Recycler le CO2 pour réduire les émissions du secteur sidérurgique
L’industrie sidérurgique reste l’un des plus gros émetteurs de dioxyde de carbone (CO2), représentant jusqu’à 9 % des émissions mondiales. Si l’Europe entend respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il est essentiel de faire évoluer ce secteur. «Plus de 70 % de la production de fer et d’acier utilise des hauts fourneaux», explique Manuel Bailera, rattaché à l’université de Saragosse en Espagne et coordinateur du projet DISIPO. «Il s’agit de réduire les minerais de fer avec du coke dans un haut fourneau à des températures supérieures à 1 000 °C. Ce processus produit d’énormes quantités de CO2.» Or, nombre de ces installations sont relativement récentes et pourraient encore être opérationnelles dans 30 ou 40 ans. Si la transition vers des méthodes de production plus écologiques est essentielle, il est également crucial de trouver des moyens de rendre les hauts fourneaux moins polluants.
Boucler la boucle du carbone et réduire la consommation de charbon
Tel était l’objectif principal du projet DISIPO, soutenu par le programme Actions Marie Skłodowska-Curie. «Mon objectif était de voir si nous pouvions décarboner les hauts fourneaux en recyclant leurs émissions de CO2 en e-carburants», explique Manuel Bailera. «Ceux-ci pourraient ensuite être utilisés par l’industrie, ce qui permettrait de boucler la boucle du carbone et de réduire la consommation de charbon.» Les carburants de synthèse sont fabriqués en utilisant du CO2 capté et de l’hydrogène obtenu à partir de sources d’électricité durables telles que l’énergie éolienne, solaire ou nucléaire. Pour évaluer la faisabilité, Manuel Bailera a mis au point de nouveaux modèles de simulation permettant de déterminer comment le recyclage du CO2 pourrait être adapté aux hauts fourneaux. Dans le cadre de ce projet, le chercheur a rejoint l’université Waseda au Japon, où il a travaillé à la validation d’un nouveau modèle d’exploitation. La collaboration avec des aciéries situées au Japon et en Autriche a permis à Manuel Bailera d’adapter les stratégies d’exploitation et les analyses économiques à des scénarios et des données industriels réels. «En Autriche, j’ai évalué la possibilité d’installer des panneaux photovoltaïques sur le toit d’une aciérie, afin de fournir de l’électricité renouvelable», indique-t-il. «De retour en Espagne, j’ai pu comparer ces nouveaux concepts de recyclage du CO2 avec les procédés conventionnels de fabrication du fer, afin de quantifier la réduction potentielle des émissions de CO2.»
Faire progresser les connaissances sur la conversion de l’électricité en gaz
Cette recherche a permis de faire progresser les connaissances sur la conversion de l’ électricité en gaz dans la sidérurgie, c’est-à-dire l’utilisation de l’énergie électrique pour produire un combustible gazeux, ainsi que sur le potentiel de recyclage du CO2. Ces sujets n’avaient pas été étudiés en profondeur jusqu’à présent. Dans le laboratoire Nakagaki de l’université Waseda, les modèles de Manuel Bailera sont actuellement utilisés pour d’autres recherches internes, ainsi que pour des collaborations avec l’industrie. Certains partenaires japonais envisagent de construire une usine pilote de hauts fourneaux pour tester le concept. «Les modèles de simulation élaborés dans le cadre de ce projet ont par ailleurs été utilisés par l’université de Saragosse pour des initiatives en cours portant sur le fer et l’acier», ajoute le chercheur.
Décarbonation progressive grâce au recyclage du carbone
Afin de poursuivre ces recherches, Manuel Bailera souhaite également construire un haut fourneau pilote, capable de recycler le CO2. «C’est important, car tous les différents sous-systèmes utilisés dans le concept de recyclage devront être démontrés dans des conditions industrielles», explique-t-il. «Par exemple, il peut y avoir des polluants dans le CO2 qui est ensuite recyclé en carburants de synthèse. Cette question fait actuellement l’objet de recherches à l’université de Saragosse, dans le prolongement du projet DISIPO.» À terme, Manuel Bailera espère que ces travaux contribueront à décarboner la fabrication du fer, en permettant une période de transition au cours de laquelle les hauts fourneaux seront progressivement rendus plus durables grâce au recyclage du carbone.
Mots‑clés
DISIPO, acier, fer, CO2, émissions, recyclage, décarbonation, fourneau
