Le système d'autopilotage des insectes à la loupe
Une équipe de chercheurs a découvert à l'aide d'un robot volant spécialement conçu comment les insectes volants se servent d'indices visuels pour s'envoler, maintenir leur altitude et se poser. Financés par l'UE au titre du cinquième programme-cadre et le Centre national français de la recherche scientifique (CNRS), ces travaux sont publiés en ligne par le magazine Current Biology. Les insectes et autres animaux volants peuvent contrôler leur hauteur au-dessus du sol malgré l'absence d'instruments sophistiqués tels que ceux utilisés par les pilotes humains. Dans le cadre d'une étude récente, les scientifiques ont élaboré un micro-hélicoptère afin de mettre à l'épreuve une théorie selon laquelle les insectes emploient un système appelé «flux optique» (FO) pour déterminer la distance qui les sépare du sol. Lorsqu'un insecte vole vers l'avant, l'image du sol en dessous de lui défile vers l'arrière à travers son champ visuel à une vitesse qui est inversement proportionnelle à la hauteur de l'insecte au-dessus du sol. En d'autres termes, le sol semble se déplacer plus rapidement à faible altitude qu'à grande altitude. Les chercheurs ont émis l'hypothèse que les insectes sont munis d'un régulateur interne de flux optique qui utilise une boucle de retour pour évaluer le rapport entre la vitesse du sol et la hauteur et ils ont installé un tel système dans leur micro-hélicoptère. Grâce à ce système, si le sol semble se déplacer trop lentement, l'insecte descend jusqu'à ce que le sol défile à la vitesse optimale d'après son régulateur de FO, et s'il se déplace trop vite, l'insecte s'élève. Les chercheurs ont constaté que le robot reproduisait de nombreux schémas du comportement de vol des insectes qui ont été observés au fil des années. Ainsi, lorsque des papillons migrateurs doivent traverser un canyon, ils ne se contentent pas de le survoler, mais ils descendent le long d'un flanc, ils traversent le fond et ils remontent ensuite le long de l'autre flanc. De même, s'ils doivent survoler un obstacle tel qu'une forêt, leur hauteur par-dessus les arbres est identique à leur hauteur précédente par rapport au sol. Le modèle du FO explique également pourquoi les insectes volent plus bas lorsqu'ils font face à un vent contraire. Ce vent provoque une diminution de la vitesse apparente du sol, de sorte que les insectes descendent jusqu'à ce que le sol semble se déplacer à la vitesse «appropriée» d'après leur régulateur de FO. À l'inverse, un vent arrière a pour effet que le sol semble se déplacer à une vitesse supérieure, de sorte que les insectes compensent en s'élevant. Le système n'est toutefois pas infaillible. Dans les années 1960, une étude a ainsi constaté que les abeilles qui volent au-dessus d'une surface d'eau plane ont tendance à voler de plus en plus bas jusqu'à ce qu'elles plongent tout droit dans l'eau. Lorsque l'eau ondule, par contre, elles réussissent sans difficulté à maintenir une altitude appropriée. Dans la présente étude, les auteurs expliquent que ce phénomène est dû à ce qu'une eau parfaitement immobile ne procure pas d'éléments contrastants aux yeux des abeilles et que, partant, les capteurs de FO ne réagissent plus. Il en résulte un signal d'erreur négatif dans le système, qui amène l'insecte à descendre jusqu'à ce qu'il heurte l'eau. «Une tendance tout aussi catastrophique s'est manifestée avec le MH [micro-hélicoptère] lorsque nous avons introduit une absence de contraste au niveau du sol», remarquent les chercheurs. Le décollage et l'atterrissage peuvent également être réalisés au moyen du régulateur de FO. Au décollage, le basculement du nez de l'hélicoptère vers l'avant provoque une augmentation de la vitesse du sol, ce qui déclenche une ascension, et à l'atterrissage, le basculement du nez de l'hélicoptère vers l'arrière engendre un ralentissement, et en conséquence, une descente. «Notre procédé de contrôle explique comment les insectes parviennent à voler en toute sécurité sans les instruments utilisés à bord des avions pour mesurer l'altitude, la vitesse de défilement du sol et la vitesse de descente», écrivent les chercheurs. «Un régulateur de flux optique est relativement simple au niveau de sa mise en oeuvre nerveuse et il est tout aussi approprié pour les insectes qu'il le serait pour un avion.»
Pays
France