Zoom sur la réponse des cellules aux forces mécaniques
Dotées de protéines spécialisées situées dans leur membrane plasmique, les cellules peuvent répondre à un large éventail de stimuli biochimiques et mécaniques provenant de leur environnement. «Lorsque ces récepteurs spécialisés détectent la présence de forces mécaniques à la surface de la cellule, ils changent leur conformation et communiquent avec d’autres adaptateurs moléculaires pour relayer cette information à l’intérieur de la cellule», explique Maria Garcia-Parajo(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), professeure de recherche à l’Institut des sciences photoniques(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (ICFO). Ce processus, lorsqu’il fonctionne, contribue au développement cellulaire, à la cicatrisation des plaies et au maintien des tissus. Mais pourquoi ne fonctionne-t-il pas toujours? Pour répondre à cette question, le projet NANO-MEMEC, financé par l’UE, s’est intéressé à la membrane plasmique de la cellule.
Des outils et méthodes inédits
Si les scientifiques savent que l’organisation dynamique des récepteurs membranaires au niveau de la membrane plasmique joue un rôle crucial dans leur fonction et la réponse de la cellule, ils n’appréhendent pas entièrement la sensibilité de cette organisation aux stimuli mécaniques. «C’est ce domaine que le projet NANO-MEMEC a voulu explorer», explique Maria Garcia-Parajo, chercheur principal du projet. Cela s’est toutefois avéré plus facile à dire qu’à faire. En effet, l’organisation des molécules au niveau de la membrane plasmique commence à l’échelle du nanomètre, avec des molécules multiples, et différentes, qui s’assemblent de manière dynamique. Le projet a par conséquent dû mettre au point des outils inédits qui permettent de visualiser la manière dont différentes molécules individuelles s’assemblent dans le plan de la membrane pour former des nano-plateformes d’activité biologique. Les chercheurs ont également développé des méthodes permettant d’exercer des perturbations mécaniques entièrement compatibles avec ces méthodes d’imagerie. «Il s’agit d’avancées technologiques majeures que la communauté scientifique peut d’ores et déjà utiliser dans le cadre de ses recherches», ajoute Maria Garcia-Parajo.
Zoom sur les récepteurs membranaires
Armé de ces outils, le projet, qui a reçu le soutien du Conseil européen de la recherche(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), s’est penché sur l’organisation spatiale et temporelle de différents récepteurs membranaires. L’équipe a constaté que le cytosquelette d’actine cortical, un réseau spécialisé d’actine et de myosine situé juste sous la membrane cellulaire, joue un rôle important dans la régulation de l’organisation des récepteurs de la membrane plasmique. Ce rôle s’applique même aux récepteurs qui n’interagissent pas directement avec l’actine. Les chercheurs ont également découvert que les forces mécaniques affectent directement la machinerie d’actomyosine corticale, qui à son tour remodèle l’organisation de la membrane plasmique. Ce mécanisme est général car il ne dépend pas de récepteurs ni de molécules spécifiques et fonctionne donc probablement dans différents contextes ou cellules.
L’impact de la réponse cellulaire sur la santé globale
En fournissant des outils innovants et de nouvelles perspectives sur l’organisation spatiale et temporelle des récepteurs membranaires, le projet NANO-MEMEC nous a permis de mieux comprendre la réaction des cellules face aux forces mécaniques et pourquoi, parfois, ce processus ne fonctionne pas. «Bien que notre projet soit intrinsèquement fondamental, il a ouvert la voie à l’étude de l’impact des dysfonctionnements dans la perception et/ou la réponse des récepteurs aux stimuli mécaniques sur notre santé générale et leur rôle dans l’émergence de maladies telles que le cancer», conclut-elle. Maria Garcia-Parajo travaille actuellement sur les boucles de rétroaction entre la membrane et la machinerie corticale de l’actomyosine. Elle espère ainsi démontrer qu’un paramètre physique tel que la tension de la membrane est capable de contourner l’activation biochimique des récepteurs pour déclencher les voies de signalisation des récepteurs au niveau de la membrane plasmique.