La quantification des mécanismes de repliement protéique
Les protéines sont des structures tridimensionnelles (3D) complexes formées par l'agencement de leurs chaînes d'acides aminés (structure primaire). Ces chaînes d'acides aminés se replient et s'alignent pour former des structures en feuillets ou en hélice (structure secondaire) et de manière encore plus compliquée, d'innombrables structures géométriques directement corrélées à la fonction biologique de la protéine (structure tertiaire et quaternaire). La méthode par laquelle une protéine obtient sa configuration finale est contrôlée par ce que l'on appelle le paysage d'énergie libre. La théorie du paysage d'énergie postule que la séquence primaire de la protéine définit de facto le paysage d'énergie libre (ou surface énergétique) qui déterminera elle-même la voie de repliement protéique et la vitesse du repliement et de dépliage la plus efficace énergétiquement parlant. La voie par laquelle passe la protéine pour arriver à son stade d'équilibre final (ainsi que les propriétés qui lui sont afférentes) est parsemée des collines et des vallées du paysage énergétique. La spectrine est l'une des principales protéines du réseau protéique qui relie la surface interne des globules rouges (érythrocytes), elle est considérée comme étant responsable du maintien de leur forme caractéristique (de par sa nature cytosquelettique). Elle forme un faisceau de trois hélices où les trois domaines différents (R15, R16 et R17) se replient à des vitesses extrêmement différentes pour atteindre leur conformation finale malgré leur apparente identité structurelle et leurs propriétés similaires. Certaines expériences expliquent ce résultat par la diversité observée au niveau de la surface énergétique - les domaines qui se replient lentement (R16 et R17) exhibant un paysage énergétique plus rugueux que le domaine rapide (R15) qui lui présente un paysage énergétique plus doux. Les connaissances actuelles sur la rugosité du paysage énergétique sont avant tout théoriques et proviennent essentiellement de calculs mathématiques. Des chercheurs européens ont voulu étudier directement le paysage énergétique de ces trois domaines de la spectrine. Grâce au financement du projet Spectrinroughness, les scientifiques ont pu utiliser les techniques spectroscopiques de molécules isolées les plus modernes (transfert d'énergie par résonnance de Forster sur molécules isolées (smFRET) et spectroscopie de corrélation par fluorescence (FCS)) ainsi que des analyses mathématiques avancées permettant de quantifier expérimentalement la rugosité du paysage énergétique. Les chercheurs du projet Spectrinroughness ont déjà obtenu les premières mesures de certains paramètres liés au repliement sur un état natif non replié. La poursuite de ces recherches apportera sans nul doute de nouvelles données expérimentales et la description de la rugosité du paysage énergétique ainsi que de nouveaux outils liés aux techniques et applications de la biophysique des molécules isolées.