcaniques? Bien qu'une prévision déterministe du déclenchement d'une éruption volcanique soit encore difficile, les volcanologues comprennent maintenant beaucoup mieux les processus entraînant une éruption volcanique, et il est clair que les substances magmatiques volatiles jouent un rôle crucial. Elles sont transférées depuis la masse fondue de silicate vers une phase gazeuse magmatique lorsque le magma est décompressé au fur et à mesure qu'il remonte vers la surface; et la formation et l'expansion de ce gaz exsolvé provoque une pression magmatique qui déclenche une éruption. Il est donc vital d'étudier leur composition et leur flux. Malheureusement, l'échantillonnage direct des exhalaisons volcaniques et leur analyse en laboratoire n'ont jusqu'à présent pas permis d'analyser les processus volcaniques rapides, et ont limité l'affinement et/ou la validation expérimentale des modèles de flux de magma (et de dégazage) se produisant peu de temps avant l'éruption. Comment comptez-vous résoudre ce problème? Notre objectif était d'améliorer les techniques existantes et de mettre en place de nouvelles technologies pour étudier les gaz volcaniques. Nous avons conçu, produit, testé et déployé sur le terrain une nouvelle génération d'instruments de détection de gaz, et nous avons réalisé les premiers prototypes de réseaux de caméras UV totalement automatisés. Nous pouvons ainsi réalisé sur le long terme des observations continues des flux de SO2 volcaniques à une résolution temporelle élevée (> 1 Hz et jusqu'à 25 Hz) avec une configuration compacte, solide et facile à utiliser. Nous avons également perfectionné une nouvelle technologie appelée Multi-GAS (Multi-component Gas Analyser System), une unité de détection de gaz qui est devenue la référence pour la surveillance quasi continue sur site de la composition du panache de gaz volcaniques. Enfin, nous avons également accompli la tâche difficile consistant à développer le premier DIAL-Lidar pour une télédétection directe des flux de CO2 volcanique. Notre réseau de détection de gaz à instruments multiples et prêt à l'emploi assurera des réponses rapides lors des futures crises volcaniques dans l'UE ou ailleurs. Les principaux dispositifs de surveillance des gaz, réalisés dans le cadre de BRIDGE, ont été envoyés à plusieurs observatoires volcanologiques partout dans le monde, où ils sont mis en œuvre dans des réseaux de surveillance locaux. Pouvez-vous expliquer comment fonctionnent ces instruments? Nos caméras UV sont des dispositifs CCD qui prennent des séquences d'images d'un panache volcanique (la dispersion dans l'atmosphère des gaz volcaniques). Les images sont capturées à l'aide de filtres optiques, ce qui nous permet de montrer des portions limitées du rayonnement solaire entrant. En utilisant simultanément deux caméras, l'absorption sélective de la lumière solaire par le SO2 volcanique peut être quantifiée et convertie en flux de SO2 (masse de SO2 libérée par unité de temps par le volcan cible). Nos instruments multi-GAS sont quant à eux des unités compactes à capteurs multiples combinant des spectromètres infrarouge et des capteurs électrochimiques. Les gaz/panaches volcaniques sont aspirés à l'intérieur des Multi-GAZ, et les concentrations de différents gaz (H2O, CO2, SO2, H2S, HCI) sont mesurées en temps réel (à 1 Hz). Le Multi-GAS est déployé de façon permanente sur le sommet du volcan et les données sont télémesurées vers un observatoire volcanologique. On obtient ainsi des enregistrements temporels précis des compositions de gaz volcaniques. Enfin, le DIAL-Lidar est essentiellement composé d'un émetteur (laser) et d'un récepteur (télescope). Un lidar est une sorte de radar optique: une impulsion laser est transmise à l'atmosphère, et certains de ses photons sont rétrodiffusés vers le télescope par les molécules d'air et les aérosols. La puissance optique correspondant à ce flux de photons (transformée en signal électronique par un photodétecteur) est proportionnelle aux propriétés physico-chimiques de l'atmosphère le long du faisceau laser. L'impulsion laser est atténuée par l'air, à cause du réfléchissement par les molécules et les aérosols et de l'absorption spécifique des gaz: si la longueur d'onde du laser coïncide avec les lignes d'absorption d'un gaz cible, l'atténuation sera plus forte. DIAL tire parti de cet effet: à la différence d'un lidar conventionnel, deux longueurs d'onde sont transmises, ON et OFF, la première seulement étant absorbée par le gaz cible. Si la ligne d'absorption est étroite et si les longueurs d'onde ON et OFF sont assez proches, la concentration en gaz cible le long du chemin optique du lidar peut être dérivée du rapport entre les signaux OFF et ON. Dans notre cas, nous avons développé un nouveau DIAL-Lidar basé sur un laser à colorant utilisant un émetteur complexe intégrant un laser Nd:YAG à ensemencement par injection ainsi qu'un laser à colorant à réseau double. Cet émetteur est utilisé pour générer un rayonnement laser à ~2010 nm, une région du spectre électromagnétique absorbée par le CO2 atmosphérique. Êtes-vous satisfait des résultats de vos essais sur le terrain? Très satisfait. Tous les instruments développés ont pu être installés sur des volcans actifs et produisent maintenant une quantité considérable de données, qui apportent des informations cruciales sur le comportement des volcans. Notre projet a réalisé un nouveau système d'interprétation des processus volcaniques crustaux peu profonds, basé sur l'analyse combinée de signaux acquis aussi bien à partir des gaz volcaniques que d'éléments géophysiques (sismiques, infrasoniques, géodésiques, thermiques). Quels sont selon vous les principaux enseignements de ce projet? La principale leçon tirée de BRIDGE est que la compréhension du comportement des volcans exige un angle d'attaque multidisciplinaire. Les réalisations de BRIDGE en sont la preuve, et elles montrent que l'intégration des gaz volcaniques et des données géophysiques est essentielle à une meilleure compréhension des mécanismes de montée des gaz et du magma dans les conduits magmatiques pendant l'état quiescent, ainsi qu'avant et pendant les éruptions volcaniques. Nos observations multidisciplinaires sur les volcans Stromboli et Etna, rendues possibles grâce aux réseaux d'observation réalisés par BRIDGE, montrent qu'il est possible de prévoir plus précisément les éruptions lorsque l'on analyse conjointement les signaux gazeux et géophysiques. BRIDGE Financé dans le cadre du programme FP7-IDEAS-ERC. page web du projet BRIDGE sur CORDIS site web du projet

Pays

Italie

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