L’impact du CO2 atmosphérique sur les coccolithophores
Les coccolithophores(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) sont des algues unicellulaires flottantes qui vivent dans les eaux proches de la surface de l’océan. Elles jouent un double rôle important dans le cycle global du carbone par le biais de leur photosynthèse et de leur calcification. «Les coccolithophores constituent un groupe idéal pour l’étude des changements dans les systèmes océaniques sur des milliers ou des millions d’années, car leurs coccolithes(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) sont retrouvés sous forme d’innombrables fossiles dans de nombreux sédiments marins anciens», explique Mariem Saavedra-Pellitero, boursière Marie Skłodowska-Curie. Dans ce contexte, le projet NannoChem, financé par l’UE et soutenu par le programme Actions Marie Skłodowska-Curie(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), avait pour objectif de déterminer si les changements passés du CO2 atmosphérique avaient eu un impact sur l’évolution et l’écologie des coccolithophores. «Bien que nous nous préoccupions des niveaux de CO2 dans l’atmosphère et de leur incidence sur le climat, pour les coccolithophores, le CO2 constitue presque un nutriment — une source essentielle de carbone pour leurs processus de calcification et de photosynthèse», ajoute Mariem Saavedra-Pellitero.
Évolution des concentrations de CO2 à la surface de l’océan
Certaines études ont laissé entendre que la disponibilité du CO2 dans les eaux de surface constitue un facteur déterminant de l’évolution de la taille des cellules des coccolithophores et de leur taux de calcification, les cellules et les coccolithes plus petits évoluant dans des conditions de faible teneur en CO2. «Si c’est vrai, cela a des implications majeures pour leur adaptation aux océans à haute teneur en CO2 du futur. Et c’est également pertinent aujourd’hui, compte tenu de l’afflux actuel de CO2 anthropique dans les eaux de surface des océans», souligne Mariem Saavedra-Pellitero. NannoChem a voulu tester cette hypothèse en générant une série d’enregistrements de la chimie des coccolithes (isotopes du carbone et de l’oxygène; δ13C et δ18O), de la taille des cellules et de la calcification sur une longue période: les 8 derniers millions d’années. Ces données proviennent de carottes de sédiments prélevées dans un puits foré dans l’océan Indien équatorial oriental au cours de l’expédition 363 du Programme international de découverte des océans(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (International Ocean Discovery Program).
Un ensemble unique d’enregistrements multi-indicateurs de la chimie des coccolithophores
«NannoChem a fourni une série d’excellents enregistrements de l’évolution du plancton au cours des 8 derniers millions d’années, qui révèlent l’importance des niveaux passés de CO2 sur la physiologie, l’écologie et la croissance passées des coccolithophores», souligne Mariem Saavedra-Pellitero. Ces enregistrements indiquent un changement dans l’utilisation cellulaire du carbone, avec une réorientation de la calcification vers la photosynthèse au fur et à mesure que les concentrations atmosphériques de CO2 diminuaient. «Nous avons également découvert que la chimie des coccolithes fossiles dépendait à la fois de la chimie externe des océans au moment de la formation de ces derniers, mais aussi de la taille des cellules du coccolithophore produisant les coccolithes et du groupe particulier des espèces de coccolithophores», précise Mariem Saavedra-Pellitero. Par exemple, lorsque les grandes cellules ont évolué et sont devenues plus courantes il y a environ 4 millions d’années, au Pliocène, elles ont connu une plus grande limitation en carbone parce que les grandes cellules absorbent moins efficacement le carbone par diffusion à travers leurs parois cellulaires. «Cette limitation a peut-être favorisé l’évolution d’un groupe beaucoup plus restreint d’espèces, capables d’absorber plus efficacement le carbone, qui dominent les communautés modernes de coccolithophores», ajoute Mariem Saavedra-Pellitero. Il est clair que les communautés modernes sont très bien adaptées au climat relativement froid et aux faibles concentrations de CO2 des récentes périodes glaciaires. «Je considère qu’il est essentiel de poursuivre les travaux pour mieux contraindre les paramètres du carbone dans les modèles de la chimie des océans mondiaux, ce qui nous permettra de mieux comprendre comment cette chimie évoluera dans les futurs océans à forte teneur en CO2», conclut Mariem Saavedra-Pellitero. Dans cette optique, la boursière poursuivra sa collaboration avec le solide réseau scientifique mis en place dans le cadre du projet.