Des organismes sous-étudiés affectent les récifs coralliens
Les récifs coralliens sont menacés dans le monde entier. Ces écosystèmes complexes, ancrés par les coraux et les algues, sont les principaux producteurs de matière organique dissoute (MOD). Constituée d’un mélange variable et complexe de milliers de substances organiques, la MOD n’est pas biodisponible pour la plupart des animaux marins. Le projet DDMS, entrepris avec le soutien du programme Actions Marie Sklodowska-Curie(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), entend étudier la manière dont les bactéries marines et les éponges transforment cette matière organique.
«Microbialisation» des récifs
La surpêche et la pollution par les nutriments provoquent la microbialisation(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) des récifs, un processus qui déstabilise la chaîne alimentaire. En effet, la surpêche contribue au déséquilibre en réduisant le nombre de poissons qui se nourrissent d’algues. Dans le même temps, la pollution par les nutriments stimule la croissance des algues, au détriment des coraux. Il en découle une augmentation de la quantité d’algues dans les écosystèmes récifaux, qui déclenche un cercle vicieux. Les algues produisent plus de MOD que les coraux, et cette activité attire plus de microbes. La biomasse issue de la matière organique croît et l’énergie des récifs est dirigée vers les microbes. Cela réduit la biodiversité et contribue à leur dégradation.
Éponges, bactéries et récifs coralliens
Les récifs coralliens du monde entier sont en danger, mais les écosystèmes marins restent mal connus. Jusqu’à récemment, on ignorait que les éponges, organismes omniprésents dans de nombreux environnements océaniques, jouaient un rôle dans la transformation de la MOD et constituaient un élément essentiel du cycle du carbone. De nouvelles connaissances sur les mécanismes propres au réseau trophique permettent d’expliquer les menaces qui pèsent sur les récifs coralliens. Selon Benjamin Mueller, chargé de projet: «Étant donné que la MOD constitue le plus grand réservoir de carbone organique de l’océan et que les éponges dominent les communautés benthiques dans de nombreux habitats côtiers et profonds, la capacité à traiter les substances réfractaires peut avoir un effet significatif sur le cycle du carbone à l’échelle locale et potentiellement même à l’échelle mondiale.» Les données suggèrent que les bactéries marines sélectionnent certains composants de la MOD pour les traiter, alors que les éponges sont moins sélectives. Benjamin Mueller ajoute: «Cela pourrait indiquer une différence fondamentale dans le mécanisme d’absorption des substances organiques dissoutes par les éponges et les bactéries, et cela a des conséquences majeures sur notre compréhension de la façon dont les bactéries et les éponges modifient la quantité et la qualité de la matière organique dissoute dans nos océans.»
Expériences d’absorption de MOD
Tous les travaux de terrain de Benjamin Mueller ont été menés au sein de la station de recherche CARMABI(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) à Curaçao, dans le sud des Caraïbes, où des espèces de coraux et d’algues ont été incubées pour produire de la matière organique. Pour aider à caractériser les différences entre les types de MOD, une étude de l’eau a été réalisée en s’appuyant sur la spectroscopie fluorescente, l’analyse des acides aminés dissous totaux et la métabolomique non ciblée. Les différents types de MOD ont ensuite été donnés soit à des éponges encroûtantes vivant à l’intérieur du récif, soit à des bactéries marines, afin de comprendre comment ces organismes interagissent avec la MOD produite par les coraux et celle produite par les algues. Au cours des dernières décennies, de nombreux récifs coralliens sont passés d’une dominance corallienne à une dominance algale, ce qui a probablement aussi affecté la composition de la MOD. Benjamin Mueller a testé l’hypothèse selon laquelle les changements dans la composition de la MOD ont des conséquences sur le traitement par les éponges et des bactéries, il a pour cela incubé des coraux et des algues dans des situations qui reproduisent des scénarios passés, présents et futurs, avec des conditions à dominance corallienne, à rapport égal, puis à dominance algale. Enfin, Benjamin Mueller a exploré la possibilité d’une compétition entre les éponges et les bactéries. Les éponges et les bactéries ont été alimentées avec de l’eau préalablement traitée par l’autre organisme pour voir si elles étaient capables de l’utiliser. Les récifs coralliens sont des systèmes complexes menacés. Avec 90 % des fonds marins encore inexplorés, une meilleure compréhension de ces environnements est nécessaire. L’étude des mécanismes d’absorption de la MOD par les éponges et les bactéries est importante pour comprendre et protéger les écosystèmes des récifs.