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En vedette - Les moustaches des rongeurs inspirent une approche de la perception tactile

Inspirés par les moustaches sensibles des rats et des musaraignes, des chercheurs financés par l'UE ont développé des robots semblables à des rongeurs ainsi qu'un système innovant de détection tactile, qui pourraient être utilisés pour rechercher de victimes piégées dans des immeubles en flammes, renforcer l'efficacité des aspirateurs ou améliorer la chirurgie non invasive.

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Depuis quelques années, les systèmes de capteurs reproduisant le sens du toucher font l'objet d'un nombre croissant de recherches, surtout pour des utilisations en robotique. Mais l'accent a en général été mis sur le développement de capteurs reproduisant d'une manière ou d'une autre la façon dont les humains touchent et perçoivent le monde extérieur: avec notre peau et plus particulièrement le bout de nos doigts. «Nous avons cherché à développer des capteurs aussi sensibles que les bouts de nos doigts simplement parce que nous en avons et en connaissons l'utilité. Mais les capteurs tactiles doivent interagir avec les objets et les surfaces et le bout des doigts rencontre un gros problème d'usure», explique Tony Prescott, professeur de neurosciences cognitives à l'université de Sheffield au Royaume-Uni. La nature a cependant imaginé un dispositif tactile beaucoup plus robuste et souvent beaucoup plus sensible: les moustaches. «Dans la nature, presque tous les mammifères ont des moustaches tactiles. Les humains sont une exception mais en réalité, c'est qu'ils les ont perdues. Les moustaches sont un moyen naturel de détecter les objets par le toucher», déclare le professeur Prescott. Et il s'avère que, exactement comme leurs homologues biologiques, les moustaches artificielles présentent des avantages considérables par rapport à d'autres approches de détection tactile. C'est ce qu'ont démontré le professeur Prescott et une équipe de chercheurs venant de sept pays, dans le cadre du projet Biotact (1). Avec un financement de 5,4 millions d'euros de la Commission européenne, les chercheurs ont étudié les rats, les souris, les minuscules musaraignes étrusques et d'autres mammifères, et tenté de reproduire la manière dont ils utilisent leurs moustaches (les vibrisses) pour percevoir leur environnement, détecter des objets et suivre leurs proies. Leurs travaux ont conduit à un réseau de capteurs tactiles similaires à des vibrisses et à une série de robots semblables à des rats, capables de se déplacer en n'utilisant que le toucher. Ces technologies pourraient être utilisées commercialement dans des domaines aussi divers que la recherche et le sauvetage, les appareils ménagers, les tests de produits ou la médecine. «Pour commencer, nous devions comprendre comment les mammifères utilisent leurs moustaches. Environ un tiers du projet a été consacré à des études de neurosciences comportementales, en filmant des rats et des musaraignes avec des caméras à grande vitesse afin d'observer comment ils utilisent leurs moustaches, tout en surveillant leurs schémas d'activité neuronale», explique le professeur Prescott, coordinateur du projet Biotact. L'équipe a ensuite cherché à reproduire dans un système artificiel le fonctionnement des vibrisses naturelles. Leur système fonctionne en mesurant à la base de la vibrisse la vibration qu'entraîne son contact avec un objet ou une surface. Grâce à des moteurs miniatures, chaque poil ou des réseaux de centaines de poils sont déplacés et frottés contre des objets, reproduisant la façon dont les rongeurs agitent à grande vitesse leurs vibrisses d'avant en arrière. Des logiciels et de puissants algorithmes de calcul analysent les informations provenant des vibrisses pour déterminer par exemple si une surface est rugueuse ou lisse, s'il y a un coin ou un mur, à quelle distance se trouve un objet, et même si l'objet se déplace. Chez les rongeurs, dont la plupart ont une mauvaise vue, l'animal a un contrôle actif qui lui permet de positionner précisément la pointe des vibrisses ainsi que de contrôler leurs déplacements pour obtenir le maximum d'informations sur un objet ou une surface. Ils peuvent ainsi se reposer entièrement sur le seul sens du toucher pour explorer leur environnement, et même pour chasser. Des rongeurs robotiques pour les opérations de recherche et de sauvetage Appliquée en robotique, cette approche de la détection active améliore grandement l'exactitude et l'efficacité des capteurs, permettant à un robot de tâter délicatement le terrain au lieu de se heurter maladroitement aux objets. Dans les sondes robotiques imitant des doigts, les composants de détection peuvent aisément être endommagés car ils sont directement exposés à l'environnement. Au contraire, avec la technologie Biotact, les fragiles composants électroniques sont à la base de la vibrisse et n'entrent pas en contact direct avec les objets ou les surfaces. Et les vibrisses artificielles, exactement comme les vibrisses naturelles, continuent de fonctionner si elles sont brisées ou endommagées, et elles peuvent être remplacées rapidement et à peu de frais. Plusieurs générations de capteurs et de robots réalisés par l'équipe Biotact démontrent à quel point cette approche peut être efficace. Shrewbot, la dernière incarnation, ressemble un peu à une musaraigne et peut se déplacer uniquement grâce au toucher. «Shrewbot peut même suivre un objet en déplacement, simplement en utilisant ses vibrisses. Il n'a aucun capteur visuel ni aucun autre dispositif de détection», précise le professeur Prescott. «En outre, la moustache artificielle de Biotact est modulaire, elle peut donc servir pour un grand nombre de robots et d'appareils différents. Nous l'avons utilisée avec une série de robots éducatifs dont le robot Lego Mindstorms. Nous en avons aussi produit une version miniaturisée utilisant un nouveau type d'actionneur à base de polymères.» «Nous voulions nous assurer que l'utilisation de ces capteurs soit aussi universelle que possible, afin que vous puissiez entrer dans un magasin et en acheter un, tout comme vous pouvez acheter une webcam, et le monter sur n'importe quel robot ou appareil», ajoute le professeur Prescott. «Pour le moment, le prix de la technologie reste relativement élevé, mais nous pensons qu'il va diminuer. Nous avons discuté avec certains fabricants, et l'intérêt est bien là.» En effet, cette technologie a une large gamme d'applications. Un robot semblable à Shrewbot pourrait ainsi aider les pompiers à trouver des personnes piégées dans des immeubles en feu ou d'autres environnements où la fumée, la poussière ou l'obscurité font obstacle à la vision. Les membres de l'équipe de Biotact prévoient aussi de développer une version aquatique, dans le cadre d'un projet de suivi, qui pourrait servir à inspecter des environnements en eaux troubles. «Plutôt que des rats ou des musaraignes, le système ressemblerait à des phoques ou des morses, qui utilisent aussi leurs moustaches sous l'eau», déclare le coordinateur du projet. «Les entreprises travaillant dans le déclassement nucléaire ont exprimé leur intérêt, car elles ont besoin d'appareils capables d'inspecter des bassins contenant des déchets nucléaires. Il y a également des utilisations potentielles pour le secteur pétrolier et l'archéologie sous-marine.» Dans le domaine médical, les capteurs à vibrisses pourraient, après des recherches plus poussées, apporter un retour tactile extrêmement sensible lors des interventions de chirurgie non invasive, détectant par exemple un os ou différents types de tissus. Dans le domaine de la fabrication, cette technologie de capteur pourrait être utilisée pour tester la qualité des produits ou les trier en analysant la texture des matériaux. Dans un aspirateur, le système pourrait automatiquement détecter différentes surfaces et modifier les réglages afin d'assurer le nettoyage le plus efficace, selon qu'un sol est carrelé ou recouvert d'une moquette. L'université de Sheffield travaille actuellement avec le South Yorkshire Fire and Rescue pour utiliser de façon légèrement différente les technologies de capteurs et d'actionneurs de Biotact, en vue de réaliser un casque pour pompier. Il associe des capteurs à ultrasons pour naviguer dans des environnements enfumés, avec des actionneurs qui apportent un retour tactiles à celui qui le porte. Le projet Biotact a reçu un financement de recherche au titre du sous-programme Technologies futures et émergentes (FET) du septième programme-cadre (7e PC) de l'Union européenne. Les résultats obtenus par Biotact illustrent comment ce type de recherche fondamentale, sur le long terme, peut déboucher sur des recherches dans d'autres domaines et trouver des applications non prévues initialement. (1) «Biomimetic technology for vibrissal active touch» Liens utiles: - Site web du projet «Biomimetic technology for vibrissal active touch» - Fiche d'information du projet Biotact sur CORDIS