Comment le microbiome du sol s’auto-organise pour guider le cycle du carbone
Le sol est un important réservoir de carbone, pour des raisons microscopiques. Les microbes contenus dans le sol décomposent constamment la matière végétale, libérant du CO2 dans l’atmosphère, mais stockant bien plus de carbone dans la structure du sol. «Pendant des milliers d’années, cette activité microbienne a non seulement maintenu l’équilibre du cycle du carbone entre la terre et l’atmosphère, mais a également constitué d’énormes réserves de carbone dans les sols», explique Christina Kaiser(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), professeure agrégée au Centre de microbiologie et des sciences des systèmes environnementaux de l’université de Vienne. «Néanmoins, nous ne comprenons pas encore complètement les mécanismes qui induisent la dégradation microbienne de la matière organique du sol.» Le microbiome du sol fonctionne à des échelles incroyablement petites, et nous ne savons toujours pas comment les interactions microbiennes dans un environnement spatialement complexe comme le sol gèrent le processus global de renouvellement de la matière organique à l’échelle du système. Dans le cadre du projet SomSOM, financé par le Conseil européen de la recherche(s’ouvre dans une nouvelle fenêtre), Christina Kaiser et ses collègues apportent un nouvel éclairage sur ce système souterrain, et explorent les interactions entre les microbes à travers le prisme de la science des systèmes complexes. Diverses théories de ce domaine suggèrent que les interactions au niveau micro peuvent, dans un processus «d’auto-organisation», générer des comportements émergents au niveau du système, qui ne sont pas prévisibles à partir de parties individuelles. «Nous avons trouvé des preuves que le comportement des systèmes complexes est essentiel au fonctionnement du sol», explique Christina Kaiser. «Cette perspective est essentielle pour anticiper la réaction des sols aux changements environnementaux et la manière dont ils façonneront le bilan carbone futur de la Terre.»
Trouver une auto-organisation au sein des communautés microbiennes du sol
L’équipe a étudié la manière dont les microbes du sol «s’auto-organisent» à différentes échelles spatiales, en combinant des expériences à l’échelle microscopique avec des modèles informatiques pour étudier comment les microbes coopèrent pour décomposer des substances complexes. Les microbes doivent produire des enzymes et les libérer dans leur environnement afin de débloquer des sources de nourriture. Le projet a révélé que l’efficacité de ces enzymes dépend fortement de la structure des micropores du sol. Cela crée un compromis pour les microbes, qui conduit à des «points de basculement», où de petits changements des conditions environnementales peuvent créer des changements spectaculaires de l’activité microbienne. À plus grande échelle, les chercheurs ont démontré que la structure du sol à l’échelle millimétrique qui a émergé suite aux activités microbiennes façonne les communautés microbiennes et les relie à des morceaux distincts de matière organique, avec des implications potentielles pour leur écologie et leur évolution. Utilisant des sols issus d’expériences de terrain sur le long terme établies, l’équipe a également évalué le rôle du microbiome du sol au niveau de l’écosystème. Ainsi, dans les prairies autrichiennes, 70 années d’épuisement des nutriments ont provoqué des changements complexes des champignons du sol, qui ont modifié les communautés végétales et la chimie du sol. En Islande, des études menées le long d’un gradient géothermique naturel ont révélé que les sols peuvent franchir des points de basculement critiques en cas de changement environnemental. Les résultats ont été publiés dans une série de revues à comité de lecture, dont «Nature Geoscience», «ISME Journal» et «PLOS Computational Biology», et présentés dans le cadre de plusieurs conférences, à la fois au sein de la communauté des sols et lors de réunions portant sur les systèmes complexes et la modélisation mathématique.
Améliorer notre connaissance des écosystèmes microbiens du sol
Dans son ensemble, le projet a fait progresser notre compréhension des écosystèmes microbiens du sol grâce à une approche peu traditionnelle pour la discipline, et a fourni la première preuve que la dynamique des systèmes complexes façonne le renouvellement du carbone du sol. «En combinant des concepts de l’écologie microbienne, de la science des sols et de la théorie des systèmes complexes, le projet nous a fourni une nouvelle perspective sur les contrôles du renouvellement de la matière organique du sol et sur la façon dont il réagit aux changements environnementaux», ajoute Christina Kaiser. «Cela constitue une avancée considérable par rapport à l’état de l’art en matière de recherche sur les sols.»