Mieux comprendre la guerre que se mènent les plantes et les agents pathogènes
Lorsqu’un agent pathogène envahit une plante, cette dernière active ses défenses et une bataille s’engage au niveau cellulaire. La communication entre les cellules permet le partage des ressources et des informations au sein d’un organisme en cas de besoin. Chez les plantes, cette communication est assurée par symplaste, un système unique de fines lignes de connexion appelées plasmodesmes (PD) qui courent entre les cellules. Les PD sont considérés comme un champ de bataille essentiel entre la plante et l’agent pathogène. Dans la cadre de leurs réponses immunitaires, les plantes régulent les PD pour fermer les liens entre les cellules. Les agents pathogènes tentent de supprimer cette régulation afin de maintenir les voies ouvertes. Mais les raisons exactes de ces actions demeurent méconnues. Dans le cadre du projet INTERCELLAR, financé par le Conseil européen de la recherche(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), des chercheurs ont fait appel à diverses techniques expérimentales et informatiques pour étudier la contribution exacte du symplaste aux stratégies d’infection et de défense. «Les réponses plasmodésiques aux agents pathogènes et les agents pathogènes qui ciblent et suppriment ces réponses plasmodésiques sont communs à diverses espèces et microbes pathogènes», explique Christine Faulkner(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), responsable du projet au John Innes Centre. «Je m’attends à ce que nos résultats soient globalement pertinents et transposables à d’autres espèces.»
Déterminer le rôle des plasmodesmes
L’équipe a émis l’hypothèse que les plantes ferment les PD pour accumuler des hormones de défense dans les cellules afin de répondre à une menace pathogène. L’agent pathogène est supposé combattre cette réponse afin que ses protéines effectrices(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) – les outils qu’ils utilisent pour infecter – puissent pénétrer dans de nouvelles cellules et commencer à les manipuler, tout en maintenant ouverte une ligne d’approvisionnement en sucres afin de stimuler l’infection. Pour vérifier ces hypothèses, l’équipe d’INTERCELLAR a recherché des changements génétiques dans le système immunitaire et la production de molécules chez les plantes mutantes qui ne peuvent pas fermer leurs PD. L’équipe a également étudié un pathogène fongique à la recherche de protéines effectrices capables de se déplacer entre les cellules. Les chercheurs ont par ailleurs adopté des approches plus ciblées. Ils ont examiné la manière dont les réponses immunitaires des plantes hôtes changeaient lorsque les PD étaient perturbés, et ont fait appel à des modèles afin de déterminer si les réponses étaient cohérentes avec la diffusion de signaux chimiques à travers les PD.
Des résultats inattendus et de taille
Le projet a permis de découvrir de nombreuses protéines effectrices d’un pathogène fongique qui peuvent se déplacer à travers les PD vers des cellules non infectées, dont une protéine qui cible les PD eux-mêmes et les ouvre. Cela illustre la manière dont la manipulation peut aider l’agent pathogène. Curieusement, les PD fermés renforcent la résistance à certains pathogènes, mais augmentent la sensibilité à d’autres. Un résultat extrêmement important et totalement inattendu. Les chercheurs ont créé des plantes au sein desquelles ils pouvaient modifier l’ouverture ou la fermeture des PD. Ils y ont examiné les réponses calciques, un élément clé de la signalisation immunitaire. Ils ont découvert que les vagues de calcium déclenchées par le stress ne dépendent pas des PD, comme ils le pensaient, mais de la diffusion d’acides aminés à travers la paroi cellulaire. Cela suggère que la plupart des modèles actuels de transmission des vagues calciques dans les plantes sont probablement incorrects et qu’ils soutiennent plutôt l’hypothèse proposée en 1926 par Ubaldo Ricca(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) concernant la transmission des signaux de stress d’une cellule à l’autre. «Les résultats inattendus concernant la vague calcique remettent en question les modèles et les dogmes existants et posent de nombreuses nouvelles questions sur la transmission des signaux dans les plantes», ajoute Christine Faulkner.
Repenser la communication entre les cellules végétales
Le laboratoire de Christine Faulkner poursuivra cette recherche, mais en mettant cette fois l’accent sur d’autres aspects à la lumière de résultats du projet. «Certains d’entre eux nous orientent déjà leurs recherches dans des directions qui ne sont pas uniquement axées sur les plasmodesmes», ajoute Christine Faulkner. «Cela m’emmène en terrain inconnu, ce qui est passionnant!»
Mots‑clés
INTERCELLAR, plante, pathogène, calcium, plasmodesme, résistance, hôte, champignon, symplaste