Comprendre la complexité par la simulation
Selon Wikipedia, le premier exercice à grande échelle de simulation informatique est apparu pour les besoins du projet Manhattan, dirigé par les Etats-Unis au cours des années 1940, afin de modéliser le processus de détonation nucléaire. Depuis lors, les techniques de simulation se sont développées au rythme rapide des évolutions informatiques. Au point d'être considérées aujourd'hui comme des outils essentiels dans les domaines de pointe de la science et de la découverte et de contribuer au succès commercial des dernières grosses productions cinématographiques. Afin de mieux faire comprendre au grand public le potentiel des technologies de simulation, une importante conférence sur "L'ère de la simulation" a récemment été organisée à Linz avec le soutien de la Présidence autrichienne. Un des organisateurs de la manifestation, Harald Katzmair, directeur général de FAS.research a parlé à CORDIS Nouvelles du rôle des technologies de simulation quelque 60 ans après leur apparition. "L'importance de la simulation pour la science et l'économie est multiple", a déclaré le docteur Katzmair. "Pour moi, la simulation nous aide à explorer et à comprendre les systèmes complexes. Il ne s'agit pas de prédire l'avenir mais bien d'essayer de comprendre la complexité ou les règles qui régissent celle-ci." La plupart des systèmes complexes sont non linéaires, d'où l'extrême difficulté à en prédire le comportement futur, a expliqué le docteur Katzmair. A l'inverse, il semble qu'il existe des points de masse critique, par exemple dans la popularisation d'une idée ou la propagation d'un virus, lorsque le système affiche un comportement nouveau ou inhabituel. "Grâce à la simulation, nous pouvons voir quand ces points de masse critique sont atteints", a-t-il expliqué. Dans le cadre de son travail chez FAS.research le docteur Katzmair se concentre sur l'analyse de réseau et la simulation basée agent. "D'où l'intérêt que nous portons à CORDIS pour l'analyse des modèles de réseau de coopération en Europe," a-t-il déclaré. Son groupe a pris une série d'agents représentant des participants individuels aux projets de recherche UE et leur a assigné une probabilité de collaboration avec un autre agent ayant des références similaires (par exemple, même pays d'origine ou même discipline scientifique). En analysant la distribution des probabilités dans une simulation qui reflète les données "réelles" observées, le docteur Katzmair en apprend plus sur les micromotifs des agents. "Nous avons aujourd'hui une vision claire de la façon dont un réseau devrait être structuré afin de permettre la diffusion d'idées et de connaissances - ou de l'innovation," a indiqué le docteur Katzmair. "Le problème est que vous ne pouvez structurer entièrement les réseaux - ils débordent les micromotifs. Mais la connaissance acquise grâce à la simulation pour comprendre les règles de micro-niveau qui vont affecter la structure au macro-niveau est très importante pour l'analyse et l'évaluation. Nous pouvons alors voir quelle masse critique d'agents serait nécessaire pour changer un réseau, et commencer à découvrir les interrelations entre micro- et macro-niveaux." De fait, le docteur Katzmair et son équipe ont extrait de la base de données CORDIS tous les projets dont les titres ou les résumés se réfèrent à la simulation, ce qui leur a permis d'élaborer le profil d'un réseau européen virtuel dédié à la simulation. Un autre exemple récent et très réussi de simulation basée agent est celui de l'industrie des loisirs, des jeux informatiques et des films de Hollywood. "L'industrie des loisirs a développé des méthodes très complexes et avancées de simulation appliquée", a expliqué le docteur Katzmair. Et de donner l'exemple des grandes scènes de bataille impliquant des milliers d'agents, telles qu'en comportent des films comme "Le Seigneur des Anneaux": "Il y a, derrière ces scènes, des simulations très complexes pour obtenir le réalisme d'action des personnages, mais l'avantage est qu'il suffit de programmer leurs règles comportementales, sans même avoir à les diriger ni à les guider." Autre "sujet sensible" en matière de simulation, les études de diffusion analysent la pénétration des innovations sur le marché et revêtent un intérêt évident pour les économistes et les industriels. Il est également fait appel à la simulation pour analyser la propagation de virus ou la bio-contamination et permettre aux gouvernements de réagir en cas de pandémies ou d'attentats terroristes. Sur ce dernier point, le docteur Katzmair a déclaré: "Un grand travail est fait actuellement en rapport avec le terrorisme; ainsi, nous recourrons à la simulation pour analyser la structure des réseaux terroristes". En simulant la structure de vastes réseaux terroristes pour lesquels les autorités ne disposent que d'une information fragmentaire, il est possible d'analyser l'impact du retrait de certains agents sur l'ensemble du réseau. "Sur la base de cette information, par exemple, vous pouvez décider s'il est plus important d'isoler les spécialistes du réseau ou de se concentrer sur les décideurs. Les Etats-Unis financent actuellement de nombreuses initiatives en la matière", a-t-il ajouté. L'Europe est fière d'avoir développé une véritable expertise en matière de simulation, affirme le docteur Katmair. "Il s'agit là d'une technologie d'avenir - c'est par ailleurs le seul mode d'analyse du comportement de systèmes dynamiques et complexes." L'évolution actuelle vers une approche plus transdisciplinaire de la simulation ne fait que refléter le fait que de nombreux systèmes à grande échelle partagent une complexité commune qui résulte des interconnections entre les divers composants ou agents. "Que vous vouliez simuler la croissance économique, le comportement des abeilles ou la propagation du feu, le paradigme transdisciplinaire vaut pour tous ces domaines," a conclu le docteur Katzmair.
Pays
Autriche