Reconstruire des génomes microbiens à partir de l’environnement
Les communautés de microbes sont partout, de l’environnement à notre propre corps. Les microbiomes humains et environnementaux sont diversifiés et jouent différents rôles clés dans la santé humaine et dans le fonctionnement d’écosystèmes sains. Grâce à l’avènement récent de la métagénomique, une technologie de séquençage de l’ADN efficace et rentable, nos connaissances sur ces communautés se sont considérablement accrues ces dernières années. En fait, la recherche sur le microbiome s’est accélérée (pour en savoir plus, consultez ce récent épisode du podcast CORDIScovery, «Le monde fascinant du microbiome intestinal»). Les génomes assemblés par métagénome (MAG pour «metagenome-assembled genomes») reconstruits grâce à ces techniques sont extrêmement précieux pour approfondir notre compréhension des différentes niches écologiques des microbes, ce qui pourrait avoir un large éventail d’applications dans les domaines de la biotechnologie, de la médecine et même de la science du climat. Cependant, la qualité des MAG reconstruits repose sur une technique connue sous le nom de «binning» (groupement par classe), qui consiste à placer des groupes de séquences nucléotidiques d’un organisme dans des «bins» (classes) en fonction de leur fréquence d’apparition dans différents échantillons. S’il n’y a pas beaucoup d’échantillons d’un organisme particulier, le regroupement devient plus difficile, et la reconstruction est médiocre. Dans le cadre du projet Metagenome binning, financé par l’UE, entrepris avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), les chercheurs entendaient relever ces défis en développant un nouvel algorithme pour améliorer le «binning» dans les situations où les échantillons sont rares. Ces travaux aideront les scientifiques à mieux comprendre les microbiomes humains et environnementaux. «L’amélioration du “binning” permet de mieux reconstruire des génomes microbiens de haute qualité à partir d’échantillons environnementaux, par exemple de l’intestin humain», explique Yazhini Arangasamy(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), chercheur postdoctoral Marie-Curie à l’Institut Max-Planck de sciences multidisciplinaires(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre).
Des matières premières pour des carburants plus propres
Aujourd’hui, la plupart des CAD sont produits par la méthode des esters et acides gras hydrotraités (HEFA), un procédé de raffinage qui transforme les huiles végétales, les huiles de cuisson usagées, les graisses animales ou d’autres déchets riches en lipides en un carburant chimiquement presque identique au kérosène d’aviation conventionnel. L’inconvénient est que l’approvisionnement en huiles usagées est limité, coûteux et souvent importé, plus de la moitié provenant de Chine et de Malaisie. Le projet GAFT, financé par l’UE et soutenu par le Conseil européen de l’innovation, a mis au point une méthode totalement différente de production de matières premières pour le carburant d’aviation à partir de CO2, d’eau et d’électricité renouvelable. Marien de Jonge est le directeur scientifique et l’un des cofondateurs de GAFT, la société néerlandaise du même nom qui pilote ces recherches. Il explique que l’objectif du projet était de «développer de nouvelles méthodes de production de biocarburants et de carburants de synthèse pouvant être utilisés pour fabriquer des CAD, principalement en créant des matières premières lipidiques à longue chaîne produites localement et adaptées au processus HEFA». Au lieu de dépendre d’huiles de cuisson usagées, la matière première lipidique microbienne propre de GAFT sera produite grâce à un procédé unique qui combine électrochimie et fermentation.
Une nouvelle voie biologique et électrochimique vers le CAD
Le CO2, l’eau et l’électricité sont utilisés dans un procédé breveté pour produire du formiate de potassium, qui est ensuite transformé en acide formique. Parallèlement, un micro-organisme non OGM capable de fermenter diverses matières premières est utilisé pour produire des lipides, notamment des triglycérides, qui sont des précurseurs essentiels du carburant d’aviation. «Ensemble, ces technologies contribuent à créer une voie dans laquelle l’électricité renouvelable et le CO2 capturé sont transformés en éléments essentiels pour un carburant d’aviation durable», explique Marien de Jonge.
Une production locale et évolutive de carburant
L’un des principaux avantages de l’approche de GAFT est la possibilité de remplacer les huiles usagées importées par des matières premières locales et renouvelables. Marien de Jonge souligne que cela ouvre la voie à «une chaîne d’approvisionnement en CAD plus évolutive et nationale», qui aide l’industrie à sortir de sa dépendance à l’égard des intrants limités de la méthode HEFA. Le procédé produit également un sous-produit de valeur. La biomasse résiduelle est un matériau riche en protéines qui peut être utilisé dans l’alimentation aquacole, offrant une alternative précieuse et durable aux aliments traditionnels à base de farine de poisson ou de soja.
Envisager l’avenir
Passer à l’échelle supérieure reste le plus grand défi, tout comme obtenir des investissements. Les négociations progressent cependant et l’ambition à long terme est claire. «GAFT entend déployer une chaîne d’approvisionnement entièrement évolutive, circulaire et durable pour le CAD, qui s’appuie sur des lipides microbiens produits localement et sur de l’électricité renouvelable plutôt que sur des matières premières limitées et importées telles que l’huile de cuisson usagée», confie Marien de Jonge. En cas de succès, cette technologie pourrait accroître la production de CAD, réduire les émissions et diminuer la dépendance de l’aviation à l’égard des combustibles fossiles. Et bien que voie à parcourir comprenne des défis d’ingénierie, d’investissement et de réglementation, l’équipe de GAFT estime que son modèle laisse entrevoir un avenir plus résilient pour la production de carburant d’aviation.