Le capteur automatisé capable de détecter la pourriture dans les aliments stockés
Malgré les progrès réalisés en matière de stockage, de traitement, d’emballage et de distribution des aliments, 14 % des aliments récoltés ne parviennent jamais aux consommateurs, et l’on estime qu’un tiers de tous les aliments produits pour les humains sont perdus ou gaspillés. Outre les implications éthiques, ces pertes représentent un coût important pour l’industrie alimentaire: 6,1 milliards d’euros par an pour les seules pommes, poires et myrtilles stockées. Elles s’accompagnent également d’un gaspillage des ressources en eau et en terre, d’un accroissement de la pollution, alors que les émissions de gaz à effet de serre contribuent au changement climatique. Axé sur l’étape du stockage, le projet MAX-FRESH, financé par l’UE, a mis au point le premier capteur automatisé, l’Interactive Storage Sensor (ISS) Monitor, capable de détecter et d’avertir de la présence de gaz volatils révélateurs de la maturation, de la fermentation, des dommages ou de la pourriture des produits. «Il pourrait permettre de réduire les pertes de produits frais jusqu’à 50 %, de prolonger la durée de stockage des produits d’environ 20 % et de réduire les traitements chimiques post-récolte d’environ 50 %», explique Eugène Rokx, coordinateur du projet.
Quand le laser et le capteur rencontrent les substances volatiles
MAX-FRESH est né d’un projet antérieur, QCAP (Quality Control Agricultural Products) (site web en néerlandais), qui avait adapté la spectroscopie laser utilisée pour détecter de minuscules traces de gaz en tant qu’indicateurs de maladies pulmonaires, telles que la BPCO ou l’asthme. MAX-FRESH a développé la technologie qui a dépassé le stade du prototype de laboratoire de QCAP validé dans des salles de stockage de fruits à petite échelle, pour aboutir à un prototype industriel plus robuste, plus compact et plus précis. Le produit commercial qui en résulte se compose de trois sous-systèmes: Storex Radar, le capteur ISS et le nuage Autostore Data Manager (ADM). Le Storex Radar comprend le logiciel et le matériel (y compris les pompes et les vannes) nécessaires pour évaluer les salles de stockage à des moments précis. Les tableaux de distribution relient le Radar au capteur ISS de sorte qu’après avoir reçu le signal du capteur indiquant qu’il est prêt, le Radar envoie la commande de démarrage. Le gaz est collecté dans une cellule multipassages dans laquelle le faisceau laser supercontinuum MID IR est dirigé. L’énergie du faisceau est adsorbée par les molécules des substances volatiles. Étant donné que chaque substance volatile présente un spectre d’adsorption unique, la quantité d’énergie adsorbée indique les concentrations de substances volatiles spécifiques. Le capteur ISS, monté sur un support en aluminium et calibré pour chaque substance volatile à mesurer, peut détecter huit substances volatiles différentes associées à la qualité ou à l’arôme des aliments: éthylène, éthanol, méthanol, acétaldéhyde, éthylacétate, méthylacétate, butan-1-ol et méthane. Les données sont téléchargées en toute sécurité vers l’ADM Cloud, qui les enregistre, les traite et les affiche en temps réel ou sous forme de tendances, en envoyant également des alertes à l’interface utilisateur du système ou à des applications pour appareils mobiles.
Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire plus durable
Le système complet a été testé avec succès dans l’une des plus grandes installations commerciales de stockage de poires en Belgique, en mesurant quotidiennement les substances volatiles dans plusieurs salles de stockage. «Bien que le système soit techniquement prêt à être déployé, nous devons procéder à des essais plus longs. De plus, le laser et la fibre représentent actuellement 70 % du prix, nous avons donc besoin qu’il diminue, ce qui devrait intervenir dans les années à venir», note Eugène Rokx. Entre-temps, le consortium du projet a reçu un financement Eurostars, par le biais du projet GREENFRUIT, afin d’améliorer la détection et la mesure d’un plus grand nombre de substances volatiles, avec une dégradation moindre du capteur. Le système de MAX-FRESH pourrait donner un coup de fouet aux ambitions de l’UE en matière de production alimentaire plus durable. À plus long terme, davantage de données sur les processus biologiques subis par les fruits et légumes pendant leur stockage pourraient aider à développer des modèles prédictifs d’IA pour des interventions plus sophistiquées.
Mots‑clés
MAX-FRESH, laser, capteur, aliments, stockage, gaz, substances volatiles, spectroscopie, molécules, durable