Le consentement éclairé au centre d'une conférence entre scientifiques du Nord et du Sud
Au terme d'un débat sur les questions complexes du consentement éclairé et des doubles normes dans la science, qui s'est tenu dans le cadre d'une conférence sur l'éthique, la recherche et la mondialisation organisée le 14 mai à Bruxelles, des scientifiques et des éthiciens de pays développés et en développement se sont accordés pour conclure que l'établissement d'un consensus reste la meilleure solution. Tous les participants à la conférence ont convenu que recourir aux essais cliniques en vue de développer les connaissances sans se préoccuper des participants aux essais serait contraire à l'éthique. Cependant, les orateurs ont exprimé des points de vue différents quant à la manière de garantir que la recherche respecte strictement l'éthique et d'estimer si les normes adéquates ont été appliquées. Dans un avis datant de 2003, le groupe européen sur l'éthique dans la science et les nouvelles technologies déclarait que les règles éthiques appliquées aux essais cliniques dans les pays industrialisés devraient l'être également aux essais cliniques réalisés ailleurs (bien qu'il n'y eut pas de consensus sur l'utilisation d'un placebo). Dans la pratique, l'environnement dans lequel les essais sont réalisés implique que, pour garantir un consentement éclairé, on ne peut se contenter de transférer les processus des pays du Nord aux pays du Sud. Cette approche présente en effet deux problèmes majeurs: les niveaux d'éducation et l'alternative à la participation à la recherche. Dans de nombreux cas, demander à un participant potentiel de lire un formulaire de consentement, puis de le signer, n'est ni pratique, ni suffisant. Faire savoir en quoi consiste la recherche peut exiger le recours à des aides visuelles et des explications doivent toujours être données par une tierce partie indépendante qui comprend les valeurs locales. D'autre part, employer des travailleurs locaux pour expliquer la recherche et recueillir les signatures pose de nouveaux problèmes. En effet, les travailleurs locaux travailleront inévitablement en faveur de leur promotion et pourront supposer que recueillir le plus grand nombre possible de signatures est le meilleur moyen de l'obtenir. Il faut donc effectuer des contrôles ad hoc pour s'assurer que les travailleurs locaux effectuent leur tâche correctement. Plusieurs orateurs de la conférence de Bruxelles ont souligné que, même si l'on peut expliquer de manière parfaitement compréhensible aux participants potentiels en quoi consiste la recherche, ceux-ci ne sont pas nécessairement libres de prendre une décision objective sur le fait de participer ou non. Même si les chercheurs n'essaient pas délibérément d'obtenir un consentement au moyen d'incitants, l'alternative à la participation à un essai - c'est-à-dire ne pas bénéficier des soins - est un incitant indirect qui supprime la liberté de choisir. «Que ferions-nous à Bruxelles si l'accès aux hôpitaux dépendait de votre consentement à la participation à la recherche?», a demandé Jean-Claude Ameisen, membre du comité consultatif national d'éthique (CCNE) et de l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), deux instances françaises. Comme solution à la question des incitants dans les pays en développement, il propose de réaliser des essais cliniques uniquement dans les lieux où la norme minimale en matière de soins de santé est déjà assurée. «Les pays devraient savoir que la première des priorités consiste à assurer des soins, le développement des connaissances étant la deuxième», a-t-il déclaré. Clément Adebamowo, directeur du centre d'éthique de l'Afrique de l'Ouest, a mis en lumière un autre problème lié à l'obtention du consentement éclairé. Par expérience, il sait que de nombreux Africains préfèrent une approche communautaire plutôt que de décider eux-mêmes de manière autonome s'ils vont participer ou non à la recherche. Il pense que cette préférence a été façonnée par l'histoire et la culture et qu'il faut développer la recherche pour la comprendre. En réponse aux questions sur les doubles normes, les orateurs ont indiqué qu'elles existent réellement et qu'elles créent un fossé non seulement entre l'Europe et l'Afrique, mais aussi au sein de l'Europe et au sein de l'Afrique. En Europe, il existe une procédure uniformisée de consentement éclairé, mais elle n'est pas nécessairement appropriée à tous les cas. En Europe aussi, certaines personnes ont un faible niveau d'éducation et les migrants sont nombreux. Les formulaires de consentement européens ont également été critiqués parce qu'ils servent les intérêts des départements juridiques des hôpitaux avant ceux des patients. John Williams, de l'Association médicale mondiale, a terminé son exposé en expliquant de manière concise et précise pourquoi l'établissement d'un consensus sur éthique de la recherche est problématique. Différentes parties concernées défendent des avis et des intérêts divergents, mais l'industrie et les groupes sociétaux ne sont pas les seuls à être divisés. Même ceux qui développent les lignes directrices sont parfois incapables de se mettre d'accord, certains étant plus à cheval sur les principes, tandis que d'autres sont plus pragmatiques. Même si le consensus est difficile à trouver, il reste néanmoins la meilleure voie à suivre, ont convenu les participants à la conférence. La Commission européenne a un rôle à jouer: s'opposer aux doubles normes et soutenir les efforts d'établissement d'un consensus, a déclaré M. Williams. Ce soutien pourrait prendre la forme de forums de financement permettant aux parties intéressées de se réunir pour essayer de trouver un consensus. La Commission pourrait également identifier et publier les meilleures pratiques, a-t-il suggéré. Les recommandations issues de la conférence seront naturellement présentées à la Commission européenne. La DG Recherche identifiera ensuite des actions de renforcement des capacités visant à remédier aux problèmes spécifiques et répondant aux besoins des pays partenaires. Ces actions seront financées par le programme «La science dans la société» du septième programme-cadre (7e PC), qui dispose d'un budget de 330 millions d'euros pour la période 2007-2013.