Évoluer d'un organisme unicellulaire vers un organisme pluricellulaire
Pour associer la complexité et l'efficacité dans un même organisme, l'évolution a appliqué la division du travail. Un organisme unicellulaire doit réaliser toutes ses fonctions à partir de sa seule cellule. Au niveau plus complexe des pluricellulaires, les tâches différentes sont réalisées par des cellules différentes. Le corps humain compte ainsi plus de 100 000 milliards de cellules! L'évolution vers les pluricellulaires s'est nécessairement accompagnée de l'établissement de communications entre les cellules ainsi que de molécules de signalisation qui, comme les kinases tyrosine (KT), déclenchent des modifications dans les cellules cibles. La comparaison des gènes des animaux pluricellulaires (les métazoaires) avec les formes unicellulaires ancestrales pourrait révéler les mécanismes génétiques à l'œuvre derrière cette prouesse évolutive. Le projet MMEMA («Molecular mechanisms for the evolution of multicellularity in animals») a étudié des familles de gènes qui gouvernent les fonctions pluricellulaires. Globalement, MMEMA a pu comparer les fonctions des gènes concernés avant et après l'évolution vers l'état pluricellulaire. Sphaeroforma arctica (S. arctica) et Capsaspora owczarzaki (C. owczarzaki) ont été les deux protistes marins sélectionnés, parce qu'ils sont proches des métazoaires modernes. L'approche pour identifier les gènes responsables de la formation des colonies a consisté à étudier les différences génétiques entre les formes coloniales et unicellulaires de ces protistes. Dans une colonie, certaines cellules diffèrent les unes des autres car elles sont légèrement différenciées. La colonie abrite également des cellules spécialisées dans la reproduction. Les scientifiques de MMEMA ont analysé la totalité du génome de C. owczarzaki et isolé plus de 100 KT. En association avec l'analyse d'autres génomes établis par d'autres recherches, ils ont conclu que les KT cytoplasmiques ont été mises en place bien avant l'avènement des pluricellulaires. Cependant, les KT réceptrices jouant un rôle majeur dans la différenciation et la migration des cellules se sont diversifiées indépendamment dans chaque lignée de métazoaires. Les chercheurs ont également pu filmer la transformation d'un parent proche de C. owczarzaki, S. fragrantissima, en utilisant des assemblages d'ADN. La chronophotographie a permis d'enregistrer une division nucléaire synchronisée dans un syncytium (une structure cellulaire contenant plusieurs noyaux). L'ensemble se comporte comme une seule unité coordonnée, composée de plusieurs cellules liées de façon structurelle et fonctionnelle. Les recherches de MMEMA ont créé une base pour l'étude du rôle de la fonction génétique dans le progrès évolutif. L'élucidation de la fonction de ces gènes critiques pourrait éclaircir le phénomène de différenciation cellulaire ainsi que ses dysfonctionnements, qui entraînent des maladies comme le cancer.