France: la carte des pôles de compétitivité est dressée
Le Premier ministre français, Dominique de Villepin, a dévoilé la liste des 61 pôles de compétitivité, appelés à bénéficier d'un financement dans le cadre d'un "effort visant à redessiner et à moderniser la carte industrielle de ce pays". L'enveloppe initialement prévue pour cette initiative a été doublée, passant de 750 millions à 1,5 milliard d'euros. Plus de 100 candidatures ont été reçues en perspective de la "manne" associant abattements fiscaux et autres crédits à la recherche et au développement qui sera distribuée entre 2006 et 2008. Le captage de fonds provenant d'autres sources telles que les Fonds structurels de l'UE et le Programme-cadre de Recherche retient également l'intérêt du gouvernement. Evoquant la décision, le Premier ministre a expliqué lors d'une conférence de presse qu'il souhaitait stimuler la croissance économique en offrant "le meilleur environnement possible à ceux qui prennent des risques" et que "l'intégration la plus étroite possible de la recherche et de la production renforce la compétitivité des entreprises sur le territoire français". Parmi les six pôles identifiés comme "compétiteurs mondiaux" et éligibles à une aide prioritaire, telle que des fonds visant à recruter davantage de chercheurs, on trouve: un pôle "santé" dans la région Rhône-Alpes; un pôle "aéronautique et espace" autour des villes de Bordeaux et de Toulouse, où est basé le constructeur d'avions civils Airbus; un pôle dédié aux systèmes complexes de transport et de navigation, situé en région parisienne; la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec un groupe spécialisé dans les communications informatiques sécurisées, qui va compléter les recherches menées par le fabricant de puces STMicroelectronics; et un pôle axé sur les nanotechnologies dans l'agglomération grenobloise. Le sixième pôle sera MediTech-Santé, qui regroupe des chercheurs et des entreprises en région parisienne et s'inscrit dans la priorité stratégique visant à promouvoir le développement des biotechnologies en France, un secteur fragmenté et géographiquement dispersé, constitué presque exclusivement de PME. Estimant qu'aucune région n'avait atteint la masse critique nécessaire pour répondre à l'exigence de "visibilité internationale" applicable aux pôles, le gouvernement a bien voulu faire une exception aux règles. Pour aplanir les tensions entre le souhait gouvernemental de mettre en place des centres d'excellence à visibilité internationale en concentrant géographiquement les financements, et la pression politique exercée par des régions toutes désireuses d'avoir leur "part", M. de Villepin a également identifié 61 autres pôles de compétitivité à travers le pays. L'initiative s'inscrit dans la stratégie industrielle à grande échelle engagée par la France en 2002 en vue de s'atteler aux facteurs clés sous-tendant la compétitivité industrielle, notamment l'innovation tirée par la recherche. L'objectif est de répondre à la menace émanant de pays affichant des coûts de production et de main d'oeuvre plus bas en se concentrant sur les secteurs à haute valeur ajoutée. La politique de la France reflète celle suivie par d'autres Etats membres de l'UE en matière de compétitivité. Beaucoup se convertissent au développement économique durable, tandis que la Commission européenne cherche elle aussi à renforcer la compétitivité. Le gouvernement français considère ces pôles comme des maillons d'un réseau européen de pôles similaires et débattrait volontiers des possibilités de collaboration avec des pôles situés à l'étranger, y compris par le biais des initiatives technologiques censées s'inscrire dans le Septième programme-cadre (7e PC) et via Eureka. L'établissement de liens avec les réseaux de compétence allemands ("Kompetenznetze") est déjà en cours de discussion. Des études ont montré que les lieux les plus fertiles en innovations sont ceux où une multitude d'acteurs différents (y compris centres de recherche-développement (R&D) du secteur public et privé) entretiennent une grand proximité physique, permettant un échange rapide des nouveaux résultats et des idées. L'accord gouvernemental sur les pôles de compétitivité comprenait les éléments suivants: - un budget de 750 millions d'euros sur trois ans; - recommandation aux ministères d'affecter 25 à 30 pour cent de leurs subsides aux projets coopératifs d'innovation; - les entreprises associées à des projets coopératifs de R&D pourraient être éligibles à l'exonération d'impôt sur les bénéfices et à l'abaissement des cotisations de sécurité sociale. La politique des pôles de compétitivité a pour vocation d'ancrer l'industrie à forte valeur ajoutée - et en particulier les décideurs industriels - sur le territoire français, réduisant de ce fait la vulnérabilité des emplois français aux revirements économiques, ainsi qu'à projeter une image moderne de la France et à attirer ainsi les investissements. Lorsque l'appel à propositions a été lancé, l'idée était tout d'abord de sélectionner une série de propositions touchant aux technologies et activités industrielles structurantes dans lesquelles la France est spécialisée ou a démontré un potentiel. Les pôles ont également été retenus sur la base de la diversité régionale de l'excellence. Les projets de R&D proposés par un pôle et situés géographiquement dans la "zone R&D" de ce dernier pourront prétendre au financement total des coûts pour ce qui est des partenaires du secteur public, et à concurrence de 35 pour cent s'agissant des partenaires du secteur privé. Le financement ou non de tel ou tel projet de R&D dépendra du montant de fonds publics disponibles, même si les projets constituant un élément central de la stratégie de développement du pôle auront davantage de chances d'être subventionnés. Les entreprises impliquées dans des projets liés aux pôles pourront prétendre à un abattement de charges sociales pour le personnel qui y travaille. Les décisions finales ont été prises sur la base des critères suivants: - la stratégie de développement économique du pôle; - la visibilité internationale du pôle ou sa capacité à croître rapidement en un centre de réputation internationale en technologie et R&D; - le degré de partenariat entre secteur public et privé proposé par le pôle, et le mode de gouvernance visant à assurer que ces partenariats débouchent sur une stratégie cohérente; - la qualité des projets de R&D menant à de nouveaux produits de haute valeur. En sus des aides à la R&D et exonérations fiscales mentionnées plus haut, ce financement contribuera également à l'administration et à l'investissement dans des infrastructures telles que de nouveaux bâtiments pour les entreprises ou institutions liées aux pôles et des accès Internet à ultra-haut débit.
Pays
France