Skip to main content
European Commission logo
français français
CORDIS - Résultats de la recherche de l’UE
CORDIS
CORDIS Web 30th anniversary CORDIS Web 30th anniversary

Article Category

Contenu archivé le 2024-05-21

Article available in the following languages:

La Finlande, ou le chemin vers la prospérité

Phénomène étudié avec admiration dans le monde entier, le miracle économique finlandais exhale également un énorme sentiment de fierté à travers les terres irlandaises. Comment un petit pays scandinave n'affichant aucune prouesse technologique dans les années 1970 est-il parve...

Phénomène étudié avec admiration dans le monde entier, le miracle économique finlandais exhale également un énorme sentiment de fierté à travers les terres irlandaises. Comment un petit pays scandinave n'affichant aucune prouesse technologique dans les années 1970 est-il parvenu à devenir aujourd'hui un laboratoire de l'innovation? La Finlande continue d'être l'économie la plus compétitive au monde. Au cours des cinq dernières années, elle a occupé à quatre reprises la tête du classement du Forum économique mondial. Pour répondre à la question du "Comment?", CORDIS Nouvelles s'est entretenu avec M. Esko-Olavi Seppälä du Conseil scientifique et technologique de Finlande, qui connaît parfaitement le processus d'innovation et de développement en Finlande, et avec le Dr Erkki Ormala, vice-président de la politique technologique du géant finlandais Nokia, qui offre une perspective beaucoup plus générale de l'industrie. Parmi les joyaux de la couronne technologique de la Finlande figurent la société du Dr Ormala - Nokia -, le numéro un mondial de la téléphonie mobile; et l'invention de Linus Torvalds - Linux -, le plus grand projet collaboratif au monde dans le secteur des technologies de l'information. Alors que la poussée de fièvre dans les secteurs innovants a commencé à s'accélérer dans les années 1990, les premiers symptômes remontent dans les années 1960. M. Seppälä a donné à CORDIS Nouvelles une brève leçon d'histoire: "L'industrie finlandaise a commencé à investir dans le développement technologique tout au long des années 1960. L'industrie a donc investi ses propres fonds dans la R&D [recherche et développement] technique. A partir du milieu des années 1960, des efforts spécifiques ont été consentis pour renforcer l'enseignement supérieur, notamment l'adoption en 1966 d'une loi relative à l'enseignement supérieur. Cette loi est toujours d'actualité et est à l'origine de la hausse importante du nombre d'étudiants et d'enseignants. Cette politique a été mise en place de telle sorte que de nouvelles universités ont été créées dans plusieurs régions. Les anciennes n'ont pas simplement été élargies", a-t-il expliqué. L'importance de cette politique ne peut être sous-estimée. Elle a permis à la Finlande de disposer d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée, qui manifeste des attitudes positives à l'égard de la recherche et du développement, indépendamment de leur origine. Rien de ce qui s'est produit plus tard n'aurait pu avoir lieu sans cet ingrédient essentiel. Aujourd'hui, la Finlande continue d'occuper le premier rang des classements mondiaux en matière d'alphabétisation, de résolution des problèmes, de mathématiques et autres indicateurs de l'enseignement. Selon le Dr Ormala, les fondations du changement industriel ont été posées par le biais d'un dialogue public-privé, définissant une vision commune. "Il existait deux tendances. Premièrement, et en particulier à la fin des années 1970 et au début des années 1980, il est apparu évident que l'amélioration de la croissance économique et industrielle ne pouvait reposer sur les échanges commerciaux avec l'URSS, bien que ceux-ci restaient importants. Pour afficher une croissance économique durable, la Finlande avait besoin d'accéder aux marchés européens. Créer de la valeur ajoutée était indispensable dans la mesure où se conférer un avantage concurrentiel et mettre sur le marché des produits de qualité supérieure étaient nécessaires pour augmenter les parts de marché. "Deuxièmement, on était en présence d'une jeune génération de dirigeants visionnaires pour qui les marchés globaux constituaient une opportunité. Les années 1980 ont vu la Finlande s'ouvrir aux institutions internationales et aux marchés étrangers", a indiqué le Dr Ormala. A nouveau, le haut niveau d'instruction a permis de donner naissance à cette classe centrale de dirigeants. Mais le transfert vers la technologie ne s'est pas fait sans réserve. De 1979 à 1980, la question d'un rapprochement de l'économie finlandaise de la technologie et de la microélectronique suscitait certaines préoccupations parmi les syndicats, qui craignaient une suppression d'emplois dans plusieurs secteurs. Toutefois, une attitude pragmatique a prévalu et les syndicats ont décidé de ne pas s'y opposer sans autre forme de procès, mais de voir si l'évolution vers une société technologique aurait en effet des conséquences négatives sur l'emploi. Surnommés le "grand comité technologique", les syndicats ont constaté que l'impact sur l'emploi serait en réalité minime voire, au contraire, positif. Ce résultat surprenant a donné une nouvelle orientation puisque les syndicats et les ouvriers ont commencé à manifester des attitudes positives à l'égard des processus technologiques", a expliqué M. Seppälä. En 1982, soutenu par les découvertes du grand comité technologique, le gouvernement a décidé de promouvoir le principe de la technologie, en adoptant vision élargie de la technologie et de la politique technique. "La technologie s'est vu réserver la place que d'autres pays lui avaient déjà accordée après la Seconde Guerre mondiale", a-t-il déclaré. "La technologie n'était plus uniquement réservée aux ingénieurs, mais était considérée comme un phénomène social dans tous les secteurs de la société et à tous les niveaux de la société." Selon le Dr Ormala, l'adoption des technologies a résulté principalement de l'industrie elle-même, forte des excellents canaux de communication entre l'industrie et le gouvernement. Au lieu de solliciter du soutien, l'industrie a investi en elle-même, et à es fonds privés sont venus s'ajouter ensuite des fonds publics. "Un facteur essentiel du développement a été une discussion ou consultation intensive entre le secteur public et privé. Un mécanisme de consensus leur a permis de partager une vision commune. Ce mécanisme était très important pour instaurer un climat de prévisibilité, permettre aux industries d'investir en Finlande et établir la confiance", a-t-il ajouté. En 1983, Tekes, l'agence finlandaise de financement de la technologie et de l'innovation, a été crée. A partir de ce moment, la technologie a commencé à jouer un rôle beaucoup plus visible. Bizarrement, l'instabilité économique dix ans plus tard a été le vrai catalyseur de cette évolution rapide. "Les investissements publics étaient importants à la fin des années 1980, mais un déclin économique grave s'est produit à partir de 1990. 1993 a été la pire année durant la dépression, le PIB ayant chuté de plus de 10 pour cent entre 1991 et 1993. 400.000 emplois ont été supprimés, soit une hausse du taux de chômage de 3,5 à 20 pour cent durant cette courte période", a expliqué M. Seppälä. Paradoxalement, au creux de la dépression en juillet 1991, le premier téléphone portable a été mis sur le marché à Helsinki. "Une véritable aubaine pour l'économie", commente M. Seppälä. "Cette dernière peut être vue en termes d'investissements en R&D. A partir de 1993, les investissements nationaux en R&D ont augmenté d'environ 10 pour cent chaque année. C'était l'explosion des TIC, insufflée par Nokia. L'innovation orientée exportation dans le secteur des hautes technologies est née de la dépression. Cette évolution n'était pas uniquement due aux investissements du secteur privé, mais également du secteur public." A partir de 1995, le parti social-démocrate de Paavo Lipponen a été plus loin. Sous le premier gouvernement de 1996, les dépenses publiques en R&D ont augmenté de 25 pour cent entre 1996 et 1999. Le gouvernement a investi d'énormes quantités d'argent dans la recherche, l'innovation et l'esprit d'entreprise. Mais comment le gouvernement finlandais pouvait-il se permettre d'injecter de telles sommes d'argent? "Grâce la privatisation. Après la reprise, après la dépression. La reprise était bien en place à partir de 1996. Il était possible d'obtenir des fonds supplémentaires du gouvernement, et le secteur public a envoyé des signaux clairs pour continuer à investir dans la base de connaissances. Grâce à des partenariats public-privé, dans les secteurs de l'enseignement, des TIC [technologies de l'information et de la communication] et autres", a indiqué M. Seppälä. Une autre explication au succès de la Finlande est peut-être l'évaluation continue de ses systèmes de recherche et ses réponses rapides aux demandes du marché. Par exemple, les experts en TIC étaient très demandés à la fin des années 1990. En réponse, le gouvernement a ouvert des cours de spécialisation pour former les experts en TIC dans le cadre d'un programme conjoint mis en place entre le gouvernement, les industries et les municipalités de 1998 et 2002. Le programme a été un succès. Parallèlement aux améliorations technologiques, on a observé des progrès dans le secteur de l'enseignement. "La hausse rapide du volume de R&D s'est accompagnée d'une hausse rapide du personnel de R&D. Le niveau d'instruction moyen s'est amélioré, ainsi que la croissance en termes de volume, de telle sorte que le niveau d'instruction moyen est supérieur à celui du début des années 1980, bien qu'il y ait trois fois plus de personnel. M. Seppälä offre une explication à cette double amélioration: "Il y a deux raisons à cela. Premièrement, les femmes ont commencé à entreprendre des carrières dans la R&D. Depuis 1990, leur nombre n'a cessé d'augmenter de façon constante. 46 pour cent des nouveaux titulaires d'un doctorat et plus d'un tiers du personnel de R&D sont des femmes. Deuxièmement, le système post-universitaire pour la formation dans le domaine de la recherche va être pris en compte. Depuis 1995, le nombre d'écoles de spécialisation post-universitaire proposant des maîtrises en sciences ou des doctorats a augmenté. Plus de 100 écoles de spécialisation et universités et 1.500 postes de spécialisation sont à présent subventionnés par le gouvernement", a-t-il déclaré. Mais l'éducation, bien qu'elle soit un ingrédient essentiel, ne suffit pas. "Bien entendu, le niveau d'enseignement général de la population entière doit être le plus élevé possible - il est à la base de tout. Mais vous avez également besoin de la concurrence des marchés globaux, vous avez besoin du savoir-faire et du développement de la recherche de haut niveau, qui sont autant d'atouts pour être compétitif sur les marchés globaux. Vous devez disposer de personnes hautement qualifiées dans les universités, de sociétés de premier rang et être compétitifs sur les marchés globaux de la science et de la technologie." M. Seppälä est conscient qu'un pays de la taille de la Finlande a des limites. Le pays a donc concentré ses efforts dans des domaines spécifiques. "La Finlande est un petit pays de par sa population - 5,3 millions d'habitants -, ce qui restreint et limite sa capacité de disposer de sociétés compétitives offrant un large éventail de produits. Mais nous tendons à être efficaces au niveau mondial dans le secteur de la science, de la technologie et des communications. Le Dr Ormala partage le même avis. "Pour devenir une société mondiale, vous devez vous spécialiser car vous ne pouvez pas être bons en tout. Les sociétés mondiales sont différentes de celles établies sur les marchés locaux." Une nouvelle révolution est à présent envisagée. Alors que la Finlande est très bien perçue à l'étranger, des appels sont lancés pour mettre à nouveau en place des stratégies d'innovation en raison du fléchissement apparent des performances en Finlande. "Nous pouvons dire que, dans les années 1990, les acteurs publics les plus importants dans le domaine de la science et de la technologie sont trois organisations spécialisées dans le financement du secteur public. L'Académie de Finlande, un réseau de conseils de recherche nationaux qui finance la recherche fondamentale dans les universités. Tekes, qui joue un rôle similaire en finançant la recherche technique appliquée dans les universités et les centres de recherche publics et en débloquant des fonds pour les entreprises actives dans le secteur des technologies. SITRA, le Fonds national finlandais pour la recherche et le développement, qui est le fonds de capital risque le plus important. "Ces trois organisations couvrent le processus d'innovation dans son intégralité. Il est important qu'elles gèrent des programmes nationaux dans leurs domaines et mettent en place en bonne stratégie de coopération horizontale. Séparément et ensemble, elles sont le paramètre le plus significatif des succès obtenus jusqu'à présent et seront également à la base des succès à venir. Nous devons à présent être plus sélectifs et plus disposés pour prendre des décisions majeures que par le passé", a expliqué M. Seppälä. M. Seppälä croit qu'il faudra prendre des décisions majeures dans un avenir proche. "Une unité de recherche standard est généralement dirigée par un groupe, mais compte tenu des projets au niveau communautaire et des divers réseaux, nous devons nous préparer à prendre des décisions financières plus importantes. Cet aspect couvre les responsabilités majeures des trois organisations, pas seulement leurs propres activités. Ces organisations doivent avoir une plus large perspective du développement futur de la science, de la technologie et de l'innovation. Pour répondre à cet objectif, elles doivent améliorer leurs activités horizontales et la prise de décisions politiques, en vue de renforcer leurs activités." L'innovation a des effets secondaires et inattendus. Le processus d'innovation qui a tellement stimulé l'économie finlandaise a également des conséquences. "Si je me limite à la science et à la technologie, je peux dire que la Finlande est tombée dans la dépression d'une seule pièce. Tout est tombé en même temps. Mais la reprise s'est déroulée à différents rythmes si l'on compare les différentes régions - Helsinki le plus rapidement, et ensuite les grandes villes universitaires de Finlande, les plus petites villes et finalement les régions éloignées. "Un enseignement que nous avons pu tirer est que l'innovation technique favorise la concentration d'activités. Les industries TIC se sont établies dans les centres principaux qui offrent des activités de loisirs et disposent d'aéroports, etc. La concentration entraîne un développement économique rapide et une migration depuis les campagnes et les zones à faible population. Il y a 15 ans, lors de la dépression, le secteur public s'est retiré des régions. Cela signifie qu'il existe des différences lorsque l'on analyse les niveaux et les rythmes de développement, la vitesse à laquelle les régions se développent aujourd'hui. Nous devons nous concentrer sur le développement à long terme", a-t-il déclaré. La présidence finlandaise de l'UE arrive à point nommé pour nombreux qui, en Europe, se sentent préoccupés par la fracture technologique. L'exemple finlandais ne doit pas se limiter à la Finlande, et le même modèle peut être utilisé pour faire progresser l'Europe. Par conséquent, la recherche et l'innovation figurent parmi les priorités de l'agenda des six prochains mois, et pour beaucoup, cela ne vient pas trop tôt.

Pays

Finlande