Mise en évidence de l’apport du phytoplancton subglaciaire dans la production de carbone pour une meilleure prévision du changement climatique
La glace de mer réduit fortement l’effet du rayonnement solaire. On pense que le phytoplancton, qui permet la séquestration du CO2 marin dans l’Arctique, ne se développe en eaux libres qu’une fois que la glace de mer se retire au printemps. Cependant, la découverte de grandes efflorescences de phytoplancton se développant sous la glace de mer (UIB pour Under-Ice Bloom) contredit cette croyance. Il a été suggéré que la productivité de l’UIB dans les régions couvertes de glace était dix fois supérieure à celle actuellement modélisée, ce qui laisse apparaitre d’énormes incertitudes dans les prévisions du changement climatique. Entrepris avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie, le projet CAP-ICE, financé par l’UE, a étudié l’occurrence des UIB et les mécanismes physiques qui contrôlent leur déclenchement et leur productivité. L’objectif était de quantifier avec précision la façon dont les UIB affectent le cycle du carbone et le climat de l’Arctique.
Impact du réchauffement climatique
CAP-ICE voulait comprendre pourquoi, quand et où ces UIB émergent. «De tels changements peuvent avoir des effets en cascade sur ceux qui dépendent de ces ressources, comme le zooplancton, les poissons et en particulier les communautés autochtones. CAP-ICE est donc sur le point de révéler les évolutions induites par le changement climatique et la pertinence sociétale pour les communautés vivant dans l’extrême nord», déclare Mathieu Ardyna, chercheur au MSCA. Selon l’hypothèse principale de CAP-ICE, dans le climat actuel de réchauffement, les UIB sont plus fréquents et productifs que les efflorescences en eau libre. Cela est dû aux concentrations élevées de nutriments sous la glace de mer et à une transmission lumineuse accrue à travers une glace de mer plus mince. Pour tester cette théorie, les chercheurs ont caractérisé les conditions environnementales optimales contrôlant l’initiation et l’ampleur des UIB.
Contribution des satellites et des plateformes autonomes
CAP-ICE a combiné l’observation de la Terre, la modélisation et des approches technologiques novatrices avec de multiples expéditions panarctiques pour fournir de nouvelles observations sur le terrain sur les conditions environnementales contrôlant les UIB. L’équipe a conçu un modèle couplé glace de mer / biogéochimie dérivé de données satellitaire et adapté aux eaux sous-glaciaires de l’Arctique, et a intégré la contribution en carbone des UIB au cycle du carbone marin de l’Arctique pour en donner une image plus précise. «Les UIB étant invisibles pour les capteurs satellitaires mesurant la couleur de l’océan, le développement d’un nouveau modèle adapté aux environnements sous-glaces permettra de quantifier la contribution des UIB au cycle du carbone arctique», explique Mathieu Ardyna. Enfin, le récent lancement de plateformes robotiques autonomes connues sous le nom de balises flottantes biogéochimiques-Argo soutiendra la première évaluation de la production primaire des UIB et de l’exportation de carbone dans l’océan Arctique ainsi que la mise en œuvre d’un réseau biogéochimique-Argo arctique. Les balises sont adaptées aux conditions extrêmes de l’Arctique et embarquent des systèmes d’évitement de la glace de mer. Les autres plateformes autonomes comprennent des planeurs, des profileurs captifs dans la glace et des véhicules télécommandés.
Découvertes scientifiques
Le projet a contribué à fournir à la communauté scientifique les connaissances nécessaires de toute urgence concernant la dynamique du phytoplancton dans l’océan Arctique et de nouvelles directions possibles pour la recherche dans l’Arctique. Grâce à ses plateformes de recherche autonomes modernes, CAP-ICE a découvert que les efflorescences de phytoplancton sont induites par des cheminées hydrothermales dans l’océan Austral. CAP-ICE a apporté des contributions substantielles à la compréhension des cycles biogéochimiques sous la glace via des expéditions, des satellites et des plateformes autonomes modernes. «Ces travaux éclaireront la stratégie européenne pour les observations océaniques mondiales, renforceront l’excellence de la recherche européenne et relèveront un défi sociétal majeur», conclut Mathieu Ardyna.
Mots‑clés
CAP-ICE, UIB, glace de mer, cycle du carbone, satellite, autonome, océan Arctique, efflorescences phytoplanctoniques subglaciaires, balise biogéochimique-Argo