Étude des interactions hôte-microbe consécutives à une chirurgie d’amaigrissement
L’obésité est un problème de santé publique majeur, qui augmente considérablement le risque de nombreuses maladies chroniques, dont les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et certaines formes de cancer. Dans l’UE, plus de la moitié des personnes âgées de 16 ans ou plus étaient en surpoids ou obèses en 2022, et ce taux augmente rapidement. La chirurgie (bariatrique) s’est avérée efficace pour améliorer l’obésité morbide et le diabète de type 2, dont la chirurgie de bypass gastrique Roux-en-Y (RYGB), une procédure qui limite l’apport alimentaire et l’absorption de calories à l’aide d’une petite poche reliée à l’intestin grêle. Des recherches antérieures ont toutefois révélé que le RYGB modifiait le microbiome intestinal, notamment en changeant la composition des Firmicutes (Bacillota) en protéobactéries (nouveau nom: Pseudomonadota). Les effets à long terme sont encore inconnus. «Ce changement est généralement considéré comme nocif pour la santé», explique Jia Li(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), professeure agrégée de chimie biologique à l’Imperial College de Londres. «Les effets causaux de ces modifications du microbiome intestinal sur l’appétit et les préférences alimentaires n’ont pas encore été élucidés chez les patients», ajoute-t-elle. Dans le cadre du projet EnteroBariatric(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), financé par le Conseil européen de la recherche(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), Jia Li et ses collègues ont étudié les impacts microbiens, métaboliques et immunologiques induits par la chirurgie bariatrique.
Explorer les impacts de la chirurgie de perte de poids sur le microbiote intestinal
Pour étudier la fonction du microbiote de l’intestin après RYGB en relation avec le risque de cancer du côlon, les chercheurs se sont d’abord appuyés sur des modèles de souris, le microbiote de l’intestin après RYGB ayant été transplanté chez des souris non chirurgicales. Ces microbes spécifiques au RYGB (tels que ceux de la famille des Enterobacteriaceae) n’ont toutefois pas colonisé l’intestin des receveurs. L’équipe s’est donc intéressée à de petites substances biochimiques appelées métabolites produites par le microbiote de l’intestin après RYGB. «Ces métabolites dérivés des interactions entre le régime alimentaire et le microbiote intestinal peuvent avoir une influence considérable sur la physiologie de notre intestin», explique Jia Li.
Faire la lumière sur les facteurs de risque du cancer du côlon
Dans le cadre de ses recherches, l’équipe a découvert que la tyramine fécale (un composé naturel) était élevée chez les patients qui avaient subi une chirurgie RYGB(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre). «Nous avons découvert que la tyramine, dérivée de l’alimentation et/ou du microbiote intestinal, augmentait les facteurs de risque du cancer du côlon, tels que l’accroissement des dommages à l’ADN, la prolifération cellulaire et l’inflammation», souligne Jia Li. Un autre métabolite, N-oxyde de triméthylamine (TMAO), est un co-métabolite hôte-microbien dont le taux est élevé dans le sang après une chirurgie RYGB. En utilisant un modèle de souris génétiquement modifié pour le cancer colorectal (CCR), les chercheurs ont montré que des niveaux circulants élevés de TMAO protégeaient contre le développement du CCR chez les mâles, mais pas chez les femelles. Ces résultats seront bientôt publiés dans une revue scientifique à comité de lecture.
Améliorer les soins aux patients ayant subi une chirurgie bariatrique
«J’espère qu’en comprenant la fonction de ces métabolites, nous pourrons améliorer les soins postopératoires aux patients et réduire le risque de maladie, en particulier celles qui sont associées aux protéobactéries ou à Pseudomonadota», déclare Jia Li. Le CCR reste l’une des principales causes de décès par cancer dans le monde, et une stratégie de prévention efficace est essentielle pour réduire le fardeau qui lui y associé. Ce projet financé par le CER a dégagé plusieurs orientations de recherche futures que Jia Li est impatiente de poursuivre, notamment une stratégie de prévention de précision pour le CCR et des connaissances mécanistes plus approfondies sur la fonction des métabolites alimentaires et microbiens intestinaux dans le risque et le développement du CCR. «Qui plus est, une grande partie des femmes qui ont subi une chirurgie bariatrique sont en âge de procréer», souligne Jia Li. «Nous ne savons toujours pas si ces métabolites et ce microbiome intestinal associés à la chirurgie affectent la santé du bébé.»