Du cartilage humain dans une boîte de Petri
Les os de nos articulations sont doublés d’un revêtement lisse connu sous le nom de cartilage articulaire, qui facilite le mouvement sans friction des articulations. Il se compose essentiellement d’une matrice extracellulaire riche en collagène et en glycosaminoglycanes, générée par des cellules spécialisées connues sous le nom de «chondrocytes». Le cartilage articulaire ne peut pas s’autoréparer, car il est dépourvu de vaisseaux sanguins et de nerfs. Par conséquent, les lésions ou la dégénérescence liée à l’âge pourraient provoquer de l’inflammation, de la douleur et des raideurs susceptibles de mener à l’ostéoarthrite.
Un modèle in vitro de cartilage articulaire
Le traitement précoce des lésions du cartilage articulaire permettrait de corriger la progression de la maladie. Toutefois, les traitements adaptés ne suffisent pas en raison de notre manque de connaissances sur la formation de ce type de cartilage chez l’homme au cours du développement. Afin de contourner cette limite, le projet ReSurface a élaboré des méthodes pour générer du cartilage articulaire en laboratoire et l’étudier. Ces recherches ont été entreprises avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie (MSCA) et impliquaient un modèle in vitro qui facilite l’examen du développement précoce du cartilage humain. «La biologie du cartilage était autrefois étudiée en recourant à des modèles animaux. Ainsi, pour la première fois, notre modèle in vitro repousse les frontières de la biologie du cartilage humain. Il aura un effet sur la biologie du développement et la recherche sur les maladies du cartilage», explique Rosanne Raftery, titulaire d’une bourse de recherche MSCA.
Des cellules souches au cartilage
Les chercheurs ont développé une méthode pour générer un tissu cartilagineux articulaire stable dans une boîte de Petri en recourant à des cellules souches pluripotentes humaines (CSPh). Ce modèle leur a permis d’étudier le développement du cartilage humain pour la première fois et de mieux comprendre la manière dont les cellules produisent du tissu cartilagineux et dont elles répondent aux blessures ou au vieillissement. Contrairement aux chondrocytes articulaires adultes, qui ont perdu leur capacité à produire du cartilage articulaire sain lorsqu’ils sont expansés, les chondrocytes articulaires dérivés des CSPh peuvent à maintes reprises produire du cartilage articulaire sain. Ils peuvent également maintenir un comportement stable, contrairement aux cellules souches adultes dérivées de la moelle osseuse, qui ont tendance à initier la formation d’os au lieu de cartilage. Les chercheurs ont entrepris une analyse approfondie des CSPh lors de leur différenciation en chondrocytes articulaires et ont continué à étudier le comportement des cellules au cours d’expériences à long terme, ciblant la conservation du cartilage sain. En plus de générer de nouvelles informations sur le développement du cartilage humain, ce projet a permis d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques susceptibles d’atténuer la progression de l’ostéoarthrite.
Une régénération in situ du cartilage endommagé
Les chondrocytes articulaires adultes sont utilisés dans le domaine clinique pour traiter les lésions du cartilage, et les cellules souches adultes ont été utilisées dans plus de 120 essais cliniques en vue de la réparation du cartilage. «Nous prévoyons que nos chondrocytes articulaires dérivés des CSPh pourront également être utilisés pour la thérapie cellulaire à l’avenir», souligne Rosanne Raftery. À cette fin, l’équipe a développé et optimisé un hydrogel à base d’acide hyaluronique pour l’administration de chondrocytes articulaires dérivés de CSPh. En plus de transporter des cellules, ce dispositif pourrait être utilisé pour administrer des médicaments aux sites de dommages articulaires afin de stimuler la régénération du cartilage articulaire in situ. Il pourrait mettre un frein à la progression de l’ostéoarthrite sans devoir recourir à une arthroplastie. Le traitement couronné de succès des défauts du cartilage articulaire limitera la douleur et la souffrance des patients, et aura des avantages socio-économiques considérables, dont une réduction de l’absentéisme au travail et un meilleur vieillissement actif et en bonne santé.
Mots‑clés
ReSurface, cartilage articulaire, ostéoarthrite, développement, cellules souches pluripotentes humaines, CSPh, thérapie cellulaire, hydrogel