Une étude offre une nouvelle perspective sur la stabilité des clathrates gelés dans les profondeurs de l’océan
Les clathrates sont des solides semblables à de la glace, composés de molécules de gaz (principalement du méthane) piégées dans des cages de glace d’eau, stables à haute pression et à basse température. Dans la nature, on les trouve le long des marges océaniques à des profondeurs au-dessus de 500 mètres environ: ils constituent ainsi la plus grande réserve de carbone organique de la planète. De nombreuses questions subsistent au sujet des facteurs contrôlant la stabilité de ces dépôts de gaz qui ont gelés au fil du temps. «Il est important de mieux comprendre ce qui contrôle la stabilité des clathrates afin de prendre la mesure de leurs contributions au changement climatique mondial, à la stabilité des fonds marins au niveau régional ainsi qu’aux stratégies énergétiques nationales», fait remarquer Daniel Praeg, coordinateur du projet SEAGAS, qui a reçu un financement dans le cadre du programme Marie Skłodowska-Curie. SEAGAS est le premier projet à entreprendre une analyse comparative de gisements de clathrates présents au niveau des marges océaniques qui ont subi différents facteurs de forçage climatique: la mer Méditerranée et l’océan Atlantique Sud. Le projet a adopté une modélisation prédictive de la stabilité des clathrates pour guider les observations en utilisant les ensembles de données géophysiques, géologiques, géochimiques et géothermiques dont disposaient les partenaires français et brésiliens du projet. Les résultats apportent de nouvelles connaissances sur les liens entre la dynamique des clathrates et les émanations de fluides provenant du fond marin.
Le lien entre la stabilité des clathrates et l’écoulement ascendant des fluides
SEAGAS a apporté des preuves convaincantes suggérant que la stabilité des clathrates est influencée par l’écoulement ascendant des fluides dans les dépôts de sédiments épais situés sur les marges continentales. Le projet a examiné des provinces riches en clathrates au sein de trois dépocentres majeurs: les éventails abyssaux du Nil et de l’Amazone, ainsi que celui du Rio Grande au large du sud du Brésil. Tous ces dépôts sédimentaires subissent un effondrement gravitationnel au-dessus des décollements profonds de schiste, ce qui entraîne un tectonisme syn-sédimentaire. «Nous avons découvert que l’écoulement ascendant des fluides, au travers des structures tectoniques, avait un effet prononcé sur la stabilité des clathrates et sur l’évacuation des fluides dans les trois dépocentres. Le transfert de chaleur “élève” la base de la zone de stabilité sur des zones étendues, tandis que la formation rapide d’hydrates, en réponse à l’augmentation de l’apport en gaz, peut expliquer la formation de cheminées par lesquelles s’évacuent les fluides. Nos conclusions nous ont amenés à proposer un modèle dynamique “ascendant” des hydrates, où l’augmentation du flux de fluide ascendant (par exemple lors des mouvements de faille) entraîne une réduction de la stabilité des sédiments riches en hydrates par le bas. À son tour, ce phénomène réduit la cohésion des sédiments situés en subsurface, ce qui est susceptible de déclencher de gigantesques glissements de terrain sous-marins», explique Daniel Praeg. Un exemple particulièrement flagrant est celui de l’éventail abyssal de l’Amazone, où le flux ascendant de fluides riches en gaz est associé spatialement aux failles chevauchantes sous-jacentes. «Le modèle dynamique “ascendant” que nous proposons contraste avec la perspective “descendante” classique qui associe la stabilité des clathrates aux changements du niveau de la mer et des températures océaniques liés au climat», ajoute Daniel Praeg.
Les actions à suivre
Les résultats de SEAGAS ont été diffusés lors de présentations intégrées à différentes conférences organisées en Europe, au Brésil et aux États-Unis, ainsi que dans diverses publications, notamment des articles publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture. Le projet a également débouché sur des propositions retenues pour trois campagnes océanographiques menées par la France sur les marges de l’Amazone et du Nil, qui auront lieu à partir de l’année 2021. Ces initiatives inciteront les chercheurs européens et brésiliens à tester le modèle proposé par SEAGAS, tout en encourageant la poursuite de cette coopération en matière de recherche, dans un domaine d’intérêt stratégique pour l’Espace européen de la recherche.
Mots‑clés
SEAGAS, clathrate, sédiments, marge continentale, Amazone, gisement de clathrates, Nil, zone de stabilité des clathrates