Toucher et sensation virtuels: une nouvelle frontière de la réalité numérique Une expérience véritablement immersive exige un univers virtuel que nous pouvons non seulement voir et entendre, mais également toucher. Le projet H-Reality est en passe de révolutionner la manière dont nous pouvons interagir avec notre environnement dans le monde numérique. Économie numérique © Mark Nazh, Shutterstock Si la pandémie de COVID-19 s’était produite dans quelques années, nous aurions peut-être ressenti son impact de manière très différente. Bien que les technologies numériques nous aient permis de nous connecter et de communiquer à distance, nombreux sont ceux qui ont souffert d’une privation du toucher dictée par la distanciation sociale. De nouvelles recherches sont en cours pour combler le «déficit tactile» de la technologie numérique. Une équipe de chercheurs travaille à l’élaboration de réalités numériques que nous pouvons toucher et avec lesquelles nous pouvons interagir. Cette expérience virtuelle tangible, ou «haptique», est la vision à long terme qui sous-tend le projet H-Reality, financé par l’UE. Son objectif est de générer des sensations de haute-fidélité grâce à une technologie simple et conviviale, tant pour les expériences interactives de réalité augmentée (RA) que pour les expériences immersives de réalité virtuelle (RV). «Actuellement, la plupart des recherches sur la RV et la RA visent à améliorer le réalisme de ce que nous voyons pour créer une expérience virtuelle photoréaliste. Néanmoins, il n’y a pas de véritable immersion si nous ne sommes pas capables de toucher physiquement et d’interagir avec l’environnement qui nous entoure», explique Claudio Pacchierotti, chercheur à l’IRISA et au CNRS, l’un des partenaires du projet. «La recherche sur les technologies haptiques est primordiale à la réalisation de véritables expériences immersives dans le futur. Cela implique également de disposer de dispositifs haptiques portables efficaces.» Une meilleure compréhension du toucher Dans un premier temps, l’équipe a étudié la mécanique du toucher. «La traduction des signaux mécaniques en une perception du toucher n’est toujours pas claire», fait remarquer Claudio Pacchierotti. Lorsque l’on passe la main sur une surface, des vibrations traversent la peau et stimulent des terminaisons nerveuses, appelées mécanorécepteurs. Ces terminaisons nerveuses convertissent ensuite les vibrations en signaux électriques qui sont transmis au cerveau. L’équipe de H-Reality a voulu déterminer si la perception vibrotactile – perception du toucher par les vibrations – pouvait dépendre des ondes mécaniques se propageant dans la main. L’équipe a également découvert une loi universelle expliquant le placement approprié des mécanorécepteurs sensibles aux vibrations chez de nombreux mammifères. Sur la base de ces travaux, ils ont identifié des moyens de restituer numériquement les formes et les textures, en utilisant l’haptique sans contact, qui repose sur les ultrasons, et l’haptique de contact, qui fait appel à des dispositifs vibrotactiles portables. Ils ont ensuite combiné l’haptique de contact et l’haptique sans contact dans des prototypes d’applications de RV immersives afin de démontrer le potentiel et les capacités de cette technologie. De nouvelles manières de se connecter à distance «Nous pensons que notre paradigme d’interaction haptique mixte a le potentiel de révolutionner la façon dont les utilisateurs interagissent avec les données dans un large éventail d’applications», souligne Claudio Pacchierotti. À terme, l’équipe espère transformer complètement les interactions en ligne. Parmi les exemples d’applications concrètes, citons l’utilisation de machines dangereuses depuis une distance de sécurité ou la conduite d’opérations chirurgicales à distance. Alors que H-Reality se concentre sur la recherche fondamentale, les chercheurs travaillent déjà sur les prochaines étapes qui permettront d’introduire la technologie sur le marché. E-TEXTURES, une entreprise dérivée également financée par l’UE, étudiera les opportunités sur des marchés allant des médias et du divertissement au commerce de détail et aux soins de santé. Selon Claudio Pacchierotti, le projet souligne l’importance d’unir ses forces et de briser les frontières disciplinaires traditionnelles, en rassemblant des acteurs et des compétences issus de différents domaines. «La science collaborative constitue une passerelle vers de grandes découvertes et innovations», affirme-t-il. Mots‑clés H-Reality, expérience immersive, haptique de contact, haptique sans contact, réalité virtuelle, RV, technologies haptiques, dispositif portable, perception vibrotactile, interaction haptique mixte
