Nouvelles connaissances sur le métabolisme cellulaire et son évolution dans des conditions pathologiques
Le métabolisme cellulaire est un système dynamique extrêmement complexe dans lequel interviennent des milliers d’enzymes. «L’étude des activités métaboliques dans les cellules consistait généralement à mesurer des quantités moyennes dans plusieurs compartiments subcellulaires, ce qui éclipse des informations importantes sur les différences de concentrations de métabolites entre organites», explique Tomer Shlomi, chercheur à l’Institut de technologie d’Israël(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) et coordinateur du projet CancerFluxome. Et si l’absence d'informations au niveau subcellulaire ne représentait pas une gageure suffisante, Tomer Shlomi précise que les mesures métaboliques ne sont généralement possibles que sur de grandes populations de cellules, ce qui complique encore la capacité à déduire la variabilité intercellulaire potentielle des activités métaboliques.
Visualiser l’activité métabolique à une résolution spatio-temporelle élevée
Afin de relever ces défis, le projet, soutenu par le Conseil européen de la recherche(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), a employé une méthode innovante de biologie des systèmes capable d’évaluer la concentration et le flux des métabolites (le rythme auquel fonctionnement réellement les enzymes métaboliques) dans des compartiments subcellulaires distincts. Cette méthode permet également d’examiner la dynamique des métabolites et des flux pendant le cycle cellulaire. «Le fait de pouvoir explorer les activités métaboliques à une résolution spatio-temporelle élevée devrait apporter une contribution fondamentale à notre compréhension du métabolisme cellulaire et de son évolution dans des conditions pathologiques, notamment dans le cancer», explique Tomer Shlomi. Par exemple, en utilisant une méthode qui combine synchronisation cellulaire et déconvolution informatique, traçage isotopique, spectrométrie de masse et modélisation du réseau métabolique, le Shlomi Lab(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) a été en mesure d’étudier la dynamique du flux métabolique au fur et à mesure de la progression des cellules dans la lignée cellulaire. «L’application de cette méthode à une lignée cellulaire communément étudiée a ajouté une autre dimension temporelle à notre compréhension d’un système métabolique fondamentalement important dans les cellules», ajoute Tomer Shlomi. «Nous avons en effet constaté que le flux métabolique qui traverse ce système oscille à mesure de la progression d’une cellule dans le cycle cellulaire, celle-ci adaptant son activité à l’évolution de ses besoins anaboliques.
Voie jusqu’ici inconnue
En ce qui concerne la tâche encore plus délicate d’un point de vue technique consistant à déduire les flux métaboliques au niveau subcellulaire et dans des conditions physiologiques, le projet a mis au point une méthode de fractionnement cellulaire rapide. «Ce processus isole les mitochondries des cellules en l’espace de quelques secondes, ce qui revient à les congeler presque instantanément, avant d’effectuer des mesures et à une modélisation informatique», fait remarquer Tomer Shlomi. Lorsqu’ils ont utilisé ce processus pour sonder les activités métaboliques centrales, les chercheurs du Shlomi Lab ont découvert une voie jusqu’ici inconnue dans laquelle plusieurs enzymes mitochondriales du cycle de Krebs présentaient une activité inversée dans des tumeurs spécifiques pour soutenir les activités anaboliques et la prolifération des cellules cancéreuses.
Une nouvelle cible pour le traitement anticancéreux
Une autre découverte importante est celle d’une enzyme mitochondriale dont l’activité est essentielle à la croissance des cellules cancéreuses hépatiques. Au lendemain de cette découverte, les chercheurs ont pu démontrer que le silençage génétique de ce gène codant pour cet enzyme inhibe la croissance du carcinome hépatocellulaire chez les souris, donnant à penser que cette méthode pourrait constituer une nouvelle cible pour le traitement de cette maladie. «Les méthodes mises au point dans le cadre de ce projet fournissent des outils fondamentaux aux chercheurs en métabolisme, et améliorent notre compréhension du mécanisme de reprogrammation du métabolisme cellulaire par les cellules cancéreuses et de la manière dont cette reprogrammation pourrait être ciblée par des médicaments», conclut Tomer Shlomi. Bien que le projet CancerFluxome soit désormais clos, le Shlomi Lab poursuit ses travaux sur de nouvelles méthodes qui permettraient de dresser un tableau encore plus exhaustif du métabolisme cellulaire, de sa régulation et de sa dégradation dans des conditions pathologiques.
Mots‑clés
CancerFluxome, résolution spatio-temporelle élevée, métabolisme cellulaire, maladie, cancer, cellules cancéreuses, métabolites, flux métabolique, tumeurs