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Comment faire prospérer la recherche de pointe, selon un lauréat du Prix Nobel

"On peut organiser un environnement où la recherche de pointe va prospérer, mais on ne peut pas organiser les sciences fondamentales", a déclaré le professeur Kurt Wüthrich, Prix Nobel de chimie 2002, lors de la séance d'information des sciences suisses à Bruxelles le 2 juin. ...

"On peut organiser un environnement où la recherche de pointe va prospérer, mais on ne peut pas organiser les sciences fondamentales", a déclaré le professeur Kurt Wüthrich, Prix Nobel de chimie 2002, lors de la séance d'information des sciences suisses à Bruxelles le 2 juin. Dans une interview accordée à CORDIS Nouvelles, le professeur Wüthrich a décrit ses expériences personnelles dans les secteurs américain et européen de la recherche, observant que pour faire de l'"excellente" recherche dans l'une ou l'autre de ces régions, il faut offrir aux scientifiques suffisamment de soutien, de liberté personnelle, de temps et de financement. Cependant, les scientifiques sont confrontés à certains obstacles organisationnels et financiers, en particulier ceux qui font de la recherche fondamentale et dont les travaux ne sont pas axés sur des objectifs concrets et pratiques. "Comment pourrais-je vous dire ce que je vais trouver avant de l'avoir trouvé? a demandé le professeur Wüthrich, ajoutant qu'en science fondamentale, même lorsqu'on aboutit à un résultat il est difficile de l'évaluer et que l'on a souvent des doutes quant à sa validité [...]. Parfois, il est aussi embarrassant pour les chercheurs de dire ce qu'ils cherchent, sachant qu'ils ne le trouveront peut-être pas." Le professeur Wüthrich a reçu le Prix Nobel pour le développement de la spectroscopie à résonance magnétique nucléaire (RMN), utilisée pour déterminer la structure tri-dimensionnelle de macromolécules biologiques en solution. Depuis lors, son équipe de recherche et lui-même ont décrypté plus de 50 structures RMN de protéines et d'acides nucléiques tels que ceux qui déclenchent des maladies neurodégénératives infectieuses, comme l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) chez l'homme. Aujourd'hui, le professeur Wüthrich n'aurait aucune difficulté à obtenir en Europe, aux Etats-Unis ou au Japon un financement pour ses recherches, mais quand il a commencé à faire des recherches sur la spectroscopie RMN, le financement pour ce type de recherche n'existait pas en dehors de l'Europe. "Si l'on ne pouvait pas prouver que cela "marche", il était impossible d'obtenir un financement aux Etats-Unis, a expliqué le professeur. Mais maintenant que ce type de recherche s'est avéré fructueux, vous pouvez être assuré d'obtenir les fonds dont vous avez besoin". Le professeur Wüthrich partage son temps entre l'institut fédéral suisse de technologie (ETH) de Zürich, et l'institut de géophysique et de physique planétaire "Cecil H. and Ida M Green" de l'institut de recherche Scripps (TSRI) en Californie. Invité à comparer le financement de la recherche aux Etats-Unis et en Europe, le professeur Wüthrich a dit que l'approche américaine est basée sur un système élitiste: "Parmi les chercheurs on sélectionne les meilleurs, et ceux-là se voient accorder des montagnes d'argent". Il a ajouté cependant que la cagnotte européenne et le coffre à financement américain ne sont pas comparables. Par exemple, avec une somme analogue à celle fournie par le Sixième programme-cadre (6ème PCRD), l'institut privé américain HHMI (Howard Hughes Medical Institute) peut financer un nombre moins important d'"excellents" scientifiques pendant une période de cinq ans. A l'échéance de ce délai, si le scientifique ne peut fournir de résultats, il n'est plus financé. Mais comme le nombre de scientifiques financés est assez important, cela écarte le risque d'échec, affirme le professeur Wüthrich. Le professeur Wüthrich a acquis son expérience de chercheur essentiellement aux Etats-Unis et en Suisse, mais il est au courant de la nature des programmes-cadres de l'UE. Ayant participé à certains programmes précédents, le professeur pense que le système de financement n'était pas conçu pour satisfaire aux besoins de la science d'avant-garde. "Les sciences de pointe exigent des dispositions non démocratiques de manière à ce que l'excellence d'un scientifique et de son équipe puisse être maintenue: je n'aurais pas pu réussir sans les 229 assistants de recherche, le personnel technique et les étudiants qui ont travaillé avec moi pendant les trente années d'investigations sur la RMN", a-t-il affirmé. L'on rapporte souvent que l'investissement privé dans la recherche scientifique est plus élevé aux Etats-Unis parce que les entreprises privées y sont davantage enclines à consentir des investissements à haut risque. Le professeur Wüthrich admet que le financement venant des entreprises privées est plus rapidement disponible, mais il en donne une explication autre que la volonté de prendre des risques. "Elles n'investissent pas, elles donnent", a-t-il expliqué, ajoutant que le gouvernement américain a mis en place des dispositifs publics et des mesures d'allègement fiscal qui encouragent l'investissement privé. "C'est ce qui manque en Europe", a souligné le professeur. A la question de savoir si certains éléments de l'organisation américaine pourraient être incorporés à la structure de recherche européenne, le professeur Wüthrich a fait référence à l'organisation de la recherche en Suisse qui inclut, dans une certaine mesure, une composante compétitive analogue à celle que l'on trouve dans le cadre de recherche aux Etats-Unis. Toutefois, "dans chaque pays, la science fait intrinsèquement partie du mode de vie du pays concerné: ce qui fonctionne dans un pays ne peut pas tout simplement être transposé dans un autre." Les responsables politiques de l'UE ont reconnu la nécessité d'éliminer les obstacles et les difficultés auxquels sont confrontés les chercheurs, ainsi que l'a décrit le professeur. Le Directeur Général de la DG Recherche, M. Achilleas Mitsos, qui assistait à la séance d'information, a déclaré que le plan d'action publié récemment avait été lancé en vue de résoudre le problème fondamental du sous-investissement. En améliorant le soutien public à la recherche et à l'innovation, en réorientant les dépenses publiques vers la recherche et l'innovation et en améliorant les conditions-cadres de l'investissement privé dans la recherche, les Etats membres devraient être en mesure d'accroître le niveau de l'investissement dans la recherche de trois pour cent d'ici 2010, affirme M. Mitsos. En ce qui concerne la création d'une zone libre de recherche en Europe, M. Mitsos a souligné l'évolution de la philosophie du 6ème PCRD qui cherche désormais à attirer la pleine participation des meilleurs chercheurs, indépendamment de leur nationalité. Le programme a également été conçu en vue de trouver un juste milieu entre une approche "top-down" et une approche "bottom-up" de la recherche, "mais je ne suis pas convaincu que nous y soyons parvenus pour le moment, a regretté M. Mitsos. Il incombe à chaque partie prenante de voir comment nous pouvons améliorer cette manière de travailler ensemble."

Pays

Suisse, États-Unis

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