Une culture sélective rapide du blé
Environ 800 millions de personnes dans le monde manquent de nourriture. Pour faire face à cette situation, les agriculteurs devront produire autant de blé que ce qui a été produit depuis le début des pratiques agricoles, il y a plus de 100 000 ans. Le blé, comme la plupart des principales cultures vivrières, est polyploïde, c’est-à-dire qu’il possède plus de deux jeux de chromosomes. En fait, le blé tendre cultivé aujourd’hui possède six jeux de chromosomes. Quand il s’agit de production de semences, cela pose des difficultés car tous les jeux de chromosomes doivent être appariés pour produire du pollen et des ovules viables pendant la division cellulaire (méiose). Le blé a développé des mécanismes génétiques pour stabiliser cette situation polyploïde. Le projet Crossover control a cherché à introduire de nouveaux gènes chez des espèces apparentées au blé sauvage afin d’augmenter le rendement des cultures. Pour ce faire, les chercheurs ont dû faciliter l’appariement entre les chromosomes du blé sauvage et ceux de leurs cousins les plus récents. En outre, la fréquence de croisement, mélangeant gènes anciens et modernes, a été augmentée. Pour que la culture conserve sa fertilité afin de produire des semences de blé, un appariement chromosomique équilibré doit avoir lieu lors de la production des cellules sexuelles ou gamètes pendant la méiose. Un nouvel outil pour la culture sélective – Ph1 Avec Crossover control, les scientifiques ont découvert plusieurs mécanismes pour y parvenir, l’un d’entre eux impliquant le gène clé Ph1. «L’utilisation de souches de blé avec différentes délétions a montré que le gène Ph1 améliorait les hybrides résultant du croisement entre le blé et ses cousins sauvages. Par ailleurs, l’efficacité de l’appariement et, par conséquent, la fertilité élevée chez le blé tendre résultant n’ont été que légèrement affectées», explique le professeur Graham Moore, coordinateur du projet. L’équipe de Crossover control a ensuite étudié de manière approfondie l’action de Ph1. La première étape a consisté à générer des mutants pour le gène ZIP4 avec un traitement à l’éthylméthanesulfonate, qui ont été baptisés mutants TILLING. «ZIP4 étant connu pour réduire ou éliminer les croisements chez certaines espèces, cela en faisait un bon candidat pour contrôler le phénotype Ph1», souligne le professeur Moore. Afin de confirmer les résultats de TILLING, ils ont utilisé de courtes répétitions palindromiques regroupées et régulièrement espacées, la technologie CRISPR, pour supprimer spécifiquement le gène ZIP4. Une fois encore, les mutants ZIP4 ont montré une amélioration des hybrides blé/blé sauvage ainsi qu’un faible niveau d’appariement incorrect, indiquant une bonne fertilité chez les plants de blé tendre. Les nutriments essentiels améliorent le transfert de gènes Lors des expériences sur les mutants dépourvus de Ph1, les chercheurs ont également testé les effets de différents nutriments dans le milieu de culture. En utilisant une solution de Hoagland pour fournir tous les nutriments essentiels nécessaires à la croissance des plantes, ils ont observé que cela provoquait un fort taux de croisement lors de la méiose. «D’autres tests ont montré que l’ion Mg2+ était spécifiquement responsable de cette augmentation», note le professeur Moore. Irriguer les plantes hybrides dépourvues de Ph1 avec une solution Hoagland de 1 mM a augmenté la fréquence de croisement. Confirmant l’importance des résultats sur Ph1, ces données ont été publiées dans quatre articles évalués par des pairs, dans les revues suivantes: Chromosoma, Molecular Breeding, Nature Plants et Frontiers in Plant Science. Faire progresser la recherche sur les cultures – ramener du pain à la maison En ce qui concerne l’impact, un certain nombre de sélectionneurs, tant dans l’UE qu’à l’extérieur, ont demandé à obtenir le matériel de sélection TILLING ZIP4. Le projet Crossover control a fourni les variétés en question sans restrictions liées à la propriété intellectuelle, et elles sont maintenant utilisées dans des programmes de sélection. «Plus de 70 % des plantes à fleurs sont polyploïdes, dont la majorité des cultures les plus importantes au monde comme le café, les fraises et les bananes», souligne le professeur Moore. L’utilisation du matériel ZIP4 actuellement disponible fournira des informations sur la génétique d’autres espèces polyploïdes et sur la manière dont elles se comportent au niveau de la production de semences. «Il sera intéressant de déterminer combien d’autres espèces polyploïdes ont exploité ce gène pour se stabiliser pendant la méiose», conclut le professeur Moore.
Mots‑clés
Crossover control, blé, Ph1, ZIP4, chromosome, sélectionneur, CRISPR