La France décide de créer une agence de l'innovation industrielle
La France a décidé de créer une agence de l' "innovation industrielle" afin de soutenir des projets dans les secteurs d'avenir, a annoncé le président français Jacques Chirac. S'exprimant le 4 janvier dernier devant un public d'hommes d'affaires et de représentants d'associations et de syndicats, M. Chirac a expliqué que le gouvernement engagerait deux milliards d'euros par an en faveur d'un fonds destiné à soutenir la recherche et l'investissement. Cet argent devrait venir des recettes publiques des ventes planifiées de sociétés comme Électricité de France et Areva. "Il faut être à l'offensive pour aller à la conquête des marchés de demain", a expliqué M. Chirac. "Cela suppose de se redonner les moyens d'une grande ambition industrielle. C'est, à mes yeux, une priorité nationale. Notre responsabilité, aujourd'hui, c'est de lancer les programmes Airbus ou Ariane de demain", a-t-il ajouté. "Chaque fois que des entreprises, en coopération avec les PME, investiront dans des programmes industriels innovants, l'État prendra à sa charge la même somme", a promis M. Chirac. Le président a expliqué que les domaines de recherche qu'il souhaiterait soutenir comprennent l'énergie solaire, les réseaux à très haut débit sécurisés, la voiture propre et les nouveaux traitements contre les maladies infectieuses ou neurodégénératives. "L'État contribuera à accélérer l'engagement de nos grandes entreprises dans les secteurs d'avenir, mais ce sont elles qui conduiront leur propre stratégie de développement sur ces nouveaux marchés", a ajouté le président. Selon M. Chirac, cette initiative ne vaut pas seulement pour la France. Relevant de la stratégie de Lisbonne, elle pourrait être largement acceptée par les autres pays européens. La décision du gouvernement français fait suite à un rapport sur la manière dont la France et le reste de l'Europe peuvent stimuler la croissance économique grâce à l'innovation technologique. Le rapport, commandé suite aux craintes que l'Europe soit distancée en matière de nouvelles technologies et ne fasse pas assez pour la création d'emplois dans les industries du futur, a été rédigé par un groupe de travail dirigé par Jean-Louis Beffa, PDG du groupe verrier français Saint-Gobain. Dans son rapport, le groupe Beffa a averti que la France souffrait d'un manque de coordination entre la recherche publique et la recherche privée; d'un niveau d'innovation insuffisant; d'un investissement trop limité et d'une spécialisation industrielle insuffisante pour l'avenir. Il a par conséquent recommandé la création d'une agence pour le développement industriel, qui serait chargée d'identifier de larges programmes de développement industriel. Le groupe de travail a également identifié six domaines prioritaires: l'énergie, les transports, l'environnement, la santé, la sécurité et la société de la connaissance et de la communication. Sous chacun de ces thèmes, le groupe a ensuite identifié 50 projets susceptibles de devenir des programmes. Jean-Louis Beffa et son équipe ont par exemple suggéré le développement de transports maritimes rapides ou d'une nouvelle génération de trains à grande vitesse. Chaque programme devrait répondre à des critères précis, tels que: assurer un saut technologique; avoir un marché potentiel; pouvoir compter sur une capacité industrielle préexistante et la perspective d'utiliser des capacités de recherche publiques et privées. Dans un entretien accordé au Financial Times, M. Beffa a expliqué que l'investissement dans la recherche publique doit se concentrer sur des projets capables de modifier la spécialisation industrielle et sectorielle du pays. "Les financements gouvernementaux devraient se concentrer dans des domaines technologiques où à la présence de bonnes idées s'ajoute aussi celle d'entreprises européennes de qualité, capables de concrétiser [des projets] au niveau commercial", a-t-il confié au Financial Times. D'après M. Beffa, le financement des programmes technologiques européens comme Eureka a été trop largement éparpillé et n'est pas parvenu à "accroître l'efficacité d'éléments présentant déjà cette qualité". M. Beffa estime que les gouvernements européens devraient surtout se concentrer sur la stimulation des prouesses technologiques de leurs pays en finançant les grands "champions nationaux" plutôt que les petites entreprises, aux possibilités d'expansion limitées. M. Beffa a également suggéré que l'Europe suive l'exemple du Japon plutôt que de continuer à suivre la tendance vers les principes de libre marché. "L'industrie japonaise est généralement fort axée sur la technologie et remporte un franc succès. Au Japon, l'action gouvernementale est pour beaucoup dans la mise en place de la situation actuelle", a expliqué M. Beffa au Financial Times.
Pays
France