Créer plus facilement des robots automatisés
Tout est né d'un ambitieux projet destiné au secteur de la production de films et de vidéos: l'objectif était de remplacer un équipement professionnel de contrôle du mouvement à la fois coûteux, lourd et exigeant en main d'œuvre, par une plate-forme robotique innovante facile à utiliser et basée sur un système d'automatisation dédié. Lorsqu'elle a proposé le concept avec l'espoir d'obtenir un financement dans le cadre de la phase 1 de l'Instrument PME, l'entreprise portugaise Ground Drone a retenu l'attention de l'Union européenne et commencé à travailler sur une étude de faisabilité. «Rapidement, nous avons réalisé que le développement de solutions de production vidéo, un marché dont nous avions déterminé qu'il connaîtrait très prochainement une croissance rapide, n'était pas prêt à intégrer un robot-caméraman de 20 000 euros produit en masse. En allant à la rencontre de clients et partenaires potentiels, nous sommes arrivés à la conclusion que le contrôle robotisé des mouvements de caméra est un marché de niche haut de gamme qu'il est difficile de bousculer», indique Shana Thadani, coordinatrice du projet. Ce revers a toutefois été bénéfique à l'entreprise. L'équipe a décidé de recentrer ses travaux pour se consacrer au perfectionnement de MOV.AI son cadre d'automatisation robotique, afin de le déployer dans des processus industriels. Grâce à MOV.AI les techniciens du secteur industriel peuvent facilement transformer n'importe quelle machine en un robot autonome, et diviser ainsi par deux le temps et les dépenses généralement engagés par les entreprises souhaitant commercialiser des véhicules à guidage automatique (AGV). MOV.AI s'appuie sur un ROS open source renommé, actuellement utilisé par plus de 100 000 développeurs et chercheurs. Il peut utiliser n'importe quel capteur et mettre en œuvre des algorithmes robotiques de tous types: «La plupart des robots mobiles ont été développés avec ROS, mais celui-ci a été pensé comme une plate-forme de développement, non comme un système déployable sur site devant être configuré par des personnes n'ayant pas le profil de développeur. Notre travail a donc consisté à ajouter une couche logicielle rendant les fonctionnalités ROS accessibles aux techniciens chargés de configurer des scénarios d'automatisation et d'effectuer des opérations de maintenance», ajoute Mme Thadani. Contrairement à certains concurrents qui font appel à des sous-traitants et facturent des honoraires simplement pour des conseils ou une aide apportée à leurs clients, Ground Drone collabore avec des développeurs, des intégrateurs et des fabricants de machines qui travaillent directement avec les utilisateurs finaux. L'entreprise prend seulement un pourcentage du prix de vente prévu des robots mobiles, une part qui varie en fonction de l'accord passé avec chaque partenaire. «Nos frais de distribution de licence seront compris entre 2 000 et 5 000 euros par robot, tandis que le coût annuel de la maintenance devrait s'élever à 20 % de ce montant, après la première année», précise Mme Thadani. Différentes applications MOV.AI seront proposées dans une boutique dédiée. Bien entendu, tous les développeurs auront la possibilité de créer de nouvelles applis et de les mettre à disposition, une fraction de leurs bénéfices revenant à Ground Drone. Un bond de 40 ans pour l'industrie Bien qu'encore en développement, MOV.AI devrait rencontrer un grand succès sur un marché où la plupart des systèmes automatisés sont encore programmés à l'aide de contrôleurs logiques programmables. Inventés dans les années 70, ceux-ci permettent de configurer la logique des capteurs et actionneurs mais sont mal adaptés aux environnements évolutifs complexes ou aux contextes collaboratifs impliquant à la fois des robots et du personnel. «Ces bras robotisés dynamiques et AGV d'un nouveau genre peuvent être configurés avec ROS. En ôtant toute difficulté d'utilisation, nous essayons d'avoir un peu la même démarche qu'Android par rapport à Linux, dans le sens où Android a fourni une interface utilisateur apportant sécurité et protection de la propriété intellectuelle aux développeurs», explique Mme Thadani. MOV.AI a déjà été validé par de futurs clients et partenaires qui ont fait part de leur volonté d'en faire l'acquisition dès son achèvement. À présent, Ground Drone se consacre à la phase 2 de l'Instrument PME portant sur la préparation du lancement commercial et l'ajout de nouvelles fonctionnalités sur ROS. Parmi ces fonctionnalités figurent une interface utilisateur HTML5, la gestion du parc de robots, un générateur d'interface opérateur-utilisateur et une boutique d'algorithmes et de modèles de workflows. «Nous sommes convaincus que d'ici 5 ans MOV.AI aura changé la façon dont sont développés les robots mobiles. Cela permettra de mettre sur le marché d'autres AGV, bras robotisés collaboratifs et autres composants et applications d'automatisation, ce qui contribuera à les rendre plus abordables», conclut Mme Thadani.