Une technique de microscopie améliorée révèle les secrets magnétiques cachés des matériaux intelligents
Les matériaux intelligents ou fonctionnels, dernière révolution en date dans le domaine de la science des matériaux, sont capables d’adapter leurs propriétés physiques ou chimiques en fonction des modifications de leur environnement. Ils constituent le fondement de la société contemporaine dans la mesure où ils équipent tous nos appareils modernes, des smartphones aux ordinateurs en passant par les satellites et les voitures. Jusqu’à présent, les fabricants d’appareils électroniques se sont appuyés sur la célèbre loi de Moore pour produire des générations successives de puces toujours plus petites, plus denses et plus puissantes. Les circuits intégrés en silicium constituent la base de presque tout ce qui compose notre monde numérique. Cependant, les performances des dispositifs à base de silicium vont bientôt se heurter à un mur. «De nouvelles classes de matériaux fonctionnels sont étudiées afin de remplacer le silicium lorsqu’il ne sera plus en mesure de fournir des puces de plus en plus petites», explique Magnus Nord, professeur agrégé au département de physique de l’université norvégienne des sciences et technologies. «Les matériaux magnétiques constituent une classe importante de matériaux qui possèdent plusieurs propriétés intelligentes. Leur réponse magnétique à un champ magnétique externe les rend utilisables dans diverses applications, notamment pour le stockage de données, les communications et les capteurs. Afin de concevoir de tels dispositifs à partir de matériaux magnétiques souvent complexes, il est indispensable de comprendre leur fonctionnement à l’échelle nanométrique. Une fois à cette échelle, le monde fascinant de la mécanique quantique s’impose davantage», explique Magnus Nord.
Lever les obstacles à l’imagerie des propriétés fonctionnelles à l’échelle nanométrique
L’absence de techniques expérimentales appropriées permettant d’étudier les propriétés magnétiques intrigantes à l’échelle nanométrique prive les matériaux magnétiques d’un impact plus important. Dans le cadre du projet MAGIMOX entrepris avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie, Magnus Nord, alors qu’il travaillait à l’université d’Anvers, s’est attaché à étendre les capacités de la microscopie électronique en transmission à balayage(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (STEM) à des segments jusqu’alors inexploités. «La STEM est une technique d’imagerie puissante, qui permet de minutieusement visualiser des colonnes atomiques uniques dans un matériau. Cette technique ne se prête toutefois pas à l’étude des propriétés fonctionnelles des matériaux, mais plutôt de leur structure», précise Magnus Nord. «Bien que les détecteurs STEM pixellisés(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) nous aient permis d’imager directement les champs magnétiques dans les matériaux, il reste encore beaucoup d’améliorations à apporter, notamment en ce qui concerne leur capacité à fonctionner concrètement sur la plupart des instruments STEM et sur une variété de matériaux.» L’équipe du projet a optimisé plusieurs algorithmes de traitement des données en vue d’étudier les transitions de phase magnétiques dans les films minces d’oxydes pérovskites, une classe spéciale de matériaux qui présentent une grande variété de propriétés fonctionnelles. Toutes les mises à jour du code ont été incluses dans pyxem(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), une bibliothèque logicielle Python à code source ouvert. Une grande partie du travail a également été consacrée à l’étalonnage et à l’alignement de la STEM. L’optimisation de l’alignement est une nécessité absolue car la lentille principale est désactivée pendant le fonctionnement, ce qui affecte considérablement l’optique électronique du système de microscopie. Outre l’étude des propriétés magnétiques de l’oxyde pérovskite en couche mince La0.7Sr0.3MnO3 les chercheurs ont fait de grands progrès dans l’étude des transitions de phase structurelles dans une autre classe de matériaux oxydes fonctionnels facilement disponibles qui ont été chauffés. L’amélioration des algorithmes de traitement des données a permis d’étudier les transitions de phase structurelles sur une gamme plus large d’instruments STEM et sur des champs de vision beaucoup plus grands. Les matériaux intelligents commencent à peine à franchir les portes du laboratoire, mais ils offrent de nombreuses applications potentielles en dehors de l’électronique, qui reste leur domaine de prédilection, telles que les actionneurs, les structures d’avions et les systèmes d’administration de médicaments. Mieux comprendre leur fonctionnement à l’échelle nanométrique pourrait susciter des innovations dans un grand nombre de ces applications.
Mots‑clés
MAGIMOX, STEM, oxyde de pérovskite, microscopie électronique en transmission à balayage, matériaux intelligents, algorithmes de traitement des données, transition de phase, propriétés magnétiques