Skip to main content
European Commission logo
français français
CORDIS - Résultats de la recherche de l’UE
CORDIS

Article Category

Actualités
Contenu archivé le 2023-03-23

Article available in the following languages:

Les habitats d'algues microscopiques contribuent-elles à nourrir les populations de poissons en Méditerranée?

Le Dr Hilmar Hinz du projet LINKFISH explique comment ses travaux aideront les scientifiques à mieux comprendre en quoi les caractéristiques particulières des habitats à algues macroscopiques contribuent à la prospérité des populations des poissons juvéniles.

L'importance du phytoplancton (des algues microscopiques) est bien documentée en tant que producteur primaire des écosystèmes côtiers, donc de la production des poissons. Cependant, on ignore l'importance de ces algues microscopiques ou macroscopiques sur la préservation des stocks de poissons. Grâce au projet LINKFISH, les scientifiques comprennent mieux comment certaines caractéristiques des habitats d'algues microscopiques peuvent aider les populations de poissons juvéniles à prospérer. Le Dr Hilmar Hinz est titulaire d'une bourse Marie-Curie à l'Instituto Español de Oceanografía. Ses travaux sont soutenus par le projet LINKFISH (Investigating the link between sub-littoral algae habitats and fish communities in the Mediterranean Sea), financé par l'UE. Il estime que le manque de compréhension scientifique des écosystèmes d'algues microscopiques résulte d'un manque d'intérêt des scientifiques. La plupart des recherches conduites en Méditerranée ont porté sur les prairies sous-marines ou sur des systèmes démersaux plus profonds, alors que les habitats algaux ont été négligés bien qu'ils soient tout aussi répandus. Le Dr Hinz a conduit des recherches en laboratoire et en plongée en Méditerranée, afin d'analyser ces habitats, leur productivité et la biodiversité de la faune benthique associée, et de déterminer comment l'énergie est transférée des algues aux poissons juvéniles. Le but était de combler la lacune dans les connaissances et de les intégrer dans une approche par écosystème de la gestion des pêcheries. Cette approche consiste à identifier, préserver et au besoin restaurer les habitats essentiels aux poissons afin de soutenir et régénérer leurs populations. Le projet s'est achevé en mai après avoir conduit des études expérimentales sur des habitats d'eaux peu profondes (Cystoseira), en raison de leur traçabilité, mais aussi des systèmes d'eau profonde (Osmundaria, Phyllophora et Peyssonnalia) largement présents en Méditerranée. Dans cet entretien avec le magazine research*eu consacré aux résultats, le Dr Hinz souligne l'importance de ses travaux et comment ils renforcent la compréhension de l'écologie des habitats d'algues microscopiques. Quels sont les principaux objectifs du projet? Le but principal du projet est de comprendre l'importance des macroalgues comme habitat essentiel pour les poissons juvéniles dans les systèmes côtiers de la Méditerranée. Nous savons que la plupart des écosystèmes côtiers de cette région sont oligotrophes, donc que l'eau est très pauvre en nutriments. Par conséquent la production du plancton (algues microscopiques) est faible par rapport à d'autres régions comme les mers d'Europe du Nord. Les algues macroscopiques et les prairies sous-marines sont les principaux producteurs primaires de matière organique, et donc la source principale de la production biologique qui alimente les chaînes alimentaires côtières. Ces habitats hébergent une microfaune variée, principalement de petits crustacés qui sont la principale source d'aliments pour les poissons jeunes et juvéniles, et aussi les abritent des prédateurs plus gros. Par nos travaux, nous essayons d'évaluer quelles sont les espèces d'algues et quel type de faune associé pourraient être particulièrement importants pour le transfert d'énergie aux juvéniles et aux jeunes poissons. Les habitats algaux côtiers subissent une pression croissante mais la compréhension de leur importance fonctionnelle reste superficielle. Nous espérons que notre projet ajoutera quelques détails importants qui pourraient être utiles pour évaluer la qualité des habitats dans les eaux européennes de la Méditerranée. Comment expliquez-vous le manque actuel de travaux dédiés aux habitats d'algues macroscopiques? En Méditerranée, la recherche sur les systèmes côtiers s'est principalement intéressée aux herbiers, aux systèmes démersaux plus profonds et aux zones marines protégées. Les récifs rocheux où les algues dominent, malgré leur proximité du rivage et leur forte utilisation par l'homme, n'ont pas été autant étudiés, en particulier concernant leur importance pour les poissons. La raison tient aux difficultés logistiques considérables que pose l'étude des poissons juvéniles dans les habitats rocheux: il n'est pas facile de capturer des juvéniles de 2 à 6 cm de long, et les méthodes classiques de pêche à la traîne et au filet sont inutilisables. Quelle a été votre méthodologie pour ce projet? Le projet avait plusieurs composantes. Nous avons essayé d'associer des observations sur le terrain avec des expériences en laboratoire. Les observations sont terminées mais la partie expérimentale continue et sera poursuivie par l'institution hôte après la fin du financement par ma bourse Marie Curie. Les observations ont nécessité de conduire plusieurs campagnes intensives sur site, prélevant des algues et des poissons par plongée sous-marine. Les observations in situ des poissons et des algues ont été faites lors de coupes en plongée, pour définir les divers habitats algaux favorables à la présence de juvéniles. En outre, nous avons déterminé pour des zones différant par leur couverture algale le régime alimentaire, l'état et la signature isotopique des différentes catégories de taille des juvéniles. Par nos expériences en laboratoire, nous essayons maintenant de tester d'une manière plus contrôlée les tendances que nous avons observées sur site, afin de mieux comprendre la liaison entre les algues, la faune associée et les poissons. Qu'avez-vous découvert concernant la dépendance des poissons juvéniles envers les algues macroscopiques? Les résultats sont encore très fragmentaires et nous en sommes toujours à l'étape d'analyse, mais il apparaît que certains types d'algues, surtout celles qui vivent longtemps et ont une structure complexe comme Cystoseira, hébergent une plus haute densité de proies que les morphotypes d'algues moins structurés. Ce qui signifie que le potentiel alimentaire et donc la qualité de l'habitat pour les poissons juvéniles est en relation avec la composition en algues. Jusqu'ici, nos observations semblent suggérer que la densité des proies et des poissons juvéniles augmente avec la richesse et la complexité de la communauté d'algues. Nous devons encore déterminer les mécanismes sous-jacents, car les algues peuvent aussi abriter les poissons, et la densité supérieure que nous constatons dans les habitats plus complexes pourrait ainsi découler d'une prédation réduite. Nous espérons que les résultats de nos expériences en cours au laboratoire éclairciront quelque peu ce point. Qu'en est-il des menaces potentielles pesant sur ces algues macroscopiques? Ces algues se trouvent surtout dans la zone côtière rocheuse. Cette proximité des activités humaines les soumet de plus en plus aux pressions anthropiques et elles sont donc plus susceptibles aux changements de l'environnement. Certaines algues comme le genre Cystoseira que nous avons mentionné sont sur le déclin et ont déjà disparu de bien des côtes méditerranéennes à cause d'une dégradation de la qualité des eaux, qui résulte de l'urbanisation croissante des côtes. En outre, ces communautés algales sont soumises à la pression d'espèces étrangères introduites en Méditerranée. C'est ainsi que la Chimère commune, un poisson herbivore particulièrement gourmand d'algues, peut transformer une couverture algale luxuriante en une zone rocheuse nue, avec à peine un court gazon d'algues, avec des conséquences évidentes pour les autres poissons. De même, l'introduction d'algues étrangères a des conséquences sur la composition des communautés d'algues, avec un impact qui reste inconnu sur les autres composantes de l'écosystème. Le projet s'achève en mai. Qu'attendez-vous de son impact sur l'approche par écosystèmes de la gestion des pêcheries? Nous espérons mettre en évidence l'importance de certains habitats algaux pour les poissons juvéniles. À partir de quoi nous pourrions être capables de classer la qualité des habitats côtiers pour les juvéniles, à plus grande échelle, et d'intégrer ce classement dans des plans spéciaux de gestion. En promouvant ces connaissances, nous espérons sensibiliser les acteurs du domaine maritime et le grand public à la valeur de ces habitats, et donc lancer des initiatives pour préserver ces écosystèmes et garantir la production de poissons. Avez-vous des projets pour la suite de vos travaux? Je resterai en Espagne pour continuer mes recherches, et j'ai obtenu une bourse nationale dans le cadre du programme Ramón y Cajal. Je compte poursuivre cette nouvelle ligne d'études qui a été possible grâce à la bourse Marie Curie. Je compte en outre continuer mon implication dans des projets de l'UE en rapport avec la pêche, et poursuivre mes recherches sur les effets de la pêche dans les écosystèmes benthiques.

Pays

Espagne

Articles connexes