Comprendre le processus physiologique de la réorganisation corticale suite à une lésion de la moelle épinière
Une lésion de la moelle épinière (LME) a lieu lorsqu’un coup ou une entaille de la moelle épinière interrompt la transmission des informations sensorielles vers le cerveau. Cette interruption initie une réorganisation corticale (RC), un processus au cours duquel l’activité neuronale issue de régions corticales adjacentes et intactes augmente et s’étend vers la zone corticale désafférentée. «Bien que la RC soit essentielle à la récupération fonctionnelle des patients atteints de LME, lorsqu’elle est amplifiée, elle peut entraîner des pathologies telles que la douleur neuropathique, la sensation de membre fantôme, et la spasticité – toutes susceptibles de provoquer une dégradation de la qualité de vie», explique Juliana Rosa, chercheuse du laboratoire de neurophysiologie expérimentale et des circuits neuronaux au SESCAM (site web en espagnol). Grâce au soutien du projet CRASCI, financé par l’UE, Juliana Rosa et son collègue Juan Aguilar entendent mieux comprendre les mécanismes inhérents à la RC. «Connaître les mécanismes qui déclenchent la RC est essentiel pour générer de nouvelles stratégies thérapeutiques qui favorisent et/ou limitent son extension suite à une LME ou à d’autres lésions cérébrales traumatiques», ajoute Juan Aguilar.
De nouvelles données sur l’activité neuronale
Pour commencer, le projet, qui a reçu un soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie, a étudié comment une LME modifie l’activité neuronale en cours dans les zones corticales qui reçoivent des informations de régions du corps inférieures à la lésion. Ils ont découvert l’existence d’un mécanisme dépendant de la stratification, alors que la couche 2/3 du cortex cérébral subit la plus importante augmentation de l’activité de la RC. «Ce résultat est important car la couche 2/3 enregistre la majorité de la connectivité entre les différentes régions du cerveau et, à ce titre, elle pourrait s’avérer essentielle au contrôle de la réorganisation», explique Juliana Rosa. Ensuite, les chercheurs ont examiné si les changements dans l’activité neuronale étaient arbitrés par des altérations simultanées de neurones inhibiteurs. «En utilisant des techniques anatomiques, nous avons découvert que les synapses inhibitrices sur les neurones excitateurs L5 augmentent après une LME», fait remarquer Juan Aguilar. «Cela entraîne une diminution de l’excitabilité.» Le projet a également manipulé génétiquement les astrocytes. «Ces travaux ont démontré que ces cellules gliales modulent l’expansion neuronale et pouvaient donc être utilisées comme cible thérapeutique pour améliorer ou limiter la RC», ajoute Juliana Rosa.
Une grande avancée dans le domaine
Prises ensemble, toutes ces découvertes ont apporté un nouvel éclairage sur le processus physiologique de la RC survenant après une LME. «Avant ces travaux, la RC n’était observée que comme un processus qui avait lieu dans la boîte noire inaccessible du cerveau», souligne Juan Aguilar. «Pouvoir identifier le rôle joué par les différentes couches et les éléments cellulaires dans la RC représente une grande avancée dans notre domaine – et pour pouvoir mieux traiter les lésions de la moelle épinière.» Le projet se concentre désormais sur la manipulation sélective de différentes populations de cellules. «Cette manipulation pourrait contribuer à éviter le développement de pathologies courantes, améliorant ainsi les fonctions sensorimotrices et la guérison des patients», conclut Juliana Rosa.
Mots‑clés
CRASCI, réorganisation corticale, RC, lésion de la moelle épinière, LME, cerveau, lésion cérébrale traumatique, activité neuronale, cortex cérébral, neurones