Comment les lipides anti-stress contribuent à rendre les plantes plus résistantes
Outre le fait qu’elles sont susceptibles d’impliquer des pertes de rendement, les conditions environnementales difficiles limitent les zones de culture. Les facteurs de stress, tels que la sécheresse et le taux de sel, entraînent des changements dans la physiologie et la biochimie des plantes. Comprendre comment les végétaux les détectent et s’y adaptent est devenu une question pressante pour la recherche. On sait qu’une série de composés organiques, collectivement connus sous le nom de lipides, qui font partie de la membrane d’une cellule végétale, jouent un rôle clé. «Deux d’entre eux, le diacylglycérol et l’acide phosphatidique, appelés également “messagers secondaires”(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), déclenchent des changements physiologiques au niveau cellulaire de la plante», explique Miguel Botella, coordinateur du projet PLISUS financé par l’UE. «Compte tenu de ce rôle important, ils doivent être étroitement régulés, et nous avons donc voulu étudier certains des mécanismes clés qui rendent cela possible.» Le projet entendait comprendre le rôle des sites de contact entre les unités de travail d’une cellule (organites), en particulier ceux situés au niveau du réticulum endoplasmique et de la membrane plasmique, connus pour être essentiels à la communication et à la régulation des processus cellulaires. Cette recherche a été entreprise avec le soutien du programme Actions Marie Skłodowska-Curie(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre).
Exploration du réticulum endoplasmique et de la membrane plasmique
Chez les plantes, les membranes cellulaires forment de nombreux sites de contact entre la plupart des organites de la cellule, y compris la membrane plasmique qui entoure et protège cette dernière de l’environnement extérieur. Les cellules végétales ont développé plusieurs méthodes de signalisation pour annoncer les facteurs de stress et déclencher des processus de protection. La signalisation des lipides fait passer ces molécules de la membrane plasmique à celle du réticulum endoplasmique. Une famille de protéines appelées Synaptotagmines(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre) (SYT) est essentielle à ce processus dans la mesure où elle «lie» les membranes les unes aux autres. Des études antérieures ont démontré que les SYT comportent une région, appelée domaine SMP, qui lie une classe de lipides dénommée phospholipides(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), ce qui laisse entrevoir le mécanisme par lequel les protéines SYT régulent en fait la signalisation des lipides. «Il est possible que les protéines SYT déplacent ces phospholipides de la membrane plasmique vers le réticulum endoplasmique, où ils sont modifiés avant d’être renvoyés vers la membrane plasmique pour contrer le stress», ajoute Miguel Botella. Afin de mieux comprendre ce phénomène, l’équipe s’est appuyée sur la microscopie confocale pour étudier une plante modèle, l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana), en utilisant des plantes sauvages comme groupe de contrôle, ainsi que des mutants SYT dans lesquels avait été insérée une protéine SYT qui ne fonctionnait pas. Pour analyser comment l’endocytose, le processus par lequel les cellules régulent les substances qui les pénètrent ou les quittent, est affectée par le stress, les plantes ont été étudiées dans des conditions de contrôle et après des traitements par le froid. Les scientifiques ont constaté que, chez les mutants, l’endocytose était effectivement affectée, car la contrainte de froid modifiait la teneur en lipides diacylglycérols de la membrane plasmique. Afin d’aller plus loin, l’équipe a utilisé l’analyse transcriptomique pour rechercher d’autres gènes susceptibles de contrôler le processus d’endocytose. Bien que le projet ait trouvé des protéines intéressantes, des recherches supplémentaires sont nécessaires avant de pouvoir tirer des conclusions. «Des travaux antérieurs ont décrit comment les SYT assurent la stabilité du lipide diacylglycérol dans la membrane plasmique(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), lorsqu’il est soumis à un stress. PLISUS fait le lien entre cette homéostasie et le processus d’endocytose», explique Miguel Botella. «Nous avons été surpris de constater que les complexes SYT mutés sont incapables d’effectuer l’endocytose, ce qui suggère que la teneur en diacylglycérol de la membrane plasmique est un régulateur essentiel de ce phénomène.»
Des cultures plus résistantes
Les conclusions de PLISUS contribueront aux efforts visant à améliorer la résistance des cultures par le biais de programmes de sélection ou de manipulations génétiques. «Étant donné que la pénurie d’eau et la salinité élevée limitent les zones de culture et d’horticulture, nos résultats pourraient avoir des applications pratiques très ciblées», explique Jose Aznar-Moreno, chercheur dans le cadre du projet. Le mécanisme moléculaire sous-jacent exact et les conséquences physiologiques du lien entre le complexe SYT et la voie d’endocytose restant inconnus, c’est sur ce point que se concentrent désormais les chercheurs.
Mots‑clés
PLISUS, plante, sel, sécheresse, lipide, stress, membrane, cellule, cultures, endocytose