Identifier le rôle des bactéries dans le métabolisme des parasites des végétaux
Les insectes qui se nourrissent de végétaux représentent une menace importante pour l’agriculture. Leur comportement alimentaire provoque la défoliation, réduit la croissance des végétaux et peut parfois tuer les cultures. «Ces insectes causent également des dommages indirects en transmettant des agents pathogènes mortels pour les plantes», explique Emmanuelle Jousselin, boursière Marie Skłodowska-Curie et chercheuse à l’INRAE, l’hôte français du projet. «C’est particulièrement vrai pour les insectes qui se nourrissent des réseaux végétaux qui transportent l’eau et les nutriments, connus sous le nom de tissus vasculaires. Les pucerons sont probablement l’exemple le plus notoire de ce genre d’insectes.»
Le comportement alimentaire des insectes
Il est essentiel de comprendre le comportement alimentaire des insectes pour élaborer des stratégies de protection des cultures. Un aspect important à prendre en compte est la relation entre les insectes et les bactéries symbiotiques qui vivent dans leurs cellules. «Les niveaux de nutriments au sein des plantes sont faibles», ajoute Emmanuelle Jousselin. «Pour contourner cette carence, de nombreux insectes ont développé des relations avec des bactéries symbiotiques, qui sont capables de synthétiser les nutriments essentiels qui manquent dans leur alimentation.» Le projet MicroPhan a été lancé afin de déterminer comment les bactéries deviennent des partenaires coopératifs, et si les insectes modifient ces aides nutritionnelles lorsqu’ils se tournent vers de nouvelles plantes. Emmanuelle Jousselin s’est également intéressée à la détermination du rôle des bactéries symbiotiques dans l’évolution à long terme des insectes. Cette recherche a été entreprise avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie. Mme Jousselin s’est concentrée sur les pucerons se nourrissant de conifères. Des centaines d’espèces de pucerons ont été analysées, afin de déterminer quelles bactéries étaient associées à chaque espèce. Le projet a découvert que les pucerons étudiés hébergent généralement deux types de bactéries qui participent à leur nutrition. Une bactérie primaire, Buchnera aphidicola, coexiste avec une nouvelle bactérie qui assure les fonctions métaboliques. «Cette nouvelle venue reste généralement en place pendant un certain temps – jusqu’à 30 millions d’années dans certains cas – et coévolue avec ses hôtes pucerons, et les bactéries primaires», note Emmanuelle Jousselin. «Nous avons cependant trouvé plusieurs cas où cette nouvelle arrivante est remplacée par une autre bactérie.» Le projet a également permis d’identifier un type de bactérie hébergé par les pucerons qui se nourrissent de mélèzes et de sapins de Douglas et qui a une fonction métabolique spécifique. Seuls les pucerons hébergeant cette bactérie peuvent se nourrir sur ces arbres. «Cela suggère que l’acquisition de cette bactérie pourrait avoir joué un rôle dans la colonisation de ces conifères», explique Emmanuelle Jousselin.
Lutter contre les parasites des cultures
Les résultats du projet apportent de nouvelles connaissances sur la biologie des insectes suceurs de sève. «Nous avons été en mesure de confirmer que leur relation avec les bactéries peut changer au fil du temps», explique Emmanuelle Jousselin. «Cependant, puisque toutes les bactéries apportent généralement la même fonction, leur remplacement ne devrait avoir qu’un impact limité sur le comportement alimentaire des pucerons.» Le remplacement des bactéries symbiotiques au fil du temps pourrait donc être déterminé par des facteurs tels que les interactions concurrentielles entre les bactéries. «Bien qu’il s’agisse essentiellement de recherche fondamentale, celle-ci élargit nos connaissances sur l’écologie d’importantes espèces nuisibles», note Emmanuelle Jousselin. «D’un point de vue pratique, la compréhension du rôle des bactéries symbiotiques chez les insectes pourrait s’avérer cruciale pour prédire leur résilience aux changements environnementaux et leur potentiel d’invasion. En fin de compte, cela pourrait orienter les stratégies de lutte contre les parasites agricoles.» Les prochaines étapes, ajoute Emmanuelle Jousselin, consisteront notamment à comprendre comment les pucerons compartimentent et contrôlent les différentes bactéries symbiotiques. «Ces bactéries vivent généralement, mais pas toujours, dans des cellules spécifiques», affirme-t-elle. «Il semble important de savoir si et comment ces cellules sont régulées par les pucerons.» Cela pourrait apporter des indications sur l’ampleur avec laquelle les pucerons contrôlent leur relation symbiotique afin d’en optimiser les bénéfices. «J’espère en tout cas que ce projet encouragera les chercheurs à effectuer davantage d’analyses pour mettre à jour l’évolution des associations symbiotiques complexes», conclut Emmanuelle Jousselin.
Mots‑clés
MicroPhan, bactéries, vasculaire, agents pathogènes, agricole, symbiotique, insectes, pucerons