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Entretien
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Des échanges in vivo pour une évaluation in silico: une nouvelle approche de l'évaluation de la nanotoxicité

Le professeur Robert Rallo, coordinateur du projet MODERN, parle de la nouvelle approche de l'évaluation de la nanotoxicité, qui pourrait aider à progresser vers une adoption généralisée des méthodes in silico.

Le projet MODERN a été mis en place dans le but de mieux comprendre la manière dont les nanoparticules affectent la santé humaine et l'environnement. Cette nouvelle approche, qui repose sur de nouvelles méthodes informatiques de caractérisation de la structure des nanoparticules et des modèles in silico afin d'évaluer leurs effets, promet également de réduire les tests in vivo. Historiquement, la pression du marché a souvent incité à rendre l'innovation scientifique disponible aux consommateurs bien avant d'avoir parfaitement conscience de ses tenants et aboutissants. Ce fut notamment le cas avec l'amiante, et le même scénario pourrait très bien se reproduire avec les nanotechnologies si des études sur l'innocuité ne sont pas correctement menées et des mesures politiques prises en conséquence. Selon certaines des prévisions les plus récentes, le marché des nanotechnologies atteindra 75,8 milliards de dollars (soit 65,8 milliards d'euros) d'ici 2020. Et alors que l'utilisation des nanoparticules synthétiques (eNP) est déjà bien répandue dans les secteurs de la cosmétique, de la peinture et de l'électronique, nous ne savons toujours pas quels effets possibles à long terme elles auront sur les systèmes biologiques. Afin de mieux comprendre ces dernières, les scientifiques se reposent encore essentiellement sur l'expérimentation animale; en dépit des efforts déployés par les activistes de la protection des animaux, des scientifiques et des responsables politiques pour utiliser d'autres méthodes d'expérimentation. Suivant les efforts de l'UE de mettre en place des stratégies d'expérimentation appropriées et dans la perspective de surmonter les obstacles actuels à l'adoption généralisée des méthodes in silico, le professeur Robert Rallo, coordinateur de MODERN, a lancé le projet MODERN en janvier 2013. Quelques mois avant la fin du projet, il nous expose ses résultats et l'impact escompté sur les méthodes d'évaluation de la toxicité des eNP. Diriez-vous que ce qui est fait en Europe est suffisant pour mesurer la toxicité des eNP avant leur mise sur le marché? Ces dernières années, l'UE a déployé d'importants efforts en vue de définir les principes scientifiques et méthodologiques relatifs aux tests in vitro et in vivo des nanomatériaux. Malgré des lacunes persistantes en matière de réglementations spécifiques concernant l'utilisation des produits à base de nanotechnologie, l'UE s'est engagée à poser les bases pour la mise en œuvre de stratégies d'expérimentation appropriées qui soutiendront l'évaluation des risques et la prise de décision réglementaire. La diversité des matériaux (par ex., les diverses combinaisons de composition chimique, la structure noyau-enveloppe, la forme, la fonctionnalisation) transforme l'expérimentation exhaustive des nanomatériaux en une tâche ardue. Dans ce contexte, le développement et la validation de méthodes de dépistage à haut débit ainsi que la mise en œuvre d'outils d'évaluation in silico (comme ceux développés dans MODERN et d'autres projets de modélisation au titre du programme FP7-NMP) contribueront à offrir dans un avenir proche d'autres méthodes d'expérimentation adaptées à l'évaluation d'un grand nombre de nanomatériaux, d'une façon efficace et rentable. Pourquoi l'évaluation de la toxicité des eNP repose-t-elle tant sur l'expérimentation animale? La raison principale réside dans le fait que les tests in vitro et les outils in silico actuels ne sont pas encore perçus comme des systèmes de modèle fiables pour évaluer la toxicité des nanomatériaux. Le traitement du «bruit biologique» (à savoir, la variabilité des données) dans les tests in vitro à haut débit constitue l'un des défis les plus urgents à relever. Par ailleurs, il est tout aussi nécessaire de développer d'importantes bases de données expérimentales de grande qualité concernant le développement et la validation d'outils de prédiction de la toxicité in silico. Comment envisagez-vous combler cette lacune? Chez MODERN, nous développons des outils in silico destinés à l'évaluation de la nanotoxicité au moyen de différents types d'informations sur les nanoparticules. Le projet suit une approche intégrée qui combine différents types d'informations dans le cadre de parcours de résultats défavorables spécifiques. Nous nous concentrons en particulier sur les effets de la nanotoxicité engendrés par les réponses du stress oxydatif. Nous avons développé de nouvelles méthodologies pour calculer les nano-descripteurs dépendant de la taille en utilisant la chimie quantique et des approches de modélisation moléculaire, ainsi que des nano-(Q)SAR basés sur les descripteurs conçus pour un nombre de critères d'écotoxicité dans différentes espèces, dont les protozoaires, les algues et les bactéries. L'autre résultat concerne le développement d'une nouvelle méthodologie de normalisation concernant les données omiques, qui est utile pour révéler l'activité du système et des gènes à faible concentration (à savoir, dans des conditions d'exposition environnementale réelles). Des modèles de prévision des interactions des cellules de nanoparticules basées sur la composition de la couronne protéique (corona) de la nanoparticule ont également été développés et validés. Enfin, nous avons essayé d'augmenter la précision des modèles actuels en identifiant les catégories homogènes des nanoparticules et en développant de nouveaux modèles locaux pour chaque catégorie spécifique. Les modèles développés ont-ils répondu à vos attentes? Nous avons montré que l'intégration de différents types d'informations (par ex., des propriétés physico-chimiques, des caractéristiques structurelles et des profils de bioactivité à différents niveaux de l'organisation biologique) concernant les effets des nanoparticules est fondamentale au développement d'outils in silico adaptés à l'évaluation des risques des nanomatériaux et à la prise de décision. Les modèles informatiques pouvant guider la conception de nouvelles nanoparticules à toxicité contrôlée, les outils in silico peuvent également être appliqués à la sécurité des nanomatériaux dès la conception. Toutefois, nous manquons toujours de données (publiques) importantes sur la toxicité des nanoparticules pour évaluer correctement les modèles et leur domaine d'application élargi. Par conséquent, les modèles actuels ne peuvent servir que d'outils de dépistage préliminaire qui fournissent une indication des effets nocifs potentiels d'un nanomatériau. D'autres tests in vitro (et sans doute in vivo) seront nécessaires pour confirmer ou infirmer qu'une nanoparticule donnée a des implications toxicologiques. Auriez-vous tendance à être d'accord avec les scientifiques affirmant qu'il est impossible d'arrêter l'expérimentation animale en ce qui concerne l'évaluation de la toxicité des ENP? Je répondrais oui. L'expérimentation in vivo sera nécessaire pour garantir la sécurité des produits à base de nanotechnologie, en particulier concernant les nanoparticules utilisées dans les applications médicales. Cependant, le développement de tests in vitro plus fiables associé à des outils de prévision in silico offrira la possibilité de contribuer à réduire considérablement le nombre d'animaux de laboratoire. Dans un avenir proche, grâce à une puissance informatique sans cesse croissante et une meilleure compréhension des mécanismes d'interaction nano-bio, je suis sûr que nous serons en mesure de procéder à des simulations précises des interactions entre les nanoparticules et les systèmes biologiques qui permettront de remplacer complètement l'expérimentation animale. Qu'avez-vous surtout retenu de vos travaux de recherche jusqu'à présent? La leçon la plus importante est que notre capacité de compréhension et de modélisation en matière de nanotoxicité est encore bien en deçà de nos connaissances de la toxicité chimique. Il nous reste encore beaucoup à apprendre concernant les mécanismes et les modes d'action de la nanotoxicité. La quantité de données disponibles pour le développement de modèles - et surtout, pour la validation de modèles - est très limitée en comparaison des données disponibles pour les produis chimiques. De nombreuses difficultés freinent encore le développement d'outils de dépistage de la nanotoxicité in silico et la quantité limitée de données est seulement un des facteurs limitatifs. Les besoins actuels importants couvrent, entre autres, l'élaboration d'une nomenclature afin de décrire les nanomatériaux sans ambiguïté: des protocoles normalisés pour les tests de nanotoxicité; des protocoles pour les tests de dépistage à haut débit et leurs méthodologies de pré-traitement des données associées en vue de générer suffisamment de données pour enrichir et améliorer les modèles in silico actuels; et des méthodes de classement du danger, d'évaluation des risques et de prise de décision. Que vous reste-t-il à accomplir avant la fin du projet, en décembre? Nous évaluons actuellement la capacité de prévision de la chimie quantique et des descripteurs de modélisation moléculaire concernant les nanoparticules d'oxyde de métal que nous avons développées jusqu'à présent. Nous affinons aussi les méthodes informatiques destinées à générer les nano-descripteurs afin d'intégrer des changements structurels tels que le dopage au métal. En parallèle, nous utilisons les informations obtenues par la caractérisation des nanoparticules pour développer un ensemble de modèles de nanotoxicité s'appuyant sur une collection de nano-QSAR ajustés localement. Les informations fournies par ces modèles serviront ensuite, à un stade final, à la production d'outils de classement du danger et d'évaluation préliminaire des risques liés aux nanomatériaux. Pour plus d'informations, veuillez consulter: site web du projet MODERN

Pays

Espagne