L’édition génétique permet de mieux comprendre la fonction des coraux
Les récifs coralliens constituent l’écosystème le plus diversifié de la planète, souvent qualifié de «forêt tropicale de l’océan». Le réchauffement des températures océaniques entraîne un stress thermique qui fait blanchir le corail. Si les conditions ne s’améliorent pas, on estime que 70 à 90 % de cet organisme marin d’une grande valeur écologique disparaîtront de notre vivant. Avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), le projet CORALCARE(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) a utilisé la technologie CRISPR/Cas9(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) pour explorer la manière dont les voies génétiques sont impliquées dans la réponse à l’augmentation des températures.
Ponte des coraux et plan d’expérience
L’application de la science génétique au corail pose plusieurs problèmes. Les chercheurs doivent micro-injecter CRISPR/Cas9 dans des ovules fécondés sous un microscope, un processus physiquement exigeant. Et comme les espèces de coraux ne se reproduisent qu’une fois par an, les scientifiques disposent d’un délai limité pour agir. CORALCARE est le fruit d’une collaboration entre l’unité mixte de recherche française Écologie marine tropicale des océans Pacifique et Indien ENTROPIE(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) et l’Institut australien des sciences de la mer(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (AIMS). Les expériences ont été menées dans les installations de l’AIMS, qui abrite des colonies de coraux adultes maintenues dans des réservoirs et met à disposition un laboratoire équipé d’un appareil de micro-injection et d’un stéréoscope à fluorescence pour la recherche. Lorsque le corail a frayé pendant neuf jours, libérant plusieurs centaines d’œufs par nuit, une partie du frai a été injectée avec des molécules CRISPR/Cas9 pour éditer le gène de la sacsine ciblée. Les œufs restants ont été divisés en deux groupes témoins: un groupe a reçu des réactifs CRISPR mais sans capacité d’édition génétique, et l’autre groupe n’a reçu aucune injection. Les œufs étudiés ont été élevés en tant que larves et, lorsqu’ils ont atteint le stade de la nage, ils ont été soumis à des conditions de stress thermique. Pendant quatre jours, la moitié de chaque cohorte a été exposée à des températures de 34 ℃, tandis que l’autre moitié a été exposée à la température ambiante du récif à 27 ℃. La plupart des espèces de coraux se reproduisant en été, les installations de recherche de l’AIMS étaient très demandées. Cependant, CORALCARE a réalisé une percée avec une espèce frayant à l’automne. Séverine Fourdrilis, titulaire d’une bourse Marie Skłodowska-Curie, déclare: «Pour la première fois, nous avons réussi à faire frayer Acropora subabrolhosensis en captivité en automne et à documenter les périodes de frai. Il s’agit d’une espèce supplémentaire et d’une période de frai supplémentaire pour l’édition génétique, ce qui accélère la recherche».
Gènes ciblés et avenir de l’édition chimique
CORALCARE a utilisé la micro-injection pour cibler le gène de la sacsine, ce qui nous a permis de mieux le comprendre. Des expériences ont montré que le gène joue un rôle protecteur en réponse au stress thermique chez le corail Acropora loripes. «Les larves modifiées par le gène de la sacsine, qui ont perdu la fonction de ce gène, présentent une mortalité plus élevée en cas de stress thermique. Ces résultats confirment le rôle d’au moins un gène de la sacsine dans la thermotolérance de la larve de corail», note Séverine Fourdrilis. Si la micro-injection est une technique d’édition génétique difficile à mettre en œuvre, les progrès de la transfection, ou injection chimique, offrent une approche plus efficace. Séverine Fourdrilis indique: «Le projet a permis d’identifier et de tester des produits chimiques prometteurs pour la transfection CRISPR. Un transporteur a été identifié pour acheminer avec succès les molécules CRISPR jusqu’aux œufs de corail». La transfection permettra de modifier plusieurs gènes à la fois, ce qui élargira rapidement le champ de la recherche scientifique. Ce développement arrive à point nommé, car une compréhension plus approfondie de la génétique des coraux est nécessaire si nous voulons protéger les récifs de la planète pour les générations à venir. L’évolution assistée peut sauver les espèces de coraux, mais les scientifiques doivent d’abord mieux comprendre leurs fonctions génétiques.