Transformer les déchets urbains en nouveaux bioproduits
Les déchets solides municipaux (DSM) se composent des déchets mélangés et triés que les collectivités collectent auprès des ménages et des détaillants. Ceux-ci comprennent le papier, le carton, le verre, les métaux, les plastiques, les biodéchets, le bois, les textiles et les emballages. En 2021, quelque 530 kg de déchets municipaux par habitant ont été produits dans l’UE, dont 49 % ont été recyclés. Selon la Banque mondiale, les DSM dans le monde passeront de 2,01 milliards de tonnes actuellement à 3,40 milliards de tonnes à l’horizon 2050, soit une augmentation en pourcentage plus de deux fois supérieure à la croissance prévue de la population mondiale au cours de cette même période. «Alors que ce phénomène pose de graves problèmes, il constitue également une occasion de stimuler l’économie circulaire, à condition de parvenir à revaloriser ces matériaux», déclare Caterina Coll, coordinatrice du projet URBIOFIN, qui a bénéficié d’un financement au titre de l’entreprise commune «Bio-based Industries», un partenariat public-privé entre l’UE et le monde industriel. URBIOFIN s’est intéressé à la teneur en matière organique des déchets solides municipaux (estimée à 46 % selon une étude), que l’on appelle «fraction organique des déchets solides municipaux» (FODSM). Ces déchets sont principalement composés de glucides, de protéines et de lipides issus de déchets alimentaires, ainsi que de déchets biodégradables provenant de jardins et de parcs, autant de matières premières utiles pour la fabrication de produits biosourcés de grande valeur. URBIOFIN a élaboré un modèle de preuve de concept pour une bioraffinerie urbaine en tant que solution plus durable aux pratiques actuelles de traitement de la FODSM. «URBIOFIN a démontré la viabilité technologique, économique et environnementale de la transformation des éléments organiques des déchets solides en éléments chimiques, en biopolymères et en additifs», ajoute Caterina Coll, PDG de PERSEO Biotechnology, l’hôte du projet.
Une bioraffinerie modulaire
Le projet URBIOFIN était articulé autour d’une bioraffinerie, divisée en trois modules interconnectés. Dans le premier module, le bioéthanol et le bioéthylène sont produits à partir de la FODSM. La vinasse, sous-produit de la production de bioéthanol, ainsi que d’autres FODSM, sont ensuite envoyées dans le deuxième module, où des polyesters naturels appelés polyhydroxyalcanoates (PHA) sont fabriqués à partir d’acides gras volatils (AGV). Ces derniers peuvent ensuite être transformés en produits de consommation à base de biopolymères. Le troisième module transforme le biogaz issu du deuxième module en biométhane ou en biomasse PHA. Les microalgues générées sont hydrolysées, produisant un engrais liquide riche en acides aminés, alors que le digestat peut être transformé en bio-engrais sous forme de granulés secs solides.
Le moment des essais
Dans un premier temps, le concept de bioraffinerie a été testé en laboratoire et à l’échelle pilote, avant de faire l’objet d’une démonstration à l’échelle semi-industrielle, sur trois sites espagnols. Le module 1 a été déployé dans l’usine de PERSEO Biotechnology à (L’Alcúdia, dans la province de Valence), et une partie des modules 2 et 3 a été mise en œuvre dans le centre d’innovation d’Urbaser (à Saragosse), la production de PHA étant assurée par la bioraffinerie CLaMber (site web en espagnol) (à Puertollano). «Nous avons amélioré le processus de production de bioéthanol issu de la FODSM, ce qui a réduit considérablement les coûts d’exploitation. Nous avons également fait la démonstration, à l’échelle semi-industrielle, de la conversion catalytique du bioéthanol en bioéthylène», fait remarquer Caterina Coll. L’équipe a également converti la FODSM en AGV grâce à un système de digestion anaérobie en deux étapes, qui produit des biopolymères PHA dont le projet s’est servi pour fabriquer des sacs, des emballages et des films agricoles (qui créent un effet de serre, favorisant ainsi la croissance des plantes). De plus, le biogaz dérivé de la FODSM a été transformé en biométhane au moyen de la technologie des microalgues, produisant des granulés secs solides et des engrais liquides à partir des sous-produits des processus des microalgues.
Un stimulant biologique pour l’économie circulaire de l’UE
URBIOFIN contribue directement à la nouvelle directive-cadre de l’UE relative aux déchets en ce sens qu’il améliore la valorisation des déchets municipaux et réduit la quantité de déchets mise en décharge ou éliminée par incinération, tout en soutenant le pacte vert pour l’Europe. D’une manière plus générale, la création de nouveaux produits biosourcés issus des déchets contribue à la transition vers une économie plus circulaire. La prochaine étape pour l’équipe consiste à faire passer sa bioraffinerie urbaine à un niveau industriel inédit. «Grâce à son caractère modulaire, notre bioraffinerie peut être reproduite totalement ou partiellement. Des clients potentiels qui recherchent une nouvelle solution de gestion de la FODSM fondée sur la digestion ou le compostage ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour notre bioraffinerie», ajoute Caterina Coll.
Mots‑clés
URBIOFIN, déchets urbains, recyclage, bioraffinerie, matière première, biopolymères, bioéthanol, engrais, pacte vert pour l’Europe, microalgues, bioéthylène