Les États-Unis semblent perdre leur prédominance en matière de R-D
Si l'Europe se montre soucieuse quant à ses capacités de rejoindre les États-Unis dans le domaine de la recherche-développement (R-D), ces derniers nourrissent actuellement leurs propres incertitudes concernant leur position sur la scène mondiale de la R-D. "Nous nous trouvons aujourd'hui à un moment capital", a déclaré Tom Daschle, sénateur américain et leader démocrate, lors d'un récent forum scientifique aux États-Unis. "En dépit de nos succès passés, certains signes troublants indiquent que la prédominance de l'Amérique dans le monde scientifique est actuellement ébranlée." M. Daschle a évoqué une étude récente qui soulignait comment le taux de découvertes scientifiques des États-Unis était à la traîne des pays européens. Le nombre des publications scientifiques de chercheurs américains a décliné l'année dernière, après avoir été faible pendant plusieurs années. "Par contraste, chaque pays en Europe a connu une augmentation de son taux de découvertes. Au cours des deux dernières décennies du 20e siècle, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont doublé leur production de doctorats en science et en ingénierie. Une seule de ces décennies a suffi au Japon pour doubler sa production de doctorats en science et en ingénierie. Si cette stagnation n'est pas stoppée, elle aura des implications profondes dans chaque aspect de la société américaine. Si nous voulons rester le pays du futur, il nous faut réaffirmer le partenariat à l'origine de la prédominance de l'Amérique au sein du monde de la science", a déclaré M. Daschle. Le nombre de prix Nobel décernés à des chercheurs américains a également diminué. Si, dans les années 1960, ces prix tant convoités étaient presque systématiquement attribués à des Américains, le travail de chercheurs anglais, japonais, suédois et suisses bénéficie actuellement d'une reconnaissance croissante de la part du comité Nobel. Nombreux sont ceux qui pensent que la fin de la domination des États-Unis résulte de l'élévation des niveaux de vie dans d'autres régions du globe, en particulier en Asie. "Tout cela est lié aux mouvements de la mondialisation," a déclaré Jack Fritz, membre de l'US National Academy of Engineering, au magazine allemand Der Spiegel. Tandis que d'autres pays s'efforcent d'accroître la mobilité internationale et profitent un maximum de ce que la mondialisation peut leur offrir à cet égard, la science américaine est paralysée par des réglementations strictes en termes de visa, qui empêchent les chercheurs étrangers de travailler aux États-Unis. Selon l'Association Américaine pour l'Avancement de la science (AAAS), les candidatures d'étudiants étrangers aux universités américaines ont chuté d'un quart depuis 2001. Un changement d'humeur depuis les attaques terroristes survenues à New York en 2001 a également contribué à orienter la politique de recherche américaine dans une autre voie. D'après Kei Koizumi, directeur du programme budgétaire et politique en matière de R-D au sein de l'AAAS, les propositions du président George Bush concernant le prochain budget de quatre ans prévoient l'augmentation des budgets de recherche-développement uniquement pour trois agences au cours des cinq prochaines années: le département de la défense, la NASA et le département de la sécurité intérieure. "Les coupures budgétaires prévues pour la plupart des programmes de R-D ne relevant pas de la défense laisseraient des programmes dotés de budgets nettement inférieurs aux récents niveaux historiques", a déclaré le Dr Koizumi. Les technocrates européens ont beau se sentir rassurés dans une certaine mesure par la phase de remise en question que traversent les États-Unis, ils ne peuvent pas se laisser aller à la complaisance. Le Japon, un autre des concurrents mondiaux de l'UE, se révèle depuis quelques temps être un acteur important en termes de R-D, et consacre déjà plus de trois pour cent de son PIB à la recherche. Et déjà ses voisins asiatiques se hâtent de le rejoindre.
Pays
États-Unis