Nouveau procede pour comprendre les resistances aux antibiotiques
Cette puce ne contient donc pas de silicium ; sa surface de verre est plutôt recouverte de molécules organiques. Celles-ci permettront peut-être d'expliquer pourquoi certains staphylocoques se regroupent pour se protéger des antibiotiques, ce qui cause parfois des infections sur les prothèses ou les stimulateurs cardiaques. On connaît les puces des ordinateurs. On connaît moins les biopuces, sur lesquelles les molécules organiques ont remplacé les circuits électroniques et dont la recherche en biologie saura de moins en moins se passer. La technique est nouvelle. Ce qui n'empêche pas l'équipe du ,Dr Jacques Schrenzel d'être à la pointe en la matière. Avec son équipe de l'Hôpital cantonal universitaire de Genève, ce chercheur a développé une telle biopuce pour analyser le comportement des staphylocoques dorés, des bactéries qui causent de fréquents soucis à ceux qui portent des prothèses. Sur un seul centimètre carré, elle réunit quelque 11000 « sondes moléculaires », autrement dit 11000 microscopiques laboratoires capables d'effectuer des tests génétiques cruciaux. Contre les bactéries, l'homme de science a un jour découvert les antibiotiques. La recette s'est révélée efficace à un détail près: évoluant rapidement, par mutations, ces êtres unicellulaires ont fini par devenir de plus en plus résistants aux médicaments. Ce n'est pas tout. Certaines espèces de bactéries, dont les staphylocoques dorés, adoptent même une stratégie de survie groupée. Elles se mettent en colonie avant de fabriquer un biofilm qui les protège notamment des antibiotiques. Et il n'est pas rare que ce phénomène se produise à la surface de prothèses, ou d'appareils de stimulation cardiaque. Résultat : comme il est exclu de déloger ces amas bactériens à l'aide de médicaments, il faut opérer, retirer la prothèse, puis la remplacer. Comprendre et, à terme, combattre ces colonies bactériennes, voilà l'objectif du Dr Schrenzel. A 39 ans, ce spécialiste des maladies infectieuses partage son temps entre son métier de praticien et la recherche. Et il lui faut bien tout ce savoir pour mener son combat contre les staphylocoques dorés. «Nous sommes aidés dans notre recherche par le fait que le génome de plusieurs souches de ces bactéries, cest à dire l'ensemble des gènes qui contiennent leurs caractères héréditaires, a déjà été entièrement séquencé. En effet, les gènes sont notre matière première. Car ce sont certains d'entre eux qui dictent ce comportement de groupe chez les bactéries. A nous de trouver lesquels.» Comme un extraterrestre regardant la Terre,La quête serait plus aisée si l'on connaissait aussi la fonction de chacun des 2800 gènes que compte le staphylocoque doré, en plus donc de l'ordre dans lequel ils sont agencés. Las! Le médecin genevois l'avoue volontiers: sa recherche s'apparente à un tâtonnement. «Imaginez que vous soyez un extraterrestre intéressé par la Terre et plus particulièrement par le fonctionnement des villes. De là haut, il faudra régler votre télescope de telle manière à être ni trop près, ni trop loin de votre sujet sinon vous ne pourrez pas saisir certains événements d'importance comme le trafic automobile aux heures de pointe. Notre travail n'est pas très différent. Nous essayons de découvrir des heures de pointe dans le métabolisme des bactéries et notre télescope, cest la biopuce. !» Or quand les staphylocoques décident de se mettre en bande, une sorte d'agitation génétique spécifique se produit en leur sein ; leurs gènes deviennent actifs. Le tout, cest d'être là à la bonne heure pour l'observer. Les biopuces servent justement à détecter les pics d'activité génétique au moment où l'on pense qu'ils se produisent. Comment ? ,Des bactéries élevées en culture sont sacrifiées au moment opportun. Leur ARN est alors extrait. Pour mémoire, l'ARN (acide ribonucléique) est le « cousin » de l'ADN (acide désoxyribonucléique). Alors que le second est constitué de gènes alignés, autrement dit de recettes de cuisine nécessaires à la bonne marche de l'organisme, le premier, lui, est d'une certaine façon celui qui enregistre la commande et porte la recette en cuisine pour la réaliser. L'activité de chaque gène peut donc être mesurée dans une cellule à un instant donné grâce à la quantité du segment d'ARN qui lui correspond. Un carré de verre constellé de milliers de points lumineux,Les 11000 sondes déposées sur la biopuce par un système analogue à celui du jet d'encre chez les imprimantes fonctionnent comme des aimants. Chacune d'elles attire un seul morceau d'ARN venant d'une séquence de gène précise. Ainsi, une fois les restes bactériens dispersés sur ce centimètre carré de verre, on laisse le tout réagir pour un temps et puis on lave. Il ne reste plus alors qu'à placer la biopuce dans une machine qui révélera son contenu par effet de fluorescence. Sur l'écran de l'ordinateur, un carré constellé de milliers de points apparaît. Les points les plus brillants sont ceux qui ont attiré le plus de brins d'ARN, lesquels trahissent les gènes les plus actifs. «Seulement, poursuit Jacques Schrenzel, tous ne sont probablement pas impliqués dans ce comportement de groupe qui nous intéresse chez les bactéries. Reste donc encore à faire le tri.» Pour y parvenir, les chercheurs ont trouvé une astuce,Ces bactéries ont un gros défaut ; elles peuvent parfois muter et devenir incapables de se joindre au groupe pour fabriquer la fameuse matrice extracellulaire. Un défaut qui devient un avantage pour les scientifiques : toujours à l'aide de leurs biopuces, ils comparent l'activité génétique de ces mutants à celle des bactéries «normales», et espèrent bien ainsi trouver, à terme, les gènes qui sont effectivement impliqués dans la formation des colonies bactériennes. Un médicament visant ces cibles désormais connues, et soignant de telles infections sur les prothèses, pourrait alors être développé. «Cest là notre objectif premier, confirme le chercheur. Mais nos recherches pourraient avoir d'autres conséquences. On pourrait ainsi, qui sait, imaginer qu'un jour ces biopuces à staphylocoques deviennent aussi un instrument de diagnostique permettant d'évaluer la dangerosité de la bactérie responsable de l'infection.»,Renseignements sur le projet :,Dr. Jacques Schrenzel,Division des Maladies infectieuses,Hopital cantonal Universitaire de Geneve,Rue Micheli-du-Crest 24,CH-1211 Geneve 14,tel: +41 (0)22 372 93 37,e-mail: jacques.schrenzel@hcuge.ch
Pays
Suisse