Les récompenses et la dopamine affectent l'apprentissage sensoriel
Des chercheurs en Allemagne, en Suisse et au Royaume-Uni ont confirmé la relation entre les niveaux de dopamine et l'apprentissage sensoriel «fondé sur la récompense» chez les humains adultes. Les résultats, publiés dans la revue PLoS (Public Library of Science) Biology, évoquent la possibilité d'utiliser des médicaments dopaminergiques en association avec une formation fondée sur la récompense pour traiter des patients souffrant de défaillance du processus sensoriel, par exemple des personnes ayant subi une attaque. D'après les résultats d'études antérieures, la perspective d'une récompense encourage l'apprentissage et la prise de décision, et les chercheurs se sont récemment demandés si «les récompenses affectaient seulement ces processus cognitifs plus élevés ou également le processus décisionnel sensoriel basique chez les humains». Dans cette étude, une équipe de chercheurs conduite par le Dr Burkhard Pleger de l'institut Max Planck des sciences humaines cognitives et cérébrales en Allemagne et l'University College de Londres au Royaume-Uni a tenté de déterminer si les effets de la récompense sur le processus sensoriel pouvaient être influencés par la dopamine. Lorsqu'une décision conduit au résultat souhaité, un stimulus de récompense est transmis à la zone du cerveau chargée de la prise de décision; cela permet au cerveau d'optimiser sa performance dans la tâche concernée. «Toutefois, nous ne savions pas jusqu'à présent si ce mécanisme s'appliquait également aux fonctions du cortex somatosensoriel, qui traite la sensation de toucher de la peau, par exemple», explique le Dr Pleger. Trente sujets ont été soumis à une série d'essais durant lesquels de faibles courants électriques de fréquence variable étaient appliqués à l'index de la main. Les sujets devaient décider quelle décharge de courant (la première ou la seconde) était plus forte. Si leur réponse était correcte, une récompense financière (qui varie en fonction des séries d'essais) s'affichait sur un écran. Parallèlement, les sujets ont été examinés à l'aide de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) afin de voir quelles zones du cerveau étaient activées. Après une première série d'essais (sans récompenses), les sujets ont été divisés en 3 groupes de 10 personnes et on leur a administré de la levodopa (un médicament qui augmente les niveaux de dopamine), de l'halopéridol (un suppresseur de dopamine) ou un placebo avant de procéder au protocole total. Les résultats ont été clairs: les sujets ayant reçu de la dopamine ont réalisé des progrès importants au cours des essais, alors que ceux ayant reçu un placebo ont présenté une amélioration modérée. Aucune amélioration dans la prise de décision n'a été constatée chez les sujets ayant reçu de l'halopéridol. L'ampleur de la récompense avait également un impact sur la précision de la prise de décision des sujets. «En plus des processus cognitifs supérieurs que nous connaissons déjà, nous avons constaté que l'effet de la récompense influence également les processus somatosensoriels», affirme le Dr Pleger. «L'importance de l'effet augmente en fonction de l'ampleur de la récompense.» Plus important encore, l'équipe a constaté qu'après avoir reçu une récompense plus élevée dans le cadre d'un essai, les sujets renforçaient leurs activations et décisions sensorielles dans l'essai suivant. Autrement dit, le système de récompense fournit une sorte de signal d'apprentissage qui est envoyée à la partie du cerveau activée pour une tâche spécifique. Les analyses des données IRMf ont montré que des signaux importants dans les deux régions jouant un rôle sur le système de récompense étaient activés au moment où le sujet recevait la récompense en fonction du taux de dopamine administré. Par ailleurs, les chercheurs ont observé les activations dépendant de la dopamine dans le cortex somatosensoriel primaire (PSC, de l'anglais primary somatosensory cortex). Ces observations confirment l'hypothèse selon laquelle les effets comportementaux et neuronaux de la récompense sur le processus décisionnel sensoriel dépendent fortement de la disponibilité de la dopamine. «De la même façon, l'interaction entre les régions du système de récompense et le cortex somatosensoriel sont arbitrés par le neurotransmetteur [la dopamine]», déclare le Dr Pleger. Cette découverte offre des possibilités intéressantes pour des applications médicales. La dopamine est impliquée dans de nombreuses fonctions cognitives telles que la formation de la mémoire, l'apprentissage par renforcement et le traitement des informations. Ces résultats confirment son potentiel en tant qu'agent stimulateur. Toutefois, comme le fait remarquer le Dr Pleger, elle est également impliquée à certains niveaux dans les troubles psychotiques. «On a déjà constaté qu'un taux élevé de dopamine dans le cerveau peut être responsable de maladies mentales telles que la schizophrénie», avertit-il. «Une dose trop élevée peut se révéler dangereuse.» Les chercheurs espèrent que leurs résultats mèneront au développement de nouvelles approches pour le traitement de lésions cérébrales. L'étude conclut: «Ces résultats évoquent une nouvelle possibilité fascinante: les manipulations du système de récompense, en conjonction avec l'administration de médicaments dopaminergiques, pourraient être utilisées pour stimuler les processus sensoriels défaillants ou déficients, de même que les récompenses pourraient être utilisées pour modeler ou corriger un comportement.»
Pays
Suisse, Allemagne, Royaume-Uni