Comment la lumière influence les schémas de reproduction et de migration des oiseaux
La chronobiologie étudie la manière dont les cycles environnementaux influencent la biologie et le comportement des organismes, le plus important de ces cycles étant lié à la température, qui évolue dans le monde entier en raison du changement climatique. Toutefois, malgré l’augmentation des températures qui déplace la zone d’habitation optimale de nombreuses espèces plus au nord vers les pôles, de nombreux animaux restent tributaires des cycles lumineux annuels pour planifier leurs activités de reproduction et de migration. «Alors que les températures changent, les environnements lumineux, ou photiques, restent déterminés par la latitude et la date. La dépendance d’un animal à l’égard des signaux lumineux peut donc limiter les options disponibles pour s’adapter au changement climatique», explique Susanne Åkesson, chercheuse principale du projet PhoticEdge financé par le programme Actions Marie Skłodowska-Curie. PhoticEdge a entrepris de mieux comprendre ces indices en étudiant la façon dont les oiseaux réagissent à des niveaux de lumière ajustés dans des environnements expérimentaux. L’analyse est en cours, mais une expérience, qui sera publiée dans la revue Animal Behaviour, montre, pour la première fois à la connaissance de l’équipe, que les cycles lumineux peuvent déterminer les schémas de migration des oiseaux.
Les oiseaux migrateurs vedettes de deux installations expérimentales
Après avoir initialement prévu d’étudier les tyrannidés, l’équipe du projet, confrontée à des problèmes d’approvisionnement, a élargi son groupe à 13 espèces différentes d’oiseaux chanteurs migrateurs. Il s’agit notamment du rouge-queue à front blanc, du pouillot fitis et du rouge-gorge, qui présentent tous des aires de reproduction et d’hivernage différentes. «Cela nous a permis d’élargir nos comparaisons et de renforcer la validité de nos conclusions», note Susanne Åkesson. Le principal dispositif expérimental du projet a utilisé une installation de l’université de Lund constituée de six cabanes à oiseaux non magnétiques, chacune contenant quatre cages circulaires. Celles-ci ont été surveillées en permanence par des caméras en réseau à haute résolution, les données étant ensuite traitées par un logiciel de vision par ordinateur personnalisé. Les expériences ont simulé des changements dans la répartition de la lumière dans l’espace et le temps pendant les saisons de reproduction et de migration. La première configuration manipulait la longueur du jour pour suggérer soit un été polaire retardé, soit un automne local avancé, avec des jours de plus en plus courts. «Dans ce dernier cas, nos oiseaux ont interrompu leur activité migratoire, ce qui laisse penser qu’ils ont interprété les périodes de lumière plus courtes comme un signal indiquant qu’il était temps d’hiverner. Comme cela a été démontré chez des oiseaux qui n’avaient jamais effectué de migration auparavant, cela suggère fortement que l’influence de la lumière est innée», ajoute Susanne Åkesson. Le second dispositif comprenait des cages individuelles équipées de moniteurs d’activité. Sachant que la longueur du jour et son rythme de variation à différentes périodes de l’année diffèrent selon les lieux, l’équipe a simulé des changements de longueur du jour pour refléter des lieux spécifiques. Parallèlement, les oiseaux ont été maintenus dans le même champ géomagnétique qu’au moment de leur capture, afin d’éliminer un autre indice qu’ils utilisent pour déterminer où ils se trouvent. «Une fois de plus, les oiseaux ont réagi en mettant fin à leur activité migratoire, alors que les champs magnétiques leur suggéraient qu’ils n’avaient pas été déplacés. Cela prouve l’influence considérable des cycles lumineux», explique Susanne Åkesson.
Améliorer les prévisions sur la biodiversité et le changement climatique
Les résultats de ces expériences peuvent aider à formuler des prévisions sur l’évolution de la biodiversité en fonction du changement climatique. «Nos résultats préliminaires suggèrent que les cycles de lumière sont une variable importante qui contrôle les activités annuelles et quotidiennes des oiseaux migrateurs. Si les indices lumineux limitent la modification de l’aire de répartition chez les oiseaux, les populations ne pourront pas suivre les températures préférées des latitudes plus élevées dans le cadre du changement climatique», explique Susanne Åkesson. Les conclusions de PhoticEdge sont susceptibles de contribuer aux ambitions du pacte vert pour l’Europe pour une meilleure préservation de l’environnement, tout en apportant des informations pour établir des stratégies de biodiversité en aidant à prédire les déplacements de l’aire de répartition des espèces. L’équipe continue d’étudier les questions soulevées par PhoticEdge, notamment celle de savoir si la pollution lumineuse urbaine modifie le schéma migratoire des oiseaux, ce qui aurait des répercussions sur d’autres animaux.
Mots‑clés
PhoticEdge, migration, reproduction, photique, lumière, hivernage, oiseau, changement climatique, température