Pillinger définit ses objectifs pour avoir une seconde chance de visiter la Planète rouge
Colin Pillinger, responsable scientifique de la mission Beagle 2 qui avait échoué dans sa mission de recherche dune forme de vie sur la surface de la planète Mars, a parlé à CORDIS News de son désir de faire un nouvel essai, cette fois-ci avec deux atterrisseurs. Lorsqu'il repense au 25 décembre 2003, date à laquelle l'équipe de Beagle 2 a perdu contact avec l'atterrisseur, le professeur Pillinger parvient à être philosophe: "Rétrospectivement, nous avons tiré pas mal denseignements [et] aujourd'hui nous pouvons dire que ce n'était pas la meilleure manière de procéder. Si vous voulez aller sur [la surface de] Mars, vous devez faire de l'atterrisseur votre priorité, ce qui n'était pas le cas. L'orbite était notre priorité." Étant donné la difficulté que représente un atterrissage sur Mars (historiquement, seule une tentative sur trois fut couronnée de succès), le professeur Pillinger déclare qu'envoyer une seule mission n'est tout simplement pas suffisant. C'est pourquoi il tente actuellement de trouver du soutien en vue dune seconde mission européenne sur la planète rouge en 2009. Il utiliserait alors deux atterrisseurs de type Beagle 2 comme projet de démonstration pour Aurora, le programme d'exploration planétaire de l'Agence spatiale européenne (ESA). Dans le cadre de ce programme ambitieux, l'ESA a l'intention d'envoyer un robot extrêmement mobile afin d'établir si oui ou non il y a eu une vie là-bas. "ExoMars", c'est ainsi qu'est appelée la mission, devait être programmée pour 2009 mais le professeur Pillinger estime que la "dérive" des décisions politiques a rendu cette date irréaliste. Á la place de la mission, il propose d'envoyer un atterrisseur plus petit et plus flexible afin que l'Europe ait "un peu d'exploration de Mars à se mettre sous la dent". "Nous définissons nos objectifs. Nous pourrions envoyer deux atterrisseurs, soit tous les deux de manière balistique, soit un par orbite et l'autre de manière balistique. Nous pourrions avoir un atterrissage à l'aube [lorsque les conditions météorologiques sont optimales], donc ce serait vraiment flexible", soutient le professeur Pillinger. La charge scientifique d'au moins un des atterrisseurs a déjà été définie car elle serait basée sur les expériences qui ont accompagné la première mission Beagle 2. "Trouver des traces de lexistence dune forme de vie sur Mars est une expérience scientifique qui n'a pas encore été tentée par la NASA ou l'ESA", a-t-il déclaré, en prévenant que ce ne serait plus le cas pour longtemps et que l'Europe doit réagir rapidement si elle veut espérer apporter une contribution importante à l'exploration spatiale. "Ce que nous craignons, c'est que si l'Europe ne commence pas rapidement l'expérience de Mars, alors elle sera le maillon faible dans la collaboration avec les Etats-Unis, par exemple", a-t-il expliqué. Cependant, lorsqu'on lui a demandé si linstauration d'une politique spatiale européenne représentait la solution pour être sur un pied d'égalité avec des pays comme les Etats-Unis, le professeur Pillinger a déclaré que sa priorité était de s'assurer de l'existence d'une stratégie spatiale nationale forte. "Avant de voir une politique spatiale européenne, je voudrais assister à la création d'une agence spatiale britannique. L'exploration de l'espace va devenir de moins en moins chère et le Royaume-Uni est la quatrième plus grande puissance économique du monde. Mais je n'ai absolument aucun problème avec la collaboration", a-t-il ajouté. D'après le professeur Pillinger, un des plus grands défis politiques dans le domaine de l'Espace concerne le fait que les gouvernements estiment souvent que prendre des décisions est inopportun: "La processus décisionnel doit être plus rapide [.et] nous avons besoin de projets et de budgets à long terme qui ne font pas partie de l'agenda politique". Interrogé sur la manière dont il défendrait les énormes sommes dépensées pour la recherche et lexploration spatiales par rapport à celles accordées à d'autres domaines de la recherche, le professeur Pillinger a répondu: "Le retour positif de tout cela est lextrême popularité de l'espace parmi les jeunes. Nous sommes tous préoccupés par le désintérêt actuel pour les sciences; donc si nous pouvons nous servir de l'espace pour que les gens s'impliquent dans la science et l'ingénierie, alors cela aura valu le coup." Il a également évoqué le développement d'un spectromètre de masse "individuel" dans le cadre de la première mission Beagle 2 qui avait reçu un soutien financier de la part de Wellcome Trust. "Il y a tellement de personnes qui veulent [un tel appareil], notamment pour des applications médicales, car il permettrait de tester la respiration dans le cadre de certaines maladies. Ce n'est qu'un exemple d'une utilisation pertinente de la science spatiale dans d'autres secteurs." D'après le professeur Pillinger, le plus grand défi pour les ambitions spatiales de l'UE ou de ses États membres réside à nen pas douter dans le manque de scientifiques qualifiés. "Le problème est que, étant donné que nous n'avons pas de programme actif sur lequel travailler pour l'instant, un par un, les membres de mon équipe sont gagnés par la tentation de rejoindre l'autre rive de l'Atlantique. Je suis le témoin de la fuite de talents irremplaçables, et ce n'est qu'une question d'heures", a-t-il déclaré. Cependant, plutôt que de se lamenter sur la situation et den ressasser les causes, le professeur Pillinger applique le même principe à la fuite des cerveaux qu'au défi de l'atterrissage sur Mars: il faut s'y mettre. "Il n'y a absolument aucune raison que l'Europe ne soit pas capable de concurrencer les États-Unis dans le domaine spatial. Que je sache, les Américains n'ont pas le monopole des bonnes idées!"
Pays
Royaume-Uni