Les droits de propriété intellectuelle sont cruciaux pour la compétitivité de l'Europe, selon les entreprises européennes
" Assez parlé, agissons " était le message adressé aux hommes politiques lors du Sommet des entreprises européennes organisé à Bruxelles le 11 mars. Si les dirigeants européens veulent une Europe compétitive, il leur faut dès à présent sortir de l'impasse dans laquelle se trouve le brevet européen, ont insisté les représentants des entreprises européennes. " Nous n'avons pas le temps de nous quereller ", a prévenu Paul van Grevenstein, président de l'Association des professionnels européens de la science et du transfert des technologies. " Nous devons nous mettre d'accord afin de pouvoir rivaliser avec les États-Unis, le Japon, l'Asie du sud-est et l'Inde. " Les brevets sont extrêmement importants car ils permettent de promouvoir et de renforcer la concurrence tout en protégeant les innovateurs et en leur garantissant des bénéfices économiques. Il est donc primordial d'établir des brevets européens valables dans l'ensemble de la Communauté. Pour l'instant, le coût des demandes de brevets est trop élevé en Europe comparativement aux États-Unis ou au Japon, ce essentiellement en raison des frais de traduction et de litige. De plus, le système de demande est lourd et manque de transparence. Toutefois, selon Thierry Sueur, vice-président chargé des questions de propriété intellectuelle chez Air Liquide, le brevet européen sous sa forme actuelle, même s'il n'est pas parfait, vaut mieux que la nouvelle proposition. " Nous ne voulons pas de cette proposition car elle tuerait la compétitivité de l'UE ", a avancé M. Sueur. " Nous devons soit conserver le système initial, soit remettre la décision à plus tard, quand nous serons prêts. " Tous les participants sont d'avis que la proposition actuelle, selon laquelle chaque demande devrait être traduite en 20 langues, est inacceptable. Selon Ingo Kober, président de l'Office européen des brevets (OEB), l'anglais est la langue utilisée par la plupart des grands chercheurs et scientifiques, et les statistiques montrent que les traductions ne sont pas consultées. Il en a conclu que la traduction des brevets dans toutes les langues communautaires constituerait une perte de temps et d'argent. L'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe (UNICE) préconise depuis longtemps le recours à une langue unique, l'anglais - une proposition perçue par beaucoup comme la plus cohérente. Si l'on ne peut se mettre d'accord sur cette solution, a ajouté M. Kober, il faut au moins maintenir le statu quo en continuant à travailler avec les langues utilisées pour l'instant, à savoir l'anglais, le français et l'allemand. Les participants ont également souligné la nécessité de mettre en ouvre l'accord sur le règlement des litiges en matière de brevets européens (EPLA). Étant donné l'existence de quelque 600 000 brevets relevant de la convention sur le brevet européen (CBE), il devient de plus en plus urgent de créer un système amélioré de règlement des litiges au niveau européen. L'EPLA servirait de banc d'essai pour le fonctionnement d'un système juridictionnel paneuropéen doté d'un régime linguistique et de chambres mixtes aux compétences diverses. Un tribunal des brevets unique est le moyen d'aller de l'avant. Tant M. Kober que M. Sueur ont souligné le caractère inacceptable de la proposition de participation des offices des brevets nationaux. Ces deux hommes avaient exprimé l'espoir que, lorsque le Parlement européen aurait approuvé une directive sur le respect des droits de propriété intellectuelle, le Conseil en aurait fait autant. Leur espoir a été déçu. Le Conseil Compétitivité, qui s'est lui aussi réuni le 11 mars, n'est toujours pas parvenu à trouver un accord sur le brevet communautaire. " Nous sommes plus loin d'un accord que nous ne l'étions en novembre ", a déclaré un porte-parole du gouvernement irlandais, lequel avait misé sur le succès des négociations pour relancer rapidement la compétitivité européenne. Dans une déclaration, Mary Harney, Tánaiste (vice-Premier ministre) et ministre en charge des entreprises en l'Irlande, a dit regretter qu'aucune des options proposées n'avait " été acceptable pour certains États membres ", tout en insistant sur le fait que " nous devons régler cette question au plus vite, que ce soit sous la forme d'un accord ou autrement ".