Comment les vésicules aident les cyanobactéries marines à s’adapter aux facteurs de stress environnementaux
Certaines bactéries, comme les Prochlorococcus et les Synechococcus, plus connues sous le terme de cyanophycées, peuvent produire et libérer des sacs membranaires à parois minces, que l’on appelle des vésicules. Étant donné qu’elles sont deux des plus importants contributeurs à la fixation du CO2 sur Terre, la libération de vésicules pourrait jouer un rôle important dans les cycles du carbone. Pourtant, les études se sont essentiellement limitées à des observations dans des cultures. Le projet VESYNECH, soutenu par les Actions Marie Skłodowska-Curie, a acquis des aperçus de l’écologie et de la fonction des vésicules de Synechococcus, l’une des formes de cyanobactéries les plus abondantes dans les océans. «Nous avons obtenu des résultats incroyables, en particulier sur l’effet de la lumière et de la limitation d’azote et de phosphore, tant sur la libération que sur le contenu des vésicules», explique José Manuel García Fernández de l’Université de Cordoue, l’hôte du projet.
Caractériser les vésicules
On pense que, dans d’autres bactéries, les vésicules remplissent différentes fonctions, notamment en favorisant la croissance des bactéries «auxiliaires», en réduisant les attaques virales sur les cellules, ou même en servant de véhicules pour transférer les gènes. Pour comprendre pourquoi et comment ces vésicules sont produites, le premier objectif consistait à les caractériser dans des cultures de Synechococcus après les avoir exposées à différents facteurs de stress. Les cultures de Synechococcus ont été développées durant plusieurs jours dans des conditions de stress de choc lumineux et de privation d’azote et de phosphore. Des échantillons ont été collectés pour procéder à des analyses par cytométrie en flux afin de mesurer l’abondance de cellules, pour suivre les nanoparticules afin de mesurer la concentration de vésicules, et pour évaluer l’absorption afin de mesurer la courbe de croissance. Les vésicules ont également été isolées, concentrées et étudiées avec la microscopie électronique en transmission avant la mort de la culture, afin de vérifier que ce qui était mesuré était en réalité des vésicules et non d’autres nanoparticules comme des virus. La concentration et la composition des protéines ont également été étudiées. L’équipe a démontré que le choc lumineux stimule fortement la vésiculation. En outre, il fait plus que doubler la concentration en protéines à l’intérieur des vésicules, alors que certaines sont impliquées dans la réponse au stress et la photosynthèse. «Ces résultats montrent que les vésicules membranaires pourraient aider les bactéries à survivre à des conditions de stress», explique José Manuel García Fernández. L’équipe a également démontré que la vésiculation augmente durant la privation de phosphore. Toutefois, la privation d’azote limite les vésicules et diminue leur concentration en protéines. «C’est logique étant donné que l’azote est considéré comme le nutriment primaire essentiel à la croissance des cyanobactéries, et étant donné que les Synechococcus sont abondantes en pleine mer pauvre en nutriments, l’élimination des vésicules riches en azote serait inefficace», ajoute María del Carmen Muñoz Marín, chargée de recherche.
Une communauté vitale de phytoplanctons
VESYNECH permet de mieux comprendre le métabolisme de la communauté des phytoplanctons ainsi que la manière dont les phytoplanctons marins seront affectés par différents facteurs de stress liés aux nutriments et à la lumière causés par le changement climatique. Les résultats de VESYNECH pourraient également soutenir la modification radicale des modèles actuels de production, de consommation, de recyclage et d’élimination des déchets. «Les cyanobactéries pourraient représenter une source alternative de nourriture et même une source alternative d’énergie alors que les Synechococcus sont l’un des organismes les mieux caractérisés pour la production de biocarburants. Les Synechococcus peuvent également biosynthétiser les polymères polyhydroxyalcanoates, offrant une source alternative pour le plastique, un problème clé dans nos océans», souligne José Manuel García Fernández. Travaillant désormais en tant que chercheuse principale à l’Université de Cordoue, María del Carmen Muñoz Marín se concentre sur le possible mouvement du matériel génétique entre les organismes dans le cadre de son nouveau projet. Pour le tester, en collaboration avec les chercheurs Ignacio Luque et Rocío López Igual de l’Institut de biochimie végétale et de photosynthèse à Séville, en Espagne, elle travaille sur trois constructions avec la protéine fluorescente verte (GFP) combinée à un peptide signal pour envoyer la protéine vers le périplasme – un espace dans la membrane de la cyanobactérie. «Nous verrons si les vésicules sont impliquées dans le transfert horizontal de gènes, autrement dit entre différents organismes, mais nous comprendrons aussi et surtout comment la vésiculation fonctionne au niveau génétique», conclut María del Carmen Muñoz Marín.
Mots‑clés
VESYNECH, azote, cyanobactérie, cellule, cycles du carbone, membrane, changement climatique, transfert de gènes, protéine, Synechococcus, cyanophycées, vésicules, phosphore