Une nouvelle étude laisse à penser que le cancer peut être considéré comme un jeu entre le médecin traitant et les cellules cancéreuses
La métastase, l’extension de cellules cancéreuses d’une tumeur primaire à plusieurs organes, est une des causes majeures de décès du cancer. Quand cela se produit, les cellules malignes sont souvent résistantes à la chimiothérapie initiale, celle qui permettait de garder la tumeur sous contrôle. En partie soutenue par le projet financé par l’UE FourCmodelling, une équipe de chercheurs a remis en question la norme en matière de traitement des cancers métastatiques, où des médicaments sont généralement administrés en continu à la dose maximale tolérée jusqu’à ce que la tumeur progresse. Les chercheurs ont récemment publié leur étude dans la revue «JAMA Oncology». Ils expliquent: «Nous avons abordé le traitement du cancer comme une compétition entre le traitement prescrit par le médecin et les stratégies de résistance des cellules cancéreuses basée sur la théorie des jeux.» L’équipe a démontré que le premier avait deux avantages considérables sur ses adversaires tumoraux. Tout d’abord, le médecin peut jouer de façon réfléchie, contrairement aux cellules tumorales. «Les cellules cancéreuses, comme tout organisme en évolution, peuvent seulement s’adapter aux conditions présentes; elles ne peuvent ni anticiper ni améliorer leurs stratégies d’adaptation à des traitements que le médecin n’a pas encore appliqués.» De plus, le médecin a l’avantage d’être toujours le premier à jouer. Le jeu en cours présente donc une dynamique typique de meneur-suiveur, la «dynamique Stackelberg», où le «meneur», l’oncologue, joue en premier et le «suiveur», les cellules cancéreuses, répond en second lieu et s’adapte au traitement.» Selon les chercheurs, les protocoles de traitement du cancer métastatique actuels n’exploitent pour l’instant encore aucun de ces avantages. «En continuant d’administrer le même ou les mêmes médicaments jusqu’à ce que la maladie recommence à progresser, le médecin «joue» une stratégie figée, même lorsque les cellules cancéreuses arrivent à développer avec succès des réponses d’adaptation. De plus, en ne changeant le traitement que lorsque la tumeur s’étend, le médecin cède la main aux cellules cancéreuses et l’échec du traitement est presque inévitable.» Les chercheurs déclarent dans l’article paru que les oncologues devraient élaborer des stratégies de traitement flexibles afin d’éviter cela. Ils concluent: «Les médecins peuvent exploiter les avantages intrinsèques aux déséquilibres dans le jeu du traitement du cancer, et probablement en améliorer les résultats, en adoptant des protocoles de traitement plus dynamiques qui intègrent des dynamiques éco-évolutives et en adaptent la thérapie en conséquence. Mettre cette approche en pratique nécessitera de nouveaux indicateurs de réponse de la tumeur qui prennent en compte les changements écologiques (c.-à-d. la taille) et évolutifs (c.-à-d. les mécanismes moléculaires de résistance et l’ampleur relative de la population résistante).» De nouvelles stratégies de la théorie des jeux Cité dans le communiqué de presse du Moffitt Cancer Center, le co-auteur de l’article de revue, le Dr Joel Brown, déclare: «Nous pouvons et devons anticiper, diriger et exploiter les réponses évolutives des cellules cancéreuses dans nos thérapies.» Katerina Stankova, une autre auteure de l’article et professeure assistante en théorie des jeux à l’Université de Maastricht, a expliqué que la dynamique des jeux de Stackelberg n’avait pas encore été rigoureusement étudiée. «Alors que nous développons les mathématiques conjointement avec les traitements du cancer, nous espérons que nos analyses mettront à jour de nouvelles stratégies évolutives basées sur la théorie des jeux qui pourraient augmenter la probabilité de soigner même les cancers agressifs et hétérogènes.» Le projet en cours FourCmodelling (Conflict, Competition, Cooperation and Complexity: Using Evolutionary Game Theory to model realistic populations) a été mis en œuvre afin de développer des modèles de théorie des jeux qui soient à la fois généraux et centrés sur des scénarios particuliers de vraies populations de cellules tumorales. Ceux-ci «intègrent la structure de la population et les interactions entre populations, qui sont toutes deux de nature complexe», comme indiqué sur le site web du projet. Un des quatre sous-projets complémentaires au sein de FourCmodelling «modélisera le cancer comme un système adaptatif complexe, où une population de cellules tumorales, immunitaires et normales évoluera au cœur d’un écosystème humain.» Pour plus d’informations, veuillez consulter: site web du projet FourCmodelling
Pays
Royaume-Uni