Un dispositif prometteur pour le dépistage précoce du cancer du sein
Les tests de biopsie liquide au point d’intervention pourraient améliorer considérablement les méthodes de diagnostic traditionnelles, avec des résultats rapides (en quelques minutes ou quelques heures) au cours d’une seule visite, ce qui augmenterait considérablement les chances de succès des traitements. Mais de faibles concentrations de biomarqueurs sont susceptibles de nuire à la détection du cancer, tandis qu’une spécificité réduite peut empêcher de distinguer le matériel tumoral des anomalies non cancéreuses. En outre, l’absence de protocoles standardisés et de procédures de validation entraîne une variabilité des méthodes et des résultats, dont l’interprétation dépend également d’une expertise pluridisciplinaire. SERENA, financé par l’UE, a mis au point une plateforme de diagnostic prometteuse pour le suivi des biomarqueurs du cancer du sein triple négatif, en détectant des séquences d’ARN petites et longues en quelques minutes, avec une sensibilité et une spécificité élevées. «La rapidité, la portabilité et la convivialité de notre appareil en font une solution idéale pour les applications sur le lieu de soins, permettant aux professionnels de la santé d’établir un diagnostic sur place et de prendre des décisions immédiates. Son module de communication en champ proche permet quant à lui de surveiller les biomarqueurs en temps réel pour des traitements personnalisés», explique Arben Merkoçi, coordinateur du projet.
Surveillance des biomarqueurs du cancer du sein triple négatif
SERENA cible spécifiquement le cancer du sein triple négatif, une forme particulièrement agressive et plus difficile à traiter car elle est dépourvue des trois récepteurs les plus courants que l’on trouve dans les autres types de cancer. Compte tenu du risque accru de décès d’un patient atteint de cancer du sein dans les cinq ans suivant le diagnostic, la détection précoce est cruciale. «En mettant à la disposition des femmes un outil de détection précoce non invasif et rentable, nous visons à améliorer les taux de survie et à combler le fossé entre les sexes dans le domaine de la médecine», explique Marianna Rossetti, boursière Marie Skłodowska-Curie et chercheuse principale du projet. La plateforme SERENA surveille plusieurs biomarqueurs d’ARN non codants du cancer du sein: les microARN (miARN) comprenant environ 20-25 nucléotides et les ARN non-codants plus longs (lncARN), qui comptent généralement plus de 200 nucléotides. Les molécules d’ARN sont désormais considérées comme des régulateurs importants de divers processus biologiques, y compris le cancer, les miARN et les lncARN étant des biomarqueurs prometteurs de cette maladie en raison de leurs modes d’expression dérégulés dans les cellules tumorales. Des études récentes mettent également en évidence leur influence sur le processus de formation des tumeurs. «Ces molécules peuvent être détectées dans le sang, le sérum, le plasma, l’urine et la salive, ce qui est idéal pour le diagnostic et le suivi non invasifs du cancer par biopsie liquide», ajoute Arben Merkoçi.
Combinaison de techniques de pointe en matière d’ADN et de nanotechnologies
SERENA a exploité les propriétés uniques des composites hybrides graphène-nanoparticules pour créer des électrodes sérigraphiées (screen-printed electrodes, SPE) miniaturisées, assemblées sur un dispositif électrochimique destiné à une utilisation sur le lieu de soins. La technologie du laser infrarouge a permis de produire des électrodes en oxyde de graphène réduit pour améliorer la sensibilité et la sélectivité de la biodétection; ces électrodes sont recouvertes de nanoparticules d’or pour améliorer les performances électrochimiques. Ce dispositif a ensuite été fixé sur des supports flexibles. Des sondes ADN, conçues pour correspondre parfaitement à des parties des miARN ou des lncARN cibles, comme une pièce de puzzle, ont été fixées aux composites hybrides graphène-nanoparticules. Lorsque des molécules cibles sont présentes, elles se lient aux sondes complémentaires, formant des hybrides, ce qui modifie le signal électrique, et donc signifie la présence des molécules cibles. Des tests de sensibilité, de sélectivité et de reproductibilité ont permis d’évaluer la réponse électrochimique des électrodes en présence d’acides nucléiques cibles et d’établir des limites de détection, tout en optimisant les paramètres expérimentaux tels que les durées d’hybridation et la température. L’équipe a également évalué la spécificité de la plate-forme en testant sa réponse à des acides nucléiques non ciblés ou à des substances potentiellement interférentes que l’on trouve couramment dans les échantillons biologiques.
Accès universel à des soins de santé de qualité
Le cancer du sein est le cancer le plus diagnostiqué dans l’UE, avec près de 380 000 cas déclarés en 2022, ce qui souligne le besoin urgent d’approches innovantes telles que celle de SERENA. Son dispositif portable soutient par ailleurs les ambitions de l’UE de garantir un accès universel à des soins de santé de qualité et à réduire les inégalités en matière de santé. Pour préparer le dispositif à des applications pratiques, des études de validation à grande échelle devront d’abord être menées dans des environnements cliniques et auprès de diverses populations de patients. Parallèlement, dans le cadre du projet 2D-BioPAD, financé par l’UE, Marianna Rossetti contribue à présent à la mise au point d’une «bio-plateforme en graphène souple pour la détection précoce et le suivi de la maladie d’Alzheimer au point d’intervention».
Mots‑clés
SERENA, cancer du sein, biopsie liquide, test, biomarqueur, diagnostic, ARN, électrodes, nanoparticules, graphène
